L’armée entre à Paris alors que Macron annonce le confinement face au coronavirus

Hier soir, des véhicules militaires sont entrés à Paris, alors qu’Emmanuel Macron annonçait lors d’une allocution télévisée le confinement des Français face à la pandémie du coronavirus. La flambée du virus continuait en Europe ainsi qu’en France, où l’on a annoncé hier 1.210 nouveaux cas et 21 morts pour un total de 6.633 cas et 148 morts.

Après des semaines pendant lesquelles des ministres ont minimisé la pandémie en comparant le coronavirus à la grippe saisonnière, arguant contre les mesures sanitaires en prétextant la nécessité de soutenir l’économie et les marchés financiers, Macron a fait un tournant abrupt. Il a annoncé le confinement généralisé des Français pour tenter d’infléchir la courbe des nouvelles infections, sans toutefois annoncer que les travailleurs dans des industries non-essentielles à la lutte contre le virus auraient l’autorisation de rester chez eux.

Macron a dit: «Dès demain midi, se promener, retrouver ses amis dans le parc, la rue ne sera plus possible. Il s'agit de limiter au maximum ses contacts au delà du foyer. Partout sur le territoire français, en métropole comme outre mer, seuls doivent demeurer les trajets nécessaires pour faire ses courses avec de la discipline et en mettant les distances d'au moins un mètre, en ne se serrant pas la main, en n'embrassant pas. Evidemment, les trajets nécessaires pour aller travailler, quand le travail à distance n'est pas possible seront autorisés.»

Après l’allocution de Macron, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner a annoncé la mobilisation de 100.000 policiers et gendarmes pour faire des contrôles de rue. Pour sortir de chez eux, les Français devront se munir des formulaires téléchargeables sur le site du ministère de l’Intérieur afin d’attester sur l’honneur qu’ils sortent pour une raison autorisée (courses, soins médicaux, aide à une personne dépendante, travail). Les policiers donneront des amendes de 38 euros, somme qui sera bientôt relevée à 135 euros, pour toute infraction.

Ce confinement doit durer 15 jours dans un premier temps, mais il sera renouvelable par ordre de Macron. Vu que la période d’incubation du coronavirus peut durer jusqu’à 14 jours, il semble probable que la montée rapide du nombre de cas pourra continuer pendant toute cette première période de confinement; les services sanitaires auraient alors besoin de renouveler le confinement pour identifier et diagnostiquer tous les malades.

Alors que l’armée est mobilisée en Espagne afin d’imposer le confinement et que l’armée

italienne participe aux opérations d’urgence face à la pandémie, l’armée française sera également mobilisée. Elle devra construire un hôpital de campagne afin de traiter les malades du coronavirus dans l’Est, région particulièrement touchée. Et hier soir, avant que Macron ne prenne la parole, les passants à Charenton, en région parisienne, ont vu des colonnes de véhicules militaires qui entraient dans Paris.

Un grand flou demeure toujours sur les mesures d’aide aux entreprises et surtout aux salariés touchés par ces restrictions drastiques sur l’activité économique. Macron a annoncé des mesures à la hauteur de 300 milliards d’euros pour soutenir les entreprises, notamment en les exonérant des loyers et des charges sociales. Il a annoncé aussi la généralisation du chômage technique, qui devrait fournir selon la presse 84 pour cent de leur salaire net aux travailleurs qui perdront leurs emplois à cause de la pandémie.

Il n’a pas expliqué, toutefois, pourquoi l’Europe ne fournit pas des centaines de milliards d’euros à l’hôpital public pour le développer et ainsi faciliter le traitement de la maladie, alors que l’Italie, dévastée par la maladie, a désespérément besoin d’un soutien fort. La Banque centrale européenne a déjà abreuvé les marchés financiers de 120 milliards d’euros.

Mais dans un élan nationaliste réactionnaire dont le coût humain risque d’être très lourd dans un contexte de pandémie qui traverse les frontières et exige une collaboration scientifique internationale, Macron a annoncé la fermeture des frontières européennes, arrêtée avec les autres États de l’UE.

La décision des gouvernements non seulement français mais aussi espagnol et italien d’avoir recours au confinement sonne comme un aveu de faillite. Mises en place promptement il y a quelques semaines à l’échelle européenne, le confinement aurait sauvé des milliers de vies et empêché des dizaines de milliers de personnes de contracter cette maladie potentiellement mortelle. Mais une inaction coupable a prévalu dans les plus hautes sphères dirigeantes, tant politiques que financières, à travers l’Europe comme aux États-Unis.

Le gouvernement italien a été le premier en Europe à adopter des mesures de quarantaine et de confinement, face à une vague de grèves dans l'automobile, la sidérurgie et la logistique, où les travailleurs exigeaient de l’État et des appareils syndicaux le droit de rester chez eux s’abriter de la maladie si leurs postes n’étaient pas essentiels à la lutte contre la maladie. Des grèves similaires avaient également éclaté parmi les travailleurs de l’automobile au Canada, les postiers britanniques, et les conducteurs de bus Kéolis à Paris.

La crainte d’une plus large explosion sociale parmi les travailleurs, après une vague de grèves et de mobilisations des “gilets jaunes” qui dure à présent deux ans en France et à travers l’Europe, joue un rôle majeur dans les calculs politiques de l’aristocratie financière. Ses stratèges savent très bien que la pandémie du coronavirus a dévoilé les conséquences mortifères des politiques d’austérité européennes qui saignent à blanc les budgets hospitaliers depuis des décennies. La

colère ouvrière défile régulièrement dans les rues à travers l’Europe.

Pointant le danger du “désordre,” Macron a dit qu’à la fin de la lutte contre la pandémie, “Nous gagnerons, mais cette période nous aura beaucoup appris. Beaucoup de certitudes, de convictions sont balayées ou remises en cause. Beaucoup de choses que nous pensions impossibles adviennent. … Retenons cela, le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas le jour d’avant. Nous serons plus forts moralement, nous aurons beaucoup appris.”

Macron a aussi promis de suspendre toutes ses mesures de casse sociale actuellement en cours: “Rien ne doit nous divertir. C'est pourquoi j'ai décidé que toutes les réformes en cours seraient suspendues, à commencer par la réforme des retraites.”

Les travailleurs ne peuvent pas se fier aux promesses de l’Union européenne ou d’un Macron, le président des riches qui, il y a quelques semaines, faisait gazer les manifestations des mêmes infirmières et personnels de santé qu’il traite à présent de héros de la patrie.

Il faudra mobiliser politiquement les travailleurs pour exiger un traitement humain et équitable à tous les malades, un revenu et des conditions de vie décents pour les travailleurs et les commerçants touchés par le confinement, et la fin de l’austérité destructrice en Europe.

Les contrôles généralisés par la police et le recours à l’armée pour suppléer à un hôpital public dévasté par l’austérité portent en eux la menace d’une escalade majeure de l’État policier qui sévit déjà depuis longtemps contre les “gilets jaunes” et les grévistes.

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