Perspectives

Lors d’un vote bipartisan, le Congrès américain autorise un budget record pour le Pentagone: un plan de guerre mondiale

Avec des votes bipartisans dans les deux chambres du Congrès, les deux partis de l’impérialisme américain ont autorisé cette semaine un budget record du Pentagone pour l’année fiscale 2024.

Face aux protestations massives aux États-Unis et dans le monde contre le génocide américano-israélien à Gaza et à l’effondrement du soutien populaire à la guerre par procuration de Washington contre la Russie en Ukraine, les démocrates et les républicains se sont unis pour adopter le National Defense Authorization Act (NDAA) qui prévoit 883,7 milliards de dollars de dépenses militaires pour l’année à venir, soit une augmentation de 145 milliards de dollars, ou 20 pour cent, depuis 2020.

Ce chiffre se compose de 841,4 milliards de dollars pour le ministère de la Défense, de 32,4 milliards de dollars pour les programmes de «sécurité nationale» au sein du ministère de l’Énergie et de 438 milliards de dollars pour les activités liées à la défense. L’autorisation totale absorbe plus de la moitié du budget discrétionnaire fédéral annuel.

Vue aérienne du Pentagone, Washington DC, le 15 mai 2023 [Photo: Navy Petty Officer 2nd Class Alexander Kubitza, US Department of Defense]

Tout cela dans un contexte où la faim et le nombre de sans-abri augmentent, où les sociétés suppriment des emplois en masse et où l’administration Biden utilise la «fin» de l’urgence COVID pour priver des millions de travailleurs et de pauvres des prestations de Medicaid et des bons d’alimentation. Le coût total de l’augmentation des dépenses de guerre sera imposé à la classe ouvrière, tandis que les entrepreneurs militaires bénéficieront d’une manne de profits.

Le Sénat a adopté le projet de loi de trois mille pages par 87 voix contre 13 mercredi, et la Chambre des représentants a fait de même jeudi par 310 voix contre 118, dépassant facilement la majorité des deux tiers requise pour une adoption accélérée en vertu d’une suspension des règles de procédure normales.

Le NDAA n’est pas vraiment un projet de loi sur la «défense». Il s’agit d’un projet de guerre mondiale, y compris une préparation accrue à la guerre nucléaire, visant à inverser le déclin économique mondial de l’impérialisme américain par des moyens militaires. Il présente les plans d’une attaque militaire contre la Chine, suivie de la Russie, de l’Iran et de la Corée du Nord, tout en affirmant et en élargissant le soutien militaire des États-Unis et leur implication dans la guerre d’anéantissement d’Israël contre les Palestiniens.

Le résumé du FY24 National Defence Authorization Act publié par la commission des services armés de la Chambre des représentants, contrôlée par les républicains, le montre clairement. Cela commence ainsi:

L’Amérique fait face à des menaces sans précédent de la part de la Chine et à des menaces permanentes de la part de la Russie, de l’Iran, de la Corée du Nord et des organisations terroristes. Tous nos adversaires partagent le même désir de mettre fin à la domination des États-Unis. Les menaces de ces adversaires sont en constante évolution.

Le document affirme: «Le FY24 NDAA prévoit des investissements suffisants pour construire et maintenir la force de combat létale dont nous avons besoin pour l’emporter sur les futurs champs de bataille.»

Mike Rogers, le président républicain de la commission des forces armées de la Chambre des représentants, a déclaré à propos du projet de loi: «Il se consacre entièrement à dissuader nos adversaires, en particulier la Chine».

Le sénateur républicain Roger Wicker, membre de la commission des forces armées du Sénat, a déclaré: «Notre projet de loi devrait signaler à la Chine, à la Russie et à d’autres pays que nous n’accepterons pas un monde où l’Amérique ne dispose pas de la meilleure force de combat».

Le chef de la majorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, a abondé dans le même sens en déclarant: «L’adoption du NDAA nous permet de tenir tête à la Russie, de nous opposer fermement au Parti communiste chinois et de veiller à ce que les défenses des États-Unis restent à la fine pointe de la technologie».

