Le coronavirus a tué au moins 812 personnes aux États-Unis mardi, le plus grand nombre de décès depuis le début de la pandémie. Tandis que près de 25.000 nouveaux cas étaient signalés. Le nombre total de personnes infectées a dépassé les 200.000 mercredi, de loin le plus grand nombre au monde.
Outre l’ampleur sans précédent de l’infection, sa vitesse est stupéfiante. Le 10 mars, on signalait seulement 1.000 cas de coronavirus aux États-Unis. Trois semaines plus tard, le nombre est 200 fois plus élevé. Encore trois semaines de cette sorte et le nombre de personnes infectées atteindrait 40 millions aux États-Unis.
Le nombre de décès n’a pas encore atteint le niveau de l’Italie (12.428) ou de l’Espagne (8.464) mais ce n’est qu’une question de jours. Et les responsables de la Maison Blanche continuent d’augmenter leurs projections du nombre total de décès dans un scénario «optimiste». Tout en fixant le chiffre stupéfiant de 240.000, Trump laisse entendre que le total pourrait être deux fois supérieur.
Quatre pays – l’Italie, l’Espagne, les États-Unis et la France – ont maintenant plus de décès que la Chine, où l’épidémie a éclaté pour la première fois dans la ville de Wuhan en décembre dernier. Après avoir connu 3.305 décès, la Chine affirme avoir largement supprimé l’épidémie par des tests systématiques, la recherche des contacts et la mise en quarantaine des personnes exposées au virus.
Les médias américains et l’Administration Trump qualifient continuellement les efforts pour contrer le coronavirus de guerre où les lignes de front se trouvent dans les salles d’urgence et les unités de soins intensifs des États-Unis, en particulier dans la région métropolitaine de New York, où se trouve la moitié des cas de COVID-19. Mardi, le nombre de morts dans la ville de New York même a atteint 1.096, et 10.000 personnes ont été hospitalisées, dont 2.700 ont eu besoin de ventilateurs.
Mais cette guerre est menée avec un «commandant en chef» incompétent, Trump, et ses malheureux lieutenants, les gouverneurs des États. Les troupes sont envoyées au combat à l’aveuglette, sans armes, et sans beaucoup se soucier de leur sécurité. Les travailleurs de la santé ne disposent pas d’équipements de protection individuelle suffisants et ils se trouvent infectés et incapacités à un rythme alarmant, avec de nombreux décès.
En Espagne, les travailleurs de la santé représentaient 14 pour cent des cas et en Italie 10 pour cent. Le même processus est en cours aux États-Unis. La NPR (radio publique) a rapporté que 345 employés dans les quatre plus grands hôpitaux de Boston ont testé positifs au COVID-19. À New York, des centaines d’employés sont tombés malades. Au centre médical Irving de l’Université de Columbia, à Manhattan, 50 pour cent du personnel des soins intensifs se sont infectés.
Le résultat est qu’en plus de la pénurie de chambres d’hôpital, de lits de soins intensifs, de masques et de ventilateurs, les hôpitaux se retrouvent aussi avec une pénurie croissante de personnel médical capable de faire face au volume croissant de patients ayant besoin de soins médicaux.
Pendant ce temps, les hôpitaux et organismes de santé menacent les médecins et les infirmières qui rendent publiques leurs préoccupations quant aux conditions de travail. Un médecin des urgences, le Dr Ming Lin, dans l’État de Washington, s’est fait licencier parce qu’il avait accordé une interview à un journal et s’était plaint de l’insuffisance d’équipements de protection.
Ruth Schubert, porte-parole de l’Association des infirmières de l’État de Washington, a déclaré à Bloomberg: «Les hôpitaux musellent les infirmières et les autres travailleurs de la santé pour tenter de préserver leur image». Les infirmières qui ont parlé de façon anonyme avec les reporters du WSWS ont déclaré qu’on leur avait dit qu’elles seraient renvoyées si elles parlaient aux médias.
Dans certains cas, les gouverneurs des États ont fait des déclarations revenant à des aveux de faillite. Sur CNN Live, le gouverneur du Maryland, Larry Hogan, a déclaré: «Nous essayons tous d’obtenir plus de tests, mais c’est un point de friction sur les tests, sur les fournitures et les matériaux, et sur les équipements de protection individuelle (EPI) et les ventilateurs. Tout le monde en Amérique sait que nous n’avons pas assez de ces choses… et sans les tests, nous allons vraiment à l’aveuglette. Nous devinons où se trouvent les épidémies, quels sont les taux d’infection dans les hôpitaux et les taux de mortalité».
La Maison Blanche, elle, parvient à combiner des expressions d’optimisme débiles (surtout sous la forme de témoignages du génie personnel de Trump) et des déclarations de plus en plus inquiétantes selon lesquelles le nombre de morts aux États-Unis sera à six ou même à sept chiffres.
Dimanche, le conseiller de la Maison Blanche, le Dr Anthony Fauci, a déclaré que 100.000 à 200.000 décès constituaient un chiffre moyen qui pourrait être considérablement réduit si des mesures appropriées étaient prises. Lundi, la coordinatrice de la Maison Blanche pour les coronavirus, la Docteur Déborah Birx, déclarait que 100.000 à 200.000 était désormais le meilleur scénario si tout se passait parfaitement, tandis que Trump lui-même déclarait qu’un nombre de décès dans cette fourchette représenterait «du bon travail» de la part de son Administration.
Mardi, Fauci et Birx ont présenté un diaporama qui indiquait des projections selon lesquelles, sans une atténuation sévère, le nombre total de décès dus à COVID-19 pourrait atteindre 1,2 à 2,2 millions. Birx a admis que même avec des efforts d’atténuation stricts tout au long du mois d’avril, le nombre de décès pourrait s’élever à 240.000. Au plus fort d’une telle situation «dans le meilleur des cas», 4.000 à 5.000 personnes mourraient chaque jour.
Aussi choquants que soient ces chiffres, plus scandaleuse encore est l’indifférence joyeuse affichée par Trump personnellement et ses plus proches collaborateurs devant les résultats probables de leur propre politique, qui a été de refuser de mener une lutte sérieuse pour contenir la pandémie et pas seulement pour l’atténuer.
Trump lui-même, vers la fin d’un «briefing» de presse qui a duré plus de deux heures – une nette indication que la campagne antivirus de la Maison Blanche est un exercice de propagande politique et de manipulation médiatique – a fait des commentaires qui revenait à à admettre une négligence criminelle à une échelle monumentale.
«Nous vivons la pire chose que ce pays ait probablement jamais vue», a-t-il déclaré. «Regardez, nous avons eu la guerre civile. Nous avons perdu 600.000 personnes, non? Si nous n’avions rien fait, nous aurions perdu plusieurs fois cela, mais nous avons fait quelque chose, alors espérons que ce sera bien en dessous de cela. Mais, vous savez, nous perdons potentiellement plus ici que vous perdez dans les guerres mondiales comme pays».
Étant donné que le nombre de morts américains pendant la Seconde Guerre mondiale s’éleva à 405.000, Trump affirme, à sa manière sinueuse et semi-analphabète, que le nombre de morts aux États-Unis suite à la pandémie de COVID-19 pourrait bien se situer entre 400.000 et 600.000.
Il y eu remarquablement peu de réactions des journalistes et des médias bourgeois, qui semblaient hébétés. Plusieurs médias avaient pris note du fait que mardi matin, plus d’Américains étaient morts du coronavirus que lors des attaques terroristes du 11 septembre. Mais même cette comparaison – aussi inadéquate soit-elle – on ne l’a pas faite.
La réponse du gouvernement américain se caractérise au mieux par une négligence maligne face à une pandémie qui était à la fois prévue et évitable. Dans l’indifférence la plus totale à l’égard du sort de la population, l’administration Trump s’est surtout attachée à assurer la protection des marchés financiers. Ce n’est que lorsque les marchés ont commencé à imploser que l’appareil gouvernemental s’est mis en branle pour empêcher l’effondrement complet.
Tout d’abord, le 3 mars, la Réserve fédérale a réduit ses taux de 0,5 pour cent, la plus importante réduction depuis la crise financière de 2008. Le 12 mars, elle a ajouté 1.500 milliards de dollars de liquidités dans le système bancaire. Le mécanisme choisi était une augmentation massive des prêts à court terme aux banques afin de maintenir la stabilité des marchés monétaires et de fournir aux banques des liquidités. Lorsque les marchés ont continué à s’effondrer le 15 mars, la Réserve fédérale a réduit les taux d’intérêt d’un point de pourcentage complet pour les ramener à près de 0,00 pour cent.
Elle a également repris l’assouplissement quantitatif en achetant pour 500 milliards de dollars de bons du Trésor et 200 milliards de dollars de titres adossés à des créances hypothécaires. Puis le Congrès a adopté à la hâte un projet de loi de «sauvetage» économique record de 2,2 billions de dollars. L’objectif principal était de donner au Trésor et à la Réserve fédérale l’autorité nécessaire pour renflouer les entreprises américaines et Wall Street.
Si l’on compare les efforts gargantuesques et énergiques pour sauver les marchés avec les mesures bâclées, indifférentes et grossièrement incompétentes en matière de santé publique, il est facile de voir quelles sont les priorités de l’aristocratie financière américaine.
Mais une autre force se fait entendre dans cette crise: la classe ouvrière. Les travailleurs d’Instacart, d’Amazon et de Whole Foods ont lancé des actions de grève contre le travail forcé dans des conditions dangereuses. Les travailleurs de General Electric ont protesté, exigeant que leur entreprise commence à produire des ventilateurs. De nombreux autres travailleurs se rebellent contre le fait d’être contraints de rester au travail sans équipement de protection.
Alors que la crise s’aggrave, la question décisive est pour la classe ouvrière de développer une réponse politique consciente, en reconnaissant qu’elle doit combattre le système capitaliste dans son ensemble, en s’appuyant sur un programme socialiste.
(Article paru d’abord en anglais 1 avril 2020)
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