Australie : le gouvernement tente cyniquement de limiter les dégâts à propos de l’assassinat par Israël d’une travailleuse humanitaire australienne

En Australie, comme dans le reste du monde, l’assassinat de sang-froid par Israël de sept travailleurs humanitaires de la World Central Kitchen (WCK) à Gaza a encore enflammé l’opposition aux crimes de guerre du régime sioniste. Outre trois ressortissants britanniques, un Polonais et un Palestinien, figurait encore parmi les victimes de la frappe aérienne une Australienne, Lalzawmi «Zomi» Frankcom.

Lalzawmi «Zomi» Frankcom [Photo: Zomi Frankcom]

Lorsque des images ont été diffusées pour la première fois sur les réseaux sociaux mardi matin, heure australienne, montrant le passeport ensanglanté et le corps sans vie de Frankcom, ainsi que ceux des autres victimes, elles ont suscité un choc et une colère considérables.

La réaction du gouvernement travailliste australien, elle, a été très différente. L’exécutif s’est engagé dans la voie la plus cynique et la plus hypocrite qui soit. Son objectif était clairement d’apaiser l’hostilité populaire, sans dévier en quoi que ce soit de son soutien au régime israélien et à son opération de nettoyage ethnique à Gaza.

La rhétorique du gouvernement a évolué. Après s’être dits vaguement «préoccupés» par le meurtre de Frankcom, les travaillistes ont depuis décidé qu’en fait ils étaient «en colère».

La réaction initiale du Premier ministre Anthony Albanese a été dédaigneuse, à la limite du mépris. Interrogé sur les premières informations concernant la mort de Frankcom lors d’une interview à la radio mardi matin, Albanese a répondu que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce (DFAT) «enquêtait» et qu’il était «très préoccupé par les pertes de vies humaines qui se produisent à Gaza».

Albanese n’a pas abordé directement le fait qu’un proche allié de son gouvernement, Israël, avait assassiné une citoyenne australienne. Il n’a pas non plus pris la peine de présenter ses condoléances à la famille de Frankcom.

Interrogé par le présentateur de l’Australian Broadcasting Corporation (ABC) sur une question complémentaire, Albanese a répondu: «Je viens de vous dire que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce cherche à approfondir l’enquête, et j’ai été informé que c’est ce qu’ils font». L’impression transmise était que la mort de Frankcom n’était pour le gouvernement qu’un désagrément.

Le DFAT a publié une déclaration anodine dans la matinée, décrivant la mort de Frankcom comme «affligeante».

Dans l’après-midi, les collaborateurs d’Albanese avaient clairement fait savoir au Premier ministre que sa réaction indifférente à la mort de Frankcom n’avait pas été bien accueillie par le public.

Lors d’une conférence de presse sans rapport avec le sujet, Albanese a déclaré que Frankcom avait «effectué un travail extraordinairement précieux». Il a ajouté: «Nous contactons l’ambassadeur d’Israël pour lui demander de rendre des comptes. La vérité, c’est qu’il n’y a pas de circonstances raisonnables pour qu’une personne apportant de l’aide et de l’assistance humanitaire perde la vie».

Les propos d’Albanese avaient lieu dans un contexte pour le moins dérangeant. Il s’exprimait sur le site de production de Brisbane du fabricant d’armes allemand Rheinmetall. Albanese et d’autres ministres du gouvernement annonçaient, comme ils l’avaient déjà fait plusieurs fois, la décision de Rheinmetall de fabriquer dans cette usine 100 véhicules blindés capables de transporter des armes lourdes.

Le Parti travailliste au pouvoir présentait cette décision comme une aubaine pour l’économie australienne, bien qu’elle ne concerne que 600 à 1.000 emplois. La production de ces véhicules fait partie de la remilitarisation de l’Allemagne et contribuera au carnage provoqué par les États-Unis et l’OTAN en Ukraine. Les travaillistes vantent également l’expansion des capacités de production de guerre en Australie dans le cadre de leur alignement agressif sur le militarisme américain et ses préparatifs de guerre avec la Chine.

Rheinmetall, qui a contribué à armer le régime nazi en recourant à l’esclavage pendant la Seconde Guerre mondiale, n’est pas seulement un fournisseur majeur de la guerre menée contre la Russie en Ukraine, mais encore d’Israël. Le trust a participé au développement d’armes par le régime sioniste, notamment de missiles. Aucun des journalistes présents ne l’a fait remarquer à Albanese.

Le soir même, Albanese est intervenu de façon imprévue dans l’émission «7h30» de la chaîne ABC, répétant en grande partie ses commentaires précédents. «Nous attendons que tous les responsables de cette tragédie rendent des comptes», a-t-il pieusement déclaré. Lorsque l’intervieweuse, Sarah Ferguson, lui a demandé si l’Australie allait «changer sa position sur la guerre à Gaza», c’est-à-dire son soutien total à Israël, Albanese s’est tortillé et a effectivement confirmé que ce ne serait pas le cas.

À peu près au même moment que l’intervention d’Albanese, la ministre des Affaires étrangères Penny Wong a fait une déclaration sur X/Twitter. Bien que le meurtre de Frankcom relève clairement de son ministère, Wong n’est apparue nulle part de toute la journée. «La mort d’un travailleuse humanitaire est scandaleuse et inacceptable», a-t-elle déclaré. Elle «condamnait cette frappe». Mais comme l’ont noté des milliers de commentaires hostiles, Wong n’a même pas nommé Israël.

Cette mascarade a culminé hier matin avec une conférence de presse d’Albanese. Le Premier ministre a révélé qu’il avait parlé à son homologue israélien Benjamin Netanyahou la nuit dernière. Celui-ci avait manifesté de la «colère» face à ce décès et avait «exprimé très clairement que nous avions besoin d’une explication complète et appropriée sur la manière dont cela s’est produit».

De qui Albanese pense-t-il se moquer? Netanyahou et ses acolytes fascistes sont des maniaques génocidaires qui ont massacré plus de 30.000 Palestiniens, dont plus de 13.000 enfants, au cours des six derniers mois. Dans les jours qui ont précédé l’attaque contre les travailleurs humanitaires, Israël a démoli l’hôpital Al-Shifa, la plus grande installation médicale de Gaza, et a massacré 400 personnes sur son périmètre.

Cela fait suite à des dizaines d’attaques documentées contre des hôpitaux, au meurtre de centaines de travailleurs de la santé, à l’assassinat de plus de journalistes que dans tous les conflits des quarante dernières années ; une liste qui est loin d’être exhaustive.

Netanyahou a déjà expliqué le meurtre de Frankcom et de ses collègues. Souriant tout au long d’une courte déclaration vidéo, le dirigeant israélien a déclaré: «Ces choses arrivent dans une guerre».

Les travailleurs de WTC ont été tués peu après avoir franchi un poste de contrôle israélien. Il est désormais confirmé que leur convoi a été touché par trois frappes israéliennes distinctes. Des photos de l’un des véhicules montrent qu’un missile a traversé directement l’emblème du WTC sur son toit, comme s’il s’agissait d’une cible.

L’organisation caritative, l’une des rares qu’Israël eût autorisé à opérer à Gaza, a depuis annoncé la suspension totale de ses activités. Autrement dit, il s’agissait là d’un crime calculé et prémédité parmi tant d’autres, visant clairement à faire avancer l’objectif ouvertement déclaré d’Israël d’affamer le peuple palestinien.

Albanese, Wong et leurs collègues travaillistes sont complices de ces atrocités. Ils ont insisté sur le «droit d’Israël à se défendre» à travers le bombardement de saturation d’un territoire qu’il occupe illégalement. La base d’espionnage de Pine Gap, dans le centre de l’Australie, exploitée conjointement avec les États-Unis, a presque certainement fourni par l’intermédiaire de Washington des informations de ciblage pour les frappes israéliennes. L’Australie fournit des composants clés pour les avions de chasse F-35 qui larguent leurs bombes sur la population de Gaza. Et surtout, les travaillistes opèrent en tandem avec le gouvernement Biden, qui arme, finance et supervise le génocide.

La seule chose qui s’est avérée vraie dans leur pantomime sur la mort tragique de Frankcom, ce sont les commentaires d’Albanese et de Wong dénonçant les opposants au génocide et les qualifiant de menace pour la «cohésion sociale». Quelles que soient ses contorsions, le Parti travailliste soutient le massacre et est hostile à la masse des travailleurs et des jeunes qui veulent y mettre fin.

(Article paru en anglais le 3 avril 2024)

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