Le nombre de décès et d’infections dus au COVID-19, la maladie de l’épidémie de coronavirus, monte en flèche dans les principaux pays d’Europe occidentale, les hôpitaux étant pleins à craquer. L’Italie, l’Espagne et la France sont toutes en quarantaine et des mesures d’urgence sont en vigueur dans la plupart des autres pays.
Vendredi, l’Organisation mondiale de la santé a déclaré que l’Europe, plutôt que la Chine, était désormais l’épicentre de la pandémie. L’Italie est le pays le plus touché avec 24.747 cas et plus de 1800 décès. Il s’agit d’un bilan beaucoup plus lourd, en proportion de la population, qu’en Chine, où l’épidémie a commencé à s’atténuer après avoir atteint 80.649 cas et plus de 3000 décès.
Les États-Unis pourraient cependant devenir le prochain épicentre de la pandémie, car l’incapacité délibérée de l’Administration Trump à mener une réponse efficace ouvre la porte à des millions de pertes de vie pour la population américaine. Lors d’un échange brutal dans le cadre de l’émission «State of the Union» diffusée dimanche sur CNN, on a interrogé le Dr Anthony Fauci, directeur de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses. Il a dit: «On estime que des centaines de milliers de personnes aux États-Unis pourraient mourir ou, dans le pire des cas, des millions. Pouvez-vous dire au peuple américain que cela est possible?» Il a répondu: «C’est possible».
L’OMS a averti vendredi que, compte tenu de l’inaction de nombreux pays pour mettre en place des mesures qui visent à contenir la pandémie à l’intérieur de leurs frontières, «tout pays qui regarde l’expérience d’autres pays face à de grandes épidémies et pense que “cela ne nous arrivera pas” commet une erreur fatale.»
Le président Trump ne s’est toutefois pas inquiété de la perte potentielle de millions de vies, mais de l’injection de billions de dollars sur les marchés financiers. Dimanche après-midi, dans son discours d’ouverture lors d’un point de presse de la Maison Blanche sur la pandémie, il n’a pas parlé de la crise sanitaire et des craintes du peuple américain. Plutôt, il a félicité la Réserve fédérale d’avoir baissé ses taux d’intérêt de 1,25 à 0,25 pour cent avant l’ouverture des marchés asiatiques. La Réserve fédérale a également mis à disposition 700 milliards de dollars de soutien financier, en plus des 1,5 mille milliards de dollars fournis la semaine dernière.
La Maison Blanche est également intéressée à prendre l’avantage dans la course au développement d’un vaccin contre d’éventuels concurrents. La Maison Blanche espère, selon un rapport du journal allemand Die Welt, développer un vaccin qui guérirait le coronavirus «mais uniquement pour les États-Unis.» C’est la sinistre signification de l’offre de Trump de «grosses sommes d’argent» à l’entreprise médicale allemande CureVac pour obtenir les droits exclusifs de leur travail sur un remède pour COVID-19. On n’a pas précisé si la motivation était d’obtenir un avantage commercial, ou le pouvoir de vie et de mort sur des rivaux stratégiques, ou les deux.
L’état de la pandémie, selon tous les comptes rendus crédibles, se dirige vers une catastrophe pour des millions de personnes. Dimanche, on comptait 167.638 cas de COVID-19 dans le monde. Le nombre d’infections en dehors de la Chine dépasse désormais celui de la Chine, qui compte 80.849 cas. Sur les 76.219 patients qui se sont rétablis de la maladie, 66.931 se trouvent en Chine. Cela signifie que 80.658 infections actives existent toujours, dont la majorité en Europe et en Iran. De ces cas actifs, on considère 5.655 graves ou critiques.
Le nombre de décès dus à la COVID-19 s’élève maintenant à 6456. L’Italie, l’Iran et maintenant l’Espagne ont des taux quotidiens élevés de nouveaux décès, atteignant ou dépassant 4 pour cent. D’autres pays comme la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, dans les premières phases de la pandémie, ont des taux d’indice de mortalité qui sont de 2,5 pour cent ou moins. La Suisse a signalé un total de 842 nouveaux cas par jour, rejoignant ainsi la liste des pays qui connaissent une augmentation catastrophique du nombre de nouveaux cas.
Les raisons de cette divergence d’un pays à l’autre sont complexes. Elles concernent l’état de santé général et l’âge de la population; le nombre de personnes infectées dans la communauté — cela est inconnu dû aux limites imposées aux tests; ainsi que la pression qui est exercée sur le système de soins de santé.
La rapidité de la pandémie est remarquable. Il y a seulement quatre semaines, le 20 février, un Italien de 38 ans a été la première victime connue dans ce pays de la COVID-19. L’épidémie locale dans la région de Lombardie a rapidement échappé à tout contrôle au cours des deux semaines suivantes. Le nombre de nouveaux cas a explosé, suivi par un nombre alarmant de décès. Finalement, le 12 mars, le pays tout entier est en quarantaine.
Pendant ce temps, le système de soins de santé a implosé alors que de nouveaux cas continuent d’arriver par les portes des services d’urgence. Roberto Cosentini, à l’hôpital du Pape Jean XXIII à Bergame, a déclaré: «C’est comme une vague. Nous avons maintenant environ 60 à 80 nouveaux patients COVID-19 par jour qui se présentent aux urgences. La plupart d’entre eux sont dans un état grave, et ils arrivent tous ensemble entre 16 et 18 heures. Nous avons appris que la détresse respiratoire s’aggrave en fin d’après-midi. Donc, nous savons maintenant que nous devrons faire face à la plupart des cas graves qui se présentent les uns après les autres en peu de temps, tous les jours.»
L’expérience clinique de la pandémie en Italie est bien plus préoccupante qu’en Chine. Selon le réseau JAMA, la proportion d’admissions aux soins intensifs représente 12 pour cent de tous les cas positifs et 16 pour cent de tous les patients hospitalisés. En revanche, en Chine, seuls 5 pour cent des personnes dont le test du COVID-19 s’est révélé positif ont dû se faire hospitaliser en soins intensifs.
Les professionnels de la santé du nord de l’Italie travaillent jour et nuit depuis trois semaines sans que l’on puisse en voir la fin. Environ 350 d’entre eux se sont trouvés avec l’infection et certains sont morts. Francesca Mangiatordi, infirmière dans un hôpital de la ville de Crémone, au nord du pays, a déclaré à la télévision italienne: «Nous sommes à bout de forces, physiquement et physiologiquement.»
L’Espagne, avec 7753 cas au total et 1362 nouveaux cas sur une période de 24 heures, est le deuxième pays le plus touché en Europe. Elle a limité la circulation du public à l’achat de biens essentiels, aux soins médicaux ou au travail. Hier, 95 nouveaux décès ont porté le total à 291. Selon le Premier ministre Pedro Sanchez, tous les musées, centres culturels et événements sportifs resteront fermés jusqu’à nouvel ordre.
La France, avec 4499 cas, l’Allemagne, avec 5795 cas, et le Royaume-Uni, avec 1372 cas, connaissent une accélération similaire des nouvelles infections à COVID-19. Toutefois, le nombre de décès est resté jusqu’à présent bien inférieur à celui de l’Italie, le Royaume-Uni enregistrant un taux de mortalité de 2,6 pour cent. Le vecteur de la maladie se poursuit en Irlande et en Écosse, où les autorités ont signalé respectivement 214 et 153 cas. Le gouvernement écossais s’efforce de doubler la capacité de ses unités de soins intensifs pour la porter à 380 lits.
L’Allemagne et la France se sont désespérément tournées vers les fournisseurs nationaux et surveillent les stocks nationaux en prévision de pénuries. L’Allemagne dispose d’environ 28.000 lits de soins intensifs, dont 25.000 sont équipés de ventilateurs. Ils disposent de 25 lits de soins intensifs pour 100.000 personnes. En comparaison, l’Italie a la moitié de cette capacité, le Royaume-Uni, un quart. Le ministre britannique de la Santé, Matt Hancock, a déclaré au Financial Times que le Service national de santé disposait d’environ 5000 ventilateurs, mais qu’il en avait besoin de beaucoup plus.
Ces pays sont dans une situation désespérée, mais les conditions aux États-Unis pourraient devenir bien pires à mesure que le coronavirus se répand dans la population. Ceci est dû à l’état de délabrement des infrastructures de santé publique et la réaction des autorités, désorganisée et axée sur le profit.
La Maison Blanche a indiqué dimanche qu’il y a actuellement 3400 cas (457 nouveaux cas) et 63 décès. Les millions de kits de dépistage qui avaient été promis se sont transformés en milliers qui, tôt ou tard, deviendraient disponibles grâce à «l’initiative public-privé». Le Dr Fauci a été autorisé à faire quelques commentaires discrets, concluant par «les choses vont empirer», mais ni lui, ni d’autres fonctionnaires, ni les médias n’ont discuté du nombre potentiel de morts.
Il y a eu peu de coordination entre le gouvernement fédéral, les 50 états et les différentes autorités locales et districts scolaires responsables de la surveillance et de la réaction à l’épidémie. Le résultat a été un patchwork de réponses, avec la fermeture de toutes les écoles publiques dans une douzaine d’États, mais pas dans les autres; la fermeture des bars et des restaurants dans certains États, mais pas dans d’autres; et l’interdiction par les gouverneurs des rassemblements de plus de 100, plus de 250, ou plus de 500, ou l’absence de restrictions.
Les Centres de contrôle des maladies (CDC) ont publié dimanche une recommandation pour une interdiction nationale des rassemblements de plus de 50 personnes à la fois. Mais le CDC a ajouté: «Cette recommandation ne s’applique pas au fonctionnement quotidien d’organisations telles que les écoles, les instituts d’enseignement supérieur ou les entreprises». La plupart des collèges sont déjà fermés et que la plupart des écoles publiques le seront bientôt. Donc, il s’agit d’un feu vert pour la poursuite du fonctionnement des usines et autres grands lieux de travail. Peu importe l’effet sur la santé des travailleurs concernés — une indication supplémentaire de la primauté des profits des entreprises sur la santé publique.
(Article paru d’abord en anglais 16 mars 2020)