Les reporters du WSWS ont interviewé des étudiants de la faculté de Tolbiac mardi, alors que partait le cortège pour marquer l’immolation d’Anas K. et pour manifester contre la précarité.
Les étudiants ont fait part de leur tristesse et de leur incompréhension face au geste d’Anas, et surtout de la colère des jeunes contre la politique menée par les pouvoirs publics, qui impose un stress de plus en plus intolérable aux jeunes.
Marius a déclaré qu’il pouvait «comprendre que si on vit en tant qu’étudiant dans des situations de précarité qui peuvent être des fois très compliquées, ça peut mener certains à aller jusque là. Ce sont des choses qui pourraient être stoppées plus tôt avec un peu plus d'aide, pas seulement une aide financière ... juste un soutien psychologique par exemple.»
Il a ajouté, «Des fois on a des cours de 8h à 20h, puis après on doit travailler de nuit par exemple. C'est très difficile mentalement.»
Enzo a regretté la décision d’Anas «de se mettre le feu et de s'enlever la vie. Pour des problèmes psychologiques ce n‘est pas bien.» Enzo a ajouté qu’Anas «avait des problèmes psychologiques. Macron a fait des choses pas bien. Il n'aurait pas dû enlever la bourse à ce jeune homme, ce qui l'a poussé à se mettre le feu.» Enzo a ajouté que l’université «aurait dû parler à l'étudiant et essayer de trouver un compromis».
Il a souligné sa solidarité avec les jeunes mobilisés contre la dictature militaire algérienne et dans les luttes et les manifestations contre les inégalités à travers le monde: «Nous sommes solidaires. On est tous des élèves. On est tous à l'école. On a tous le droit d'être à l'école. Je trouve ça bien qu'on manifeste tous et qu‘on combatte contre les problèmes comme ça.»
Enzo a ajouté qu’il espérait une large mobilisation le 5 décembre en France pour une grève contre la politique d’austérité sociale et de répression menée par Macron: «Macron va voir que les choses qu'il a faites ce n'est pas bien.»
Enzo a vivement critiqué l’attitude des forces de l’ordre envers les jeunes: «Des fois les policiers, ils sont violents contre les jeunes alors que les jeunes ne sont pas armés. Et des fois ils les tapent des fois ils tirent avec des flash ball, alors qu'ils ne sont pas armés. Ils leur rentrent dedans et leur mettent des coups de boucliers. Je trouve ça nul. Et il faut qu'ils arrêtent d'être violents comme ça contre les jeunes, alors qu'ils ne sont pas armés.»
Enzo a évoqué l’incident en 2018 à Mantes la Jolie, quand la police a entouré des manifestants lycéens et les a forcés à s'agenouiller, les mains sur la tête: «On les traitait comme si c'était des chiens. Pourquoi il les ont tous mis à genoux? la police qui met à genoux les jeunes pour qu'ils bougent plus. En plus, c'est la police je crois qui a filmé.»
Le WSWS a également interviewé Aïssata et Asma, qui ont fait part de leur émoi face à la tentative de suicide d’Anas. «Moi je trouve ça triste personnellement qu'il soit dans une précarité au point de ne plus vouloir vivre», a dit Asma.
Aïssata a ajouté: «Je pense que l'État et les chefs d'établissement ne sont pas assez près des élèves, et je pense que c'est pour ça qu'ils se sont immolés.»
Les deux étudiantes ont souligné les difficultés financières auxquelles de nombreux étudiants sont confrontés, surtout quand ils viennent d’autres villes pour faire leurs études. «Déjà il faut payer les loyers pour certains étudiants qui viennent vivre» