Le Parlement australien adopte une vague motion sur Julian Assange

Dans le but d'apaiser l'indignation populaire persistante face aux 15 années de persécution du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, la Chambre des représentants australienne a voté hier par 86 voix contre 42 pour une résolution ambiguë.

Julian Assange, fondateur de WikiLeaks [AP Photo/Matt Dunham]

La motion n’appelait pas à l’abandon des accusations réactionnaires portées contre Assange en vertu de la loi américaine sur l’espionnage. Au lieu de cela elle déclare que la Chambre «souligne l’importance pour le Royaume-Uni et les États-Unis de mettre un terme à l’affaire afin que M. Assange puisse rentrer chez lui auprès de sa famille en Australie».

Il s'agit du dernier d'une série d'efforts déployés par le gouvernement Albanese et un groupe de parlementaires «multipartites», notamment de l'opposition libérale-nationale, ainsi que des Verts et d'autres. Tous veulent donner l'impression qu’ils recherchent la liberté d'Assange, mais sans critiquer l’opération prolongée menée par les gouvernements américain et britannique pour enfermer Assange pour toujours, et surtout sans s’y opposer.

La résolution a été proposée par le député indépendant Andrew Wilkie avec l'accord évident du gouvernement travailliste, dont les ministres et d'autres membres ont voté pour elle. Le geste semble avoir été soigneusement orchestré. Le Premier ministre Anthony Albanese a été vu félicitant Wilkie sur le parquet de l'assemblée.

Depuis 2019, lorsque la police britannique a illégalement traîné Assange hors de l’ambassade d’Équateur à Londres, où il avait obtenu l’asile politique, il est incarcéré dans des conditions intolérables. Il a été détenu la plupart du temps en cellule d'isolement, à la prison de Belmarsh, l'une des plus dures de Grande-Bretagne, bien qu'il n'ait jamais été jugé ni reconnu coupable de quoi que ce soit, pendant que le gouvernement américain cherche son extradition pour faire face à des accusations qui pourraient lui valoir une peine de 175 ans de prison.

En Australie et dans le monde, Assange est largement considéré comme un héros pour avoir publié des milliers de câbles diplomatiques secrets et d'autres documents révélant certains des crimes de guerre, surveillance de masse et conspirations politico-militaires commis au Moyen-Orient et dans le monde par la classe dirigeante américaine et ses alliés impérialistes.

À la suite du travail de WikiLeaks en 2010 et 2011, certains grands médias ont publié à l’échelle internationale une partie des informations montrant que l’armée américaine s’était livrée à des atrocités dans le cadre des invasions de l’Afghanistan et de l’Irak en 2001 et 2003, dont la vidéo des «meurtres collatéraux» montrant un hélicoptère de combat américain tuant des journalistes et d’autres civils.

Mardi prochain, Assange entamera une dernière audience de deux jours pour faire appel devant la Haute Cour du Royaume-Uni contre le feu vert du gouvernement britannique à son extradition. Si cela échoue, il pourrait être extradé vers les États-Unis d’ici quelques jours. Ses avocats ont déposé un recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, mais il n’est pas certain que le gouvernement britannique accepte même la compétence de cette cour dans cette affaire.

S’exprimant sur la motion d’hier, Wilkie a déclaré qu’il s’agissait d’une «démonstration sans précédent de soutien politique à M. Assange de la part du parlement australien». Cela enverrait « un signal très puissant à Washington, indiquant que l’Australie est l’un de ceux qui affirment que cette affaire dure depuis assez longtemps».

Mais la résolution fait écho à de nombreuses déclarations antérieures du gouvernement Albanese, prétendant demander à l’administration Biden de «mettre un terme à cette affaire».

Au cours du «débat» superficiel d’une demi-heure, le député travailliste Josh Wilson a donné un aperçu des motivations politiques derrière la résolution. Il a commencé son intervention en déclarant: «Ne vous y trompez pas, la communauté australienne souhaite voir Julian Assange être libéré.»

Conscient de la colère des travailleurs et des jeunes faces aux mauvais traitements brutaux infligés à Assange, le gouvernement travailliste cherche à couvrir ses arrières en soutenant une prétendue résolution «pour la liberté d’Assange» avant les procédures judiciaires britanniques de la semaine prochaine.

