Biden et Zelensky exigent des milliards supplémentaires pour la guerre avec la Russie

Le président Joe Biden serre la main du président ukrainien Volodymyr Zelensky lors de leur rencontre dans le bureau ovale de la Maison-Blanche le 12 décembre 2023 à Washington D.C. [AP Photo/Evan Vucci]

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rencontré mardi le président américain Joseph Biden lors d’un arrêt de dernière minute à Washington après avoir célébré l’investiture du nouveau président fasciste argentin, Javier Milei, à Buenos Aires dimanche.

La visite de Zelensky à Washington fait partie des efforts déployés par la Maison-Blanche pour obtenir 60 milliards de dollars supplémentaires pour Kiev. Ce financement supplémentaire, qui vient s’ajouter aux 110 milliards de dollars déjà engagés par les États-Unis depuis février 2022, est bloqué au Congrès par les républicains qui insistent pour que la tuerie en Ukraine soit liée à la militarisation de la frontière américaine et à des politiques anti-immigration féroces.

La guerre menée par les États-Unis et de l’OTAN contre la Russie s’est transformée en impasse et en débâcle au cours de l’année écoulée. Malgré les dizaines de milliards de dollars d’aide reçus, les forces ukrainiennes se sont avérées incapables de déloger l’armée russe. La contre-offensive printemps-été de Kiev, tant vantée, n’a pratiquement pas modifié les lignes de combat et a entraîné la mort de dizaines de milliers de soldats. Oleksandra Ustinova, cheffe d’une commission gouvernementale ukrainienne chargée de superviser l’aide militaire, a déclaré aux journalistes cette semaine que l’armée ukrainienne manquait dangereusement de munitions et que ses défenses aériennes ne pouvaient faire face aux attaques de drones russes.

Lors d’une conférence de presse avec Zelensky mardi après-midi, Biden a annoncé qu’il avait approuvé une aide militaire supplémentaire de 200 millions de dollars pour Kiev, mais qu’il ne pouvait rien faire de plus. En bloquant tout financement supplémentaire pour la guerre en Ukraine, les républicains faisaient un cadeau à Moscou, a déclaré Biden. En réponse aux questions des journalistes sur la stratégie de l’Ukraine pour l’année à venir, ni le président américain ni Zelensky n’ont pu dire quoi que ce soit de concret, si ce n’est que des efforts seraient déployés pour renforcer les défenses aériennes de l’Ukraine et sa capacité à dominer le ciel. Kiev ayant lancé à plusieurs reprises des attaques de drones à l’intérieur des frontières russes, cela pourrait indiquer que les États-Unis envisagent de gérer le fiasco militaire auquel ils sont confrontés par une nouvelle escalade.

L’événement de presse, truffé de références à la «liberté et à la démocratie», a pris un caractère particulièrement grotesque lorsque Biden a déclaré que «la brutalité, l’inhumanité, les viols, les incendies et les décapitations» prétendument perpétrés par le Hamas étaient «sans comparaison» avec tout ce qu’il avait jamais vu. Il a tenu ces propos alors qu’il défendait l’action d’Israël à Gaza, notamment l’inondation des tunnels souterrains où sont détenus les otages israéliens.

Biden a misé sa présidence sur une victoire dans la guerre. Il est largement méprisé par le public américain et le devient encore plus en raison de son soutien débridé au génocide israélien à Gaza. Le dégoût que suscite son administration s’étend au Parti démocrate. L’appel bidon à défendre la «liberté ukrainienne» bute contre l’insistance sociopathe pour qu’il n’y ait «pas de cessez-le-feu».