La section la plus longue du résumé de la Chambre des représentants, intitulée «Contrer l’agression du PCC», commence ainsi: «Le FY24 NDAA construit et maintient la supériorité dont nous avons besoin pour contrer l’agression du PCC». Il énumère des dispositions du projet de loi:

  • La mise en œuvre de l’accord anti-Chine AUKUS entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie et l’autorisation de la vente de sous-marins à capacité nucléaire à l’Australie.
  • Augmenter l’ampleur et la fréquence des exercices menés par le Commandement américain pour l’Indo-Pacifique.
  • Autoriser 14,7 milliards de dollars pour l’initiative de dissuasion dans le Pacifique et établir un programme de formation, de conseil et de renforcement des capacités pour les forces militaires de Taïwan, y compris la formation aux États-Unis d’un maximum de deux bataillons de troupes sur les nouveaux systèmes d’armement et les tactiques militaires.
  • Accroître le financement des nouvelles technologies pour «dissuader le PCC sur les futurs champs de bataille», y compris l’IA, les systèmes autonomes, la cybernétique, les réacteurs micronucléaires mobiles et les lasers à haute énergie.
  • Augmenter la capacité de déploiement des forces nucléaires américaines «pour contrer l’accumulation d’armes nucléaires sans précédent du PCC».
  • Élargir la liste des munitions pouvant faire l’objet d’une autorisation d’achat d’urgence et pluriannuelle.
  • Ajouter Israël et Taïwan à un programme lancé l’année dernière servant à accélérer la livraison et le réapprovisionnement de munitions à l’Ukraine.

Le résumé de la Chambre cite également des milliards de dollars pour des avions de combat supplémentaires, des drones équipés pour tirer des missiles, sept autres «avions de transport C-130J, utilisés pour déployer rapidement des troupes, des chars et de l’artillerie dans de nouvelles zones de guerre», plus d’hélicoptères de l’armée, plus de navires de guerre de la marine, et la refonte de l’artillerie, des chars et des véhicules blindés pour «la guerre future contre des concurrents à forces presque égales (guerre avec la Russie, la Chine ou une autre grande puissance)».

Le document énumère une mise à niveau et une expansion majeures de la préparation à la guerre nucléaire, appelant à «une modernisation générale de l’armement nucléaire américain, commencée sous Obama et poursuivie sous Trump, y compris les missiles tirés par des sous-marins, les missiles balistiques intercontinentaux basés à terre et les bombardiers lourds capables de voler à l’échelle intercontinentale».

En ce qui concerne l’Ukraine, le NDAA autorise une prolongation de l’aide militaire jusqu’à la fin de 2026 et 300 millions de dollars pour l’année fiscale en cours et la suivante pour un programme qui paie l’industrie pour produire des armes pour l’Ukraine, plutôt que de puiser directement dans les stocks d’armes américains. Les 60 milliards de dollars destinés à l’Ukraine dans le projet de loi de dépenses supplémentaires de Biden restent dans les limbes alors que la Maison-Blanche et les républicains de la Chambre des représentants travaillent à la conclusion d’un accord bipartisan visant à réduire encore davantage le droit d’asile et à fermer virtuellement la frontière américano-mexicaine aux travailleurs désespérés fuyant la pauvreté et l’oppression.

Toutefois, le NDAA «finance entièrement» le déploiement des troupes de la Garde nationale à la frontière sud-ouest.

En ce qui concerne Israël, le NDAA étend l’autorité du ministère de la Défense pour transférer des systèmes d’armes au régime sioniste, y compris des munitions à guidage de précision. Il exige en outre que le Commandement central américain organise régulièrement des exercices d’entraînement conjoints avec Israël et autorise ce dernier à participer aux programmes d’entraînement des pilotes de l’OTAN.

Le projet de loi augmente les salaires des soldats et des employés civils du Pentagone de 5,2 pour cent, soit la plus forte augmentation annuelle depuis 20 ans, et prévoit des avantages accrus en matière de logement, d’éducation et de garde d’enfants. Il s’agit d’une tentative cynique d’attirer les jeunes incapables de trouver un emploi décent, alors que la concentration des richesses entre les mains des 1 pour cent les plus riches des États-Unis atteint de nouveaux records, dépassant désormais les richesses détenues par l’ensemble des 60 pour cent de ménages moyens.

Les mesures prises par les républicains de la Chambre des représentants en vue de la destitution de Biden et son soutien à Trump n’ont pas empêché la Maison-Blanche et les démocrates de s’allier aux républicains pour poursuivre les préparatifs de Washington en vue de la Troisième Guerre mondiale.

Ce spectacle de réaction et de bellicisme démontre la futilité de toutes les tentatives – telles que celles promues par les Socialistes démocrates d’Amérique prodémocrates – visant à mettre fin à la guerre, au génocide et au danger du fascisme par des appels à une section quelconque de la classe dirigeante ou de ses partis politiques. Leur réponse à la montée de la lutte des classes au niveau national et international et à l’émergence d’un mouvement antiguerre mondial et de masse est d’intensifier la guerre et la répression.

Le capitalisme est en train de pourrir sur pied. Sa crise mortelle ne peut être résolue que de deux manières: la barbarie ou le socialisme. La lutte contre la guerre et la dictature doit s’enraciner dans la classe ouvrière et la construction d’un mouvement international indépendant pour mettre fin au système de profit et instaurer le socialisme.

(Article paru en anglais le 17 décembre 2023)

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