Le Kenya, le Rwanda et la République démocratique du Congo soutiennent l'attaque génocidaire d'Israël contre les Palestiniens de Gaza

Les gouvernements du Rwanda, de la République démocratique du Congo et du Kenya, où se sont produits certains des crimes impérialistes les plus horrifiants du XXe siècle, se sont joints aux gouvernements américain et européens dans leur soutien à la campagne israélienne de meurtre de masse et de nettoyage ethnique à Gaza.

Ils se précipitent pour amplifier les hurlements d’indignation émanant de Washington, Londres, Berlin, Paris et Madrid. Mais tout examen du bilan de ces régimes pourris et des crimes historiques de l’impérialisme contre leurs peuples montre au contraire quelle amnésie politique est nécessaire pour que quiconque avale ce torrent d’hypocrisie et de mensonges.

Le président kenyan William Ruto, inculpé de crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale pour son rôle dans l'incitation à la violence ethnique après les élections de 2007, qui ont fait plus de 1 500 morts et un demi-million de déplacés, a publié une déclaration exprimant sa « solidarité avec l'État d'Israël ».

Le président du Kenya, William Samoei Ruto, s'adresse à la 77e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, le mercredi 21 septembre 2022, au siège de l'ONU. [AP Photo/Mary Altaffer]

Le Kenya, a-t-il pontifié, «condamne sans équivoque le terrorisme et les attaques contre des civils innocents dans le pays» et soutient les actions contre «les auteurs, les organisateurs, les financiers, les sponsors, les partisans et les facilitateurs » du terrorisme.

Le Rwanda, sous la dictature brutale de Paul Kagame pendant trois décennies, a publié une déclaration similaire, condamnant le soulèvement armé palestinien comme un «acte de terreur» et exprimant sa «sympathie» pour «Israël suite aux attaques terroristes sur le territoire israélien […] qui ont conduit aux pertes en vies humaines, à de nombreux blessés et à l’enlèvement d’otages ».

Le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, qui a récemment envoyé l’armée pour réprimer les manifestants anti-ONU dans la ville de Goma, tuant plus de 50 manifestants, «a fermement condamné les attaques terroristes […] causant de lourdes pertes en vies humaines et de nombreux blessés».

Malgré la campagne de propagande mensongère des grands médias, les populations de tous ces pays, comme la grande majorité de la population mondiale, se solidarisent avec les Palestiniens qui ont été soumis à des décennies d'oppression et de persécution.

Le Kenya a obtenu son indépendance en 1963 après dix ans de lutte anti-coloniale menée par des paysans radicalisés contre la Grande-Bretagne. Le soulèvement Mau Mau était une rébellion armée lancée principalement par des paysans kikuyu dans le centre du Kenya, dont les terres fertiles avaient été expropriées par les colons britanniques.

Patrouille de l'armée britannique en opération pendant la rébellion Mau Mau . [Photo: Ministry Of Defence Post 1945 Official Collection, MAU 587]

À l'instar de la représentation actuelle des Palestiniens par le régime de Netanyahou, les autorités coloniales britanniques dénoncèrent les combattants héroïques – armés de fusils artisanaux, de machettes, d'arcs et de flèches contre une armée britannique moderne bien équipée et ses collaborateurs locaux – comme des animaux et des sauvages animés par des croyances rétrogrades. Comme le dit une étude officielle des autorités coloniales, les Mau Mau étaient «une force irrationnelle du mal, dominée par des pulsions bestiales et influencée par le communisme mondial ».

Kimathi, le général le plus important des Mau Mau Mau, fut capturé, et à l’issue d’un procès bidon, exécuté. On estime que 150 000 Kenyans sont morts pendant cette guerre. Des études ont montré comment le Royaume-Uni a détenu un demi-million de personnes dans des camps de concentration de fait, en guise de punition, accusés d’être des sympathisants potentiels des Mau Mau.

Des milliers de personnes ont été battues à mort ou sont mortes de malnutrition, de typhoïde, de tuberculose ou de dysenterie. Les détenus étaient utilisés comme esclaves et soumis à des agressions sexuelles. Les interrogatoires sous la torture, la castration et l'utilisation de bouteilles cassées insérées dans le vagin étaient répandus. Le nombre de colonialistes civils blancs tués par les attaques Mau Mau – la base de la propagande impérialiste britannique utilisée pour dénoncer le soulèvement – s’éleva à 32.