Le gouvernement de Zelensky est également en crise, déchiré par des conflits politiques et de plus en plus isolés d’une population qui en a assez de mourir et de geler sans aucune fin en vue. Des manifestations ont eu lieu dans tout le pays pour protester contre la durée indéterminée de mobilisation des appelés. Zelensky a récemment annulé les prochaines élections. Kiev, qui met en œuvre des mesures économiques droitières à la demande du FMI et de l’UE, a clairement indiqué qu’il n’avait pas les moyens de financer les programmes sociaux, les retraites, les prestations sociales et d’autres dépenses pour l’année prochaine. Entre-temps, l’aide aux réfugiés ukrainiens a été réduite, l’Irlande étant le dernier pays en date à annoncer une diminution des aides.

La réunion de mardi dans le bureau ovale faisait suite à des discussions entre Zelensky et les leaders républicains du Congrès mardi matin, au cours desquelles le président ukrainien a plaidé pour plus d’argent et d’armes. Comme le rapporte la presse, il n’a pas avancé. Le sénateur Lindsey Graham a déclaré à la presse à l’issue de la rencontre: «Rien n’a changé».

Le gouvernement Biden est déterminé à ce que ses mercenaires de Kiev maintiennent le cap, quel que soit le nombre d’Ukrainiens revenant chez eux dans des housses mortuaires. Un nombre qui atteint qui se compte désormais en centaines de milliers. La Maison-Blanche considère que la guerre, que l’Ukraine «gagne» ou non, est essentielle pour affaiblir et déstabiliser la Russie.

Selon un article paru le 11 décembre dans le New York Times, «les Américains préconisent une stratégie conservatrice qui se concentre sur le maintien du territoire que l’Ukraine possède, en s’y enfonçant et en renforçant les approvisionnements et les forces au cours de l’année». Cette stratégie de «maintien et construction», qui doit être associée aux «frappes en profondeur» sur le territoire russe exigées par l’armée ukrainienne, vise à embourber Moscou dans un conflit insoluble et à lui créer un désastre semblable à celui du Viêt Nam. Quelle que soit l’approche adoptée au cours de l’année à venir, personne à Washington ne se soucie le moins du monde des conséquences pour le peuple ukrainien.

Des sections puissantes de la classe dirigeante des États-Unis et des États alliés de l’OTAN craignent que l’effort de guerre visant la Russie ne soit en danger. Un article paru le 30 novembre dans The Economist mettait en garde: «Pour la première fois depuis que Vladimir Poutine a envahi l’Ukraine le 24 février 2022, il semble qu’il puisse gagner», ajoutant que «le fatalisme, la complaisance et un manque choquant de vision stratégique deviennent un obstacle, en particulier en Europe». L’article exprime son inquiétude que le gouvernement Poutine, en plus de s’approvisionner en matériel militaire à l’étranger, «contribue à retourner les pays du sud contre l'Amérique».

Des sentiments similaires ont été exprimés le 11 décembre par le Washington Post, qui a dénoncé la «fatigue de la guerre» aux États-Unis et «l’épuisement palpable du public» en Ukraine. Sa rédaction a insisté pour dire qu’il ne fallait pas relâcher les efforts et a demandé «un ensemble suffisant de mesures militaires pour permettre à l’Ukraine de traverser l’année difficile qui l’attend, comme les munitions dont elle a grand besoin, des munitions de défense aérienne et des armes plus sophistiquées, telles que la puissance aérienne».

Les républicains du Congrès qui bloquent le dernier programme d’aide ne sont en rien des opposants. Dans sa couverture de la réunion de Zelensky avec les membres du Congrès, la BBC note que le sénateur républicain Graham, bien qu’ayant rejeté la demande de Kiev pour plus d’armes, «ne doute pas que les Ukrainiens se battront jusqu’au dernier homme».

Le Parti républicain s’efforce bien plutôt d’utiliser l’abjecte politique étrangère de l’impérialisme américain pour renforcer l’agenda réactionnaire de celui-ci à l’intérieur. En outre, des sections de ce parti parlent au nom de couches de l’élite militaire et politique qui considèrent la campagne anti-russe comme une dangereuse distraction de la lutte contre le «véritable» ennemi, la Chine.

(Article paru d’abord en anglais le 13 décembre 2023)

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