Ce n’est pas la première fois qu’une telle manœuvre est entreprise. En septembre dernier, une soixantaine de responsables politiques fédéraux australiens ont exhorté le ministère américain de la Justice à abandonner les poursuites contre Assange, mettant en garde contre «un tollé vif et soutenu en Australie» s’il était extradé.

Dans le même temps, le gouvernement et le reste de l’establishment parlementaire sont tout aussi soucieux de ne pas remettre en question l’engagement de l’impérialisme australien envers ses alliances militaires avec les États-Unis et le Royaume-Uni, et surtout dans le pacte AUKUS contre la Chine.

Dans ses remarques, Wilson a fait tout son possible pour féliciter les États-Unis et le Royaume-Uni, ainsi que l’Australie, les qualifiant de «démocraties libérales à leur meilleur». Il a insisté, au nom des co-organisateurs du Groupe parlementaire Assange, pour dire qu’il avait «toujours trouvé une réceptivité aux États-Unis et au Royaume-Uni pour avoir ces conversations» sur Assange.

Ces «démocraties libérales» sont tout à fait résolues à intensifier les opérations de guerre américaines et les crimes qui y sont associés, qui renforcent considérablement ceux précédemment mis à nu par WikiLeaks. Cela inclut la guerre déclenchée par les États-Unis et l’OTAN contre la Russie en Ukraine, le génocide israélien soutenu et approvisionné par les États-Unis à Gaza, les bombardements américains en Syrie, en Jordanie et au Yémen, et les opérations visant à provoquer une guerre contre la Chine.

La résolution de Wilkie soulignait le caractère bipartite de la proposition qui était faite. Elle notait que «le gouvernement australien et l’opposition ont déclaré publiquement que cette affaire durait depuis trop longtemps».

Néanmoins, le chef de l’opposition Peter Dutton et ses collègues de la coalition ont finalement voté contre la motion, qui comprenait une déclaration disant que les documents publiés par WikiLeaks «révélaient des preuves choquantes d’une mauvaise conduite de la part des États-Unis».

Les médias d’entreprise ont parlé sans aucune critique de la résolution, comme si elle confirmait que le gouvernement travailliste œuvrait en coulisses pour libérer Assange. Ils ont évoqué l’affirmation d’Albanese en octobre dernier qu’il avait soulevé le traitement réservé à Assange lors d’entretiens privés avec le président américain Joe Biden.

Cette mascarade a implosé lorsque Albanese a été interrogé à ce sujet dans l’émission télévisée «Insiders» de l’Australian Broadcasting Corporation. L’intervieweur, David Speers, a demandé: «Il est temps que Joe Biden intervienne et ordonne que l’affaire soit abandonnée?»

Albanese a répondu catégoriquement: «Non. Joe Biden n’interfère pas avec le ministère de la Justice. Joe Biden est un président qui comprend la séparation du système judiciaire du système politique.»

Cela confirme que le gouvernement travailliste signale depuis longtemps qu’il ne fera rien pour bloquer l’envoi d’Assange aux États-Unis. Les arguments «ça suffit» et «cette affaire doit être réglée» ne sont qu’une façade visant à détourner le soutien populaire à Assange vers de dangereuses illusions sur les forces mêmes responsables de son tourment.

Ce que l’administration Biden prévoit pour Assange a été démontré le 1er février, lorsque le lanceur d’alerte présumé de WikiLeaks, Joshua Schulte, a été condamné à 40 ans d’emprisonnement pour violation de la Loi sur l’espionnage et d’autres infractions liées à la «sécurité nationale». Cet homme de 35 ans a été reconnu coupable en 2022 d’avoir transmis des documents à WikiLeaks, révélant les opérations mondiales de piratage et d’espionnage de la Central Intelligence Agency.

Schulte avait déjà purgé plus de cinq ans dans des conditions barbares, dans le cadre de mesures administratives spéciales – une forme de détention impliquant un isolement presque total et une privation sensorielle. C’est le genre de cachot dans lequel Assange sera jeté, à moins qu’il ne soit libéré.

La liberté d’Assange nécessite la mobilisation en sa défense de la classe ouvrière en Australie, au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans le monde. Il existe un immense sentiment anti-guerre. Partout dans le monde, des masses de gens participent à des manifestations contre le génocide à Gaza. Il faut fusionner cette opposition avec un mouvement luttant pour la liberté d’Assange, contre tous les gouvernements et le système capitaliste responsables du militarisme et de la guerre.

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