Le Congo RDC fut le théâtre de l’un des crimes les plus épouvantables de l’impérialisme. Colonisés par la Belgique, on estime que huit à dix millions d'Africains sont morts victimes de la «terreur du caoutchouc» du roi Léopold, de 1885 à 1908, dû au travail forcé pour collecter le caoutchouc destiné à l'exportation, ainsi qu’aux épidémies et à la famine. On menaçait les parents qui refusaient de participer à la collecte du caoutchouc de couper les mains de leurs enfants et de raser leur village tout entier.

Après l’indépendance en 1960, la Belgique et les États-Unis ont ourdi l’assassinat de Patrice Lumumba, démocratiquement élu et leader de la lutte anti-coloniale. L'exigence de Lumumba que le Congo contrôle ses propres richesses minières fut son arrêt de mort. Il a été capturé par les forces pro-impérialistes, torturé et exécuté, et son corps dissous dans de l'acide. Les Belges ont pris ses dents en souvenir.

Au cours des décennies suivantes, le Congo fut dirigé par Joseph Mobutu, homme de main de la CIA, qui dirigea le pays comme une kleptocratie. Avant d'être évincé en 1997, il avait pillé environ 5 milliards de dollars. Les répercussions au Congo de la crise rwandaise des années 1990 ont coûté jusqu'à 5,4 millions de vies durant la décennie suivante. Celle-ci fut nommée la guerre la plus meurtrière au monde depuis la Seconde Guerre mondiale, et connue comme les Première et Seconde Guerre du Congo.

Le Rwanda a été colonisé par l'Allemagne puis par la Belgique. Les racines du génocide des Tutsi de 1994, qui a vu 900 000 personnes massacrées en 100 jours, trouvent leurs origines dans l’ère coloniale. La Belgique imposa des divisions hiérarchiques strictes entre des groupes ethniques par ailleurs fluides et sans entraves, les Tutsi, les Hutu et les Twa, afin de maintenir le contrôle sur le Rwanda.

Dans un premier temps, les autorités coloniales belges ont renforcé les structures de pouvoir de l’élite tutsie existante. Mais à la fin des années 1950, lorsque la monarchie tutsie a commencé à réclamer l’indépendance, l’impérialisme belge répondit en amplifiant le ressentiment qui couvait depuis longtemps au sein de la majorité paysanne hutue et a renversé la discrimination, élevant les Hutus au-dessus des Tutsis et créant un nouvel État oppressif basé sur l’exclusion des Tutsis.

Lorsque le Rwanda obtint son indépendance de la Belgique en 1962, l’impérialisme français est intervenu pour renforcer son influence décroissante en Afrique. La France apporta un soutien militaire et économique au gouvernement extrémiste hutu de Juvénal Habyarimana. Paris a déployé des troupes, des armes et fourni une formation française à l’armée rwandaise immédiatement avant le génocide, alors que celle-ci procédait à des arrestations massives, à des tortures et à des exécutions d’opposants à majorité tutsie.

Lorsque le génocide éclata en 1994, la France a lancé une nouvelle intervention militaire, permettant à de nombreux auteurs du massacre de quitter le pays en toute sécurité, la plupart vers le Congo. Paris était déterminé à maintenir son soutien au régime rwandais contre le Front patriotique rwandais (FPR), un groupe armé tutsi dirigé par Kagame, formé par les États-Unis et stationné en Ouganda voisin, un allié clé des États-Unis. Depuis l'Ouganda, le FPR a mené une guerre civile pour le contrôle du Rwanda. Le génocide rwandais était le résultat de cette lutte impérialiste entre la France et les États-Unis pour l’influence dans la région, que Paris considérait comme essentielle au maintien du contrôle français en Afrique.

Le «soutien» de ces États africains à la guerre génocidaire menée actuellement par Israël n’est en fait que le soutien de cliques dirigeantes bourgeoises qui se sont enrichies grâce à l’appauvrissement des travailleurs et des masses rurales depuis l’indépendance. Ils fonctionnent comme les représentants locaux des puissances impérialistes, de leurs banques et de leurs trusts, alors que celles-ci sont déterminées à dominer le continent riche en ressources, notamment pour freiner l’influence russe et chinoise. Ils répondent tous aux aspirations sociales et démocratiques légitimes des travailleurs dans un contexte de montée en flèche des inégalités par les mêmes mesures autoritaires et policières et la même violence que les États impérialistes et Israël.

Le Kenya est dirigé par le président millionnaire William Ruto. Depuis son élection l’année dernière, Ruto a mis en œuvre des politiques brutales dictées par le Fonds monétaire international. Il a sabré les subventions au carburant et au maïs. Son tristement célèbre Projet de loi de Finances, qui prévoit des augmentations d'impôts sur le revenu et les biens, se heurte à l'opposition de près de 90 pour cent d'une population qui souffre déjà de l'effondrement du shilling kenyan, des pertes d'emplois, de la précarité et de la montée en flèche de l'inflation.

Depuis la montée du mouvement de protestation contre l'austérité en mars, la police a interdit les manifestations, procédé à des arrestations massives, emprisonné des dirigeants de l'opposition. Il a utilisé gaz lacrymogènes, matraques, canons à eau et tiré à balles réelles, tuant au moins 75 personnes.

Ruto a consolidé le rôle traditionnel du Kenya, qui est d’agir pour le compte des Etats-Unis en Afrique de l'Est. Il a poursuivi le déploiement de troupes kenyanes en Somalie pour réprimer l'insurrection islamiste al-Shabaab. Le Kenya est un pays clé sur le plan géopolitique : il est riverain de l'océan Indien et situé à l'entrée de la mer Rouge, où environ 700 milliards de dollars de transport maritime transitent chaque année, dont la quasi-totalité du commerce de l'Europe avec l'Asie. C’est l’un des points d’étranglement pour Washington en cas de guerre contre la Chine.

Ruto a également rejoint la force de «maintien de la paix» d'Afrique orientale, soutenue par l'Occident, dans l'est du Congo, riche en minéraux, pour aider le président Félix Tshisekedi à stabiliser cette région déchirée par la guerre. Cela pour permettre à l'impérialisme de piller des minéraux tels que cassitérite, colombite-tantalite, wolframite, béryl, or et monazite. Les ressources du Congo sont encore considérées par Washington et ses alliés impérialistes européens comme la clé pour mener une guerre contre Pékin.

Les derniers actes de Ruto ont été d'appeler à la réintégration d'un président fantoche français soutenu par l'Occident – le président Mohamed Bazoum – au Niger ; et il a approuvé l'idée de Washington de déployer la tristement célèbre force de police corrompue du Kenya en Haïti, le pays le plus pauvre de l'hémisphère occidental, pour réprimer les gangs lourdement armés alliés aux factions concurrentes de l'élite dirigeante pro-impérialiste d'Haïti.

Au Rwanda, Kagame règne d’une main de fer depuis près de trois décennies. En 2021, il a déployé 3 000 soldats financés par l’Union européenne pour réprimer une rébellion islamiste dans le nord pauvre du Mozambique. Le géant français de l’énergie Total a investi 20 milliards de dollars dans le gaz naturel liquéfié de la région. Kagame a également accepté de devenir le sous-traitant britannique chargé de faire respecter la politique migratoire raciste du Royaume-Uni. Annoncé en avril 2022, un accord avec le gouvernement conservateur prévoit l’envoi de milliers de demandeurs d’asile au Rwanda. Kagame a reçu un paiement initial de 140 millions de livres sterling.

La dégénérescence des régimes bourgeois dans les anciens pays colonisés montre qu’il n’y a pas de voie nationale à la libération des peuples opprimés. Il existe une similitude tragique entre le sionisme et le nationalisme africain. L’idée que de nouveaux États africains, créés sur les frontières imposées par l’impérialisme européen, pourraient répondre aux aspirations sociales et démocratiques des Africains, s’est révélée aussi fausse que le mythe sioniste selon lequel les Juifs pourraient trouver refuge dans la création d’un État religieusement exclusiviste, fondé sur la dépossession de ses habitants arabes. Tous ces pays, gouvernés par une minorité parasitaire, sont au contraire plongés dans une fuite en avant vers des formes de gouvernement policier, de fascisme et de guerre. Cela ne peut être empêché que par l’unification de la classe ouvrière, au-delà de toutes les frontières créées par l’impérialisme, dans une lutte commune pour le socialisme.

(Article paru en anglais le 16 octobre 2023)

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