Nouveaux détails révélateurs sur le caractère pro-patronat des contrats UAW de 2023

Stellantis recrute davantage d’«intérimaires-permanents» alors que GM suspend pour une durée indéterminée le versement pour beaucoup des retraites anticipées.

Les travailleurs de Stellantis Warren Truck lors d’un changement d’équipe

Après le récent licenciement par Stellantis de plus de 2.000 travailleurs temporaires aux États-Unis, des informations indiquent que le constructeur automobile mondial recommence à embaucher de tout nouveaux intérimaires.

Cela suscite une nouvelle fois l’indignation des membres du syndicat automobile UAW (United Auto Workers) quant à la manière frauduleuse dont la bureaucratie syndicale a promu les contrats.

Le président de l’UAW, Shawn Fain, et d’autres dirigeants du syndicat avaient promis que les intérimaires actuels — connus sous le nom d’«employés supplémentaires» (SE) chez Stellantis — passeraient au statut à temps plein au bout de neuf mois dans le cadre du contrat. Au lieu de cela, l’UAW a donné son feu vert au licenciement de plus de 2.300 des 5.219 travailleurs supplémentaires employés par l’entreprise. Depuis le début de l’année, des licenciements ont également eu lieu chez Ford et General Motors.

Le 21 février, Stellantis a annoncé de nouvelles mesures de réduction des coûts, précisant que 400 salariés américains dans les domaines de l’ingénierie, de la technologie et des logiciels seraient licenciés à compter du 31 mars, soit environ 2 pour cent de ses effectifs salariés. La direction a déclaré que ces réductions faisaient partie de son plan «Dare Forward 2030», qui vise à accroître les bénéfices en «optimisant» la structure des coûts de l’entreprise.

Pendant ce temps, les travailleurs seniors de General Motors, qui s’attendaient à pouvoir prendre leur retraite et à recevoir une prime de 50.000 dollars, promise dans le cadre de la convention 2023, se voient maintenant signifier qu’ils devront attendre indéfiniment. GM a annoncé, avec l’accord apparent de l’UAW, qu’il limitait l’éligibilité actuelle à seulement 2 pour cent de la main-d’œuvre de chaque usine. Cela signifie que seuls 900 des quelque 7.800 travailleurs horaires éligibles de GM pourront prendre leur retraite dans la première phase du programme. Quand la deuxième phase commencera n’a pas été précisé.

Les réductions d’effectifs aux États-Unis s’inscrivent dans le cadre d’une politique mondiale de réduction des effectifs menée par l’ensemble des constructeurs automobiles, qui cherchent à faire porter aux travailleurs le poids de la transition vers les véhicules électriques (VE). Ces derniers mois, Stellantis a également procédé à des licenciements dans des usines en Italie et en France.

Nouveau programme d’assiduité punitif

Les travailleurs de Stellantis sont en outre provoqués par la mise en œuvre d’un nouveau programme d’assiduité punitif mis en place dans le cadre du contrat 2023. Chez Warren Truck, à l’extérieur de Détroit, on signale que 2.500 travailleurs ont accumulé des points dans le cadre de cette politique, les plaçant en bonne voie pour être licenciés. Le licenciement de centaines de travailleurs supplémentaires dans cette usine et la pénurie de personnel qui en a résulté ont encore plus affecté la main-d’œuvre.

Les 150.000 travailleurs horaires employés par les Trois Grands [constructeurs automobiles] constatent aujourd’hui que même les quelques gains apparents que leur avaient vendus les dirigeants de l’UAW s’avèrent l’un après l’autre être des mensonges et des tromperies. Il apparaît de plus en plus clairement que la prétendue «réforme» de l’UAW sous la direction de Fain n’était qu’un cynique canular.

Un travailleur de l’usine de moteurs Stellantis de Kokomo (Indiana) a parlé au Bulletin d’information des travailleurs de l’automobile du WSWS d’informations que l’entreprise embauchait davantage de travailleurs supplémentaires suite aux récents licenciements de masse. Des centaines de travailleurs supplémentaires de Stellantis de la région de Kokomo avaient été sommairement licenciés en janvier, ainsi qu’à Detroit.

«Je pense que c’est une pratique utilisée dans le passé. Ils allaient toucher le salaire maximum, devaient tourner [plein temps], alors ils les licencient. Puis ils embauchent à nouveau, ils atteignent le salaire maximum, doivent passer à plein temps, et les licencient à nouveau».

«Je crois que cela a commencé il y a longtemps. Je n’ai pas de preuve, mais il y a eu un procès d’intenté il y a des années. La première série de TPT [travailleurs intérimaires à temps partiel] a été gardée des années. Lorsque j’ai été embauché, ils passaient encore directement à plein-temps. Puis il y a eu le premier groupe de licenciés. Ils ont fait volte-face et m’ont dit que je pouvais reprendre mon travail au salaire de départ».

«Ces gens sont restés des TPT pendant des années, même après avoir récupéré leur emploi».

Un ancien travailleur de Stellantis de la région de Détroit a déclaré à propos des informations que l’entreprise recrutait des travailleurs supplémentaires: «Ils recyclent, 89 jours et dehors. C’est ce qu’ils font depuis quatre ans. Notre syndicat ne nous dit rien ».

«Le syndicat est censé s’opposer au patronat, protéger en quelque sorte. Mais ils sont dans le même lit depuis un bon bout de temps. C’est comme ça que je le vois».

