La grève des travailleurs du secteur public continue aujourd'hui, en lutte contre les réformes des retraites et la politique d’austérité menée par Emmanuel Macron. Une nouvelle journée d’action est organisée demain à l’appel de plusieurs confédérations syndicales.
«La journée de lundi va encore être extrêmement compliquée pour tous nos passagers, le réseau sera encore extrêmement perturbé», a annoncé la porte-parole de la SNCF, Agnès Ogier. Elle a prédit que 15 à 20 pour cent des trains circuleraient. Les trains Eurostar, Thalys et Lyria à destination de l’Angleterre, de la Belgique et de la Suisse sont également très touchés par la grève.
La RATP a aussi annoncé que les tranports parisiens seraient lourdement impactés. A part les deux lignes automatisées, seuls quelques lignes de métro n’opéreront, et cela avec un trafic réduit aux heures de pointe. Seule un petite fraction des RER et des tramways et la moitié des bus circulent.
De dizaines de milliers de personnels de l’éducation nationale font grève, alors que les deux-tiers faisaient grève jeudi. Des grèves continuent dans les aéroports, et la Direction générale de l’aviation civile a de nouveau appelé les compagnes aériennes à réduire le nombre de vols planifiés.
Des sections plus larges du secteur public qui ont fait grève la semaine dernière – y compris les hôpitaux, l’énergie et les ports – ainsi que les raffineurs pourraient reprendre la grève demain.
Alors que la colère monte contre les retraites et la répression violente de la manifestation jeudi, il faut souligner que les appareils syndicaux préparent une trahison. Il est d’une importance critique pour les travailleurs d’ôter le contrôle des luttes aux syndicats, d’organiser leurs propres comités d’action et d’entraîner des couches plus larges de travailleurs dans le mouvement afin de faire chuter Macron. C’est la seule façon de stopper ses attaques contre les travailleurs.
Sans surprise, le gouvernement déclare quant à lui qu’il imposera coûte que coûte sa réforme, avec au plus quelques modifications de surface, et les syndicats cherchent un compromis avec lui.
Plusieurs syndicats se sont sentis obligés, après que les travailleurs ont continué la grève après le 5, d’appeler une nouvelle journée d’action. Vendredi soir, la CGT, FO, Solidaires et la FSU ont tous appelé à une journée d’action pour demain et ainsi inscrire le mouvement «dans la durée.» Ces quatre syndicats ont indiqué qu’ils se réuniraient pour parler stratégie demain soir.
Philippe Martinez, le dirigeant de la CGT, a proposé au gouvernement de retirer la réforme actuelle, en observant qu’elle «va générer de la misère». Il a ensuite proposé une collaboration avec le premier ministre Edouard Philippe, à qui il a demandé «d’intervenir pour dire "on a entendu la colère de ce pays, on remet les compteurs à zéro, on retire notre projet" et le retravailler.»
Tout en appelant à la grève, les syndicats travaillent étroitement avec Macron, publiquement ainsi qu’à huis clos. Vendredi soit, alors qu’ils annonçaient les manifestations de demain, les syndicats ont dit qu’ils rencontreraient la ministre des Solidarités Agnès Buzyn aujourd’hui. «La colère des Français a été entendue», a déclaré Buzyn.
C’est un enfumage cynique, car le gouvernement indique qu’il réagira à la mobilisation en travaillant étroitement avec les syndicats pour tenter d’imposer sa réforme.
A l’heure actuelle, la réforme élimine les régimes spéciaux, augmente l’âge de la retraite de 62 à 64 ans, et passe à un régime unifié «par points». Cette dernière manœuvre permet à l’État de réduire drastiquement le montant des retraites, car les «points» que les travailleurs recevraient sous ce système en échange de leur cotisations n’auraient aucune valeur monétaire fixe. L’État déciderait arbitrairement chaque année du montant qu’un «point» octroyerait à un actif partant à la retraite.
Philippe a accordé une entrevue hier au Journal du dimanche pour annoncer qu’il ferait un discours mercredi au Conseil économique, social et environnemental (CESE) pour dévoiler les détails de la réforme. Le CESE est un organisme où les dirigeants de l’État se réunissent avec les représentants patronaux et les bureaucrates syndicaux pour planifier les attaques sociales.
Philippe a souligné qu’il n’y aurait aucun recul de son gouvernement sur l’essentiel de la réforme. «Si on ne fait pas une réforme progressive maintenant, quelqu’un d’autre en fera une vraiment brutale demain», a-t-il dit au JDD.
Martinez est passé à France Inter hier après-midi pour dire qu’il travaillerait avec Philippe sur la réforme après son discours mercredi. «Nous on ne dit pas un retrait ou rien, on dit un retrait et l’amélioration du système actuel qui est le meilleur au monde. … Quand on a un tel niveau de mécontentement, on réfléchit et on se dit 'la réforme, ce n'est pas la bonne', donc on remet les compteurs à zéro et on retravaille d'autres hypothèses à partir des propositions que fait la CGT par exemple.»
Ces déclarations donnent raison à la fois à la méfiance croissante des travailleurs envers les syndicats, et aux appels du Parti de l’égalité socialiste aux travailleurs de prendre leurs propres luttes en main. Des sections de plus en plus larges de travailleurs sentent instinctivement qu’une action indépendante est la seule façon d’empêcher encore une trahison de lalutte par les syndicats.
Seb, un pompier venu à Paris pour la journée d’action jeudi, a dit son mépris pour Macron et sa législation: «Ce n’est pas une politique qu’il mène, lui. Macron n’est qu’un pantin de l’oligarchie qui est au-dessus de lui et qui qui veut diriger l’Europe, ça on y est presque, et voire même le monde. … il faut il ne faut pas qu’on défende notre cause chacun de notre côté, parce que ça ne sert à rien. Ça fait six mois, on n’a toujours pas de réponses aux questions posées.»
Tony, un travailleurs des aéroports, a dit au WSWS: «Il y a un ras le bol général. Ça fait 30 ans que les salariés, les travailleurs sont attaqués de partout, sur les salaires, les retraites, la précarité. On a envie de mettre un stop à tout ça et on pense que c’est par la mobilisation qu’on pourra faire reculer le gouvernement. … L’argent c’est le nôtre, il n’y a pas de raison qu’il s’accumule à un seul pôle de la société. Nous réclamons juste notre dû, des salaires dignes et un boulot pour tout le monde.»
A propos des syndicats, Tony a dit: «On verra bien ce qu’ils font. C’est vrai qu’il y a une méfiance légitime. C’est quand même plus d’une fois qu’ils ont trahi le mouvement. Il faut qu’on s’organise nous-mêmes, qu’on soit actif et que justement on décide nous-mêmes de notre mouvement, qu’on décide de la grève de comment on veut faire.»