En réaction aux licenciements, un groupe de travailleurs de Stellantis a formé le Comité de la base pour la lutte contre les suppressions d'emplois. Le comité a soutenu un piquet de grève à Solidarity House [la centrale de l'UAW] à Detroit, le 2 mars, pour exiger la réintégration des travailleurs supplémentaires licenciés et la renégociation du contrat national de bradage de l'UAW de 2023.

En réponse aux informations que GM et l’UAW s’entendaient pour imposer des limites strictes aux bénéficiaires de la prime de retraite, un travailleur a publié une vidéo sur YouTube pour exprimer sa colère contre les dirigeants de l’UAW. Cet ancien ouvrier de Lordstown Assembly [Ohio] a déclaré qu’il avait déjà prévu de prendre sa retraite et de rentrer chez lui, mais qu’on lui disait maintenant qu’il ne pouvait pas le faire parce que seule une poignée de travailleurs de l’usine étaient autorisés à percevoir la prime.

Parlant de Fain et d’autres responsables de l’UAW qui ont autorisé cette pratique, il a déclaré: «Les travailleurs ont le sentiment que vous vous souciez davantage des intérêts de l'entreprise que des membres qui paient des cotisations».

«GM affirme qu’il ne peut pas avoir un exode de personnel tout en même temps. Mais nous voilà quatre mois après la signature du contrat. GM n’a embauché personne pour remplacer les effectifs de façon à ce qu’on puisse partir».

Il a ajouté: «GM nous mène en bateau et le syndicat international (l’UAW) agit comme s’il était d’accord. Nous devons dire ‘non’».

«GM n’avait aucun problème à embaucher des intérimaires pour trois ou quatre ans lorsqu’il savait qu’il pourrait les garder comme intérimaires. Mais maintenant qu’ils doivent les embaucher [comme salariés permanents] au bout de neuf mois, ils sont lents à les embaucher».

Arrêt de travail des travailleurs de Stellantis Toledo le 4 mars

Le 4 mars, des centaines de travailleurs de la deuxième équipe du complexe d’assemblage Stellantis de Toledo (Ohio) qui construit des véhicules de la marque Jeep, se sont déclarés malades pour protester contre le licenciement brutal de 341 travailleurs supplémentaires de l’usine.

Un travailleur de Jeep à Toledo a déclaré au WSWS que les dirigeants de l’UAW International et leurs propres responsables locaux avaient menti sur le processus de conversion des travailleurs supplémentaires en travailleurs à temps plein dans le cadre du contrat 2023.

Un militant du WSWS distribue des tracts aux travailleurs de Jeep à Toledo

L’établissement de la liste de ceux devant passer à temps plein à Toledo était basé sur un processus opaque impliquant l’utilisation de numéros de sécurité sociale, avec pour conséquence que certains travailleurs ayant moins d’ancienneté ont été transférés tandis que d’autres ayant jusqu’à trois ans d’ancienneté ont été écartés. En fin de compte, selon ce travailleur, seuls 450 des 900 transferts de supplémentaires promis à l’usine Jeep ont eu lieu.

«Ce n’est pas non plus ce qui a été dit à chaque [réunion d’information sur les contrats] tenue par [le vice-président de l’UAW] Rich Boyer… que chaque SE serait pris en charge, reconduit et obtiendrait une participation aux bénéfices à partir de mars 2024». Le travailleur a ajouté: «Et le président de la section locale 12, Sawya, n’a pas informé les membres que les SE de Toledo allaient être licenciés ».

«L’UAW, Boyer et Fain ont utilisé tous ces programmes pour faire miroiter aux SE l’adoption de ce contrat. Ce contrat qui n’accepte qu’une coloscopie comme absence excusée et qui donne plus d’un point pour les retards et les absences, fera perdre leur emploi plus rapidement à de nombreuses personnes ayant familles et enfants qui doivent faire face à des événements ».

«Toledo est la seule usine à avoir rejeté ce contrat. Nous avons vu clair dans les mensonges et les conneries et nous savions qu’il était impossible qu’ils fassent tout ce qu’ils promettaient».

Ce travailleur a encore déclaré que l’entreprise avait forcé de nombreux travailleurs supplémentaires convertis à travailler à Detroit, tandis que ceux de Detroit étaient contraints de rester et de travailler à Toledo. «Pourquoi obliger quelqu’un à faire plus d’une heure de route alors qu’on pourrait facilement envoyer les gens plus près de chez eux, ce qui leur permettrait de passer moins de temps en voiture et plus de temps avec leurs enfants et leurs familles? »

«Aujourd’hui, l’entreprise veut déplacer l’heure de début de la deuxième équipe à 16 heures, ce qui signifie que les habitants de Detroit doivent partir encore plus tôt pour se rendre au travail. Désormais, les habitants de la région ne verront plus jamais leurs enfants parce qu’ils partiront travailler avant la fin de l’école».

«Où est l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée que Fain et Boyer ont promis et pour lequel ils ont juré de se battre? »

La conclusion qui s’impose est que si une lutte doit être menée pour défendre les emplois et les conditions de travail des ouvriers, c’est la base qui doit l’organiser en opposition à la bureaucratie de l’UAW. Les travailleurs intéressés par la création ou l’adhésion à un comité de la base doivent contacter le WSWS Autoworker Newsletter en remplissant le formulaire [En bas de l’article en anglais].

(Article paru en anglais le 23 mars 2024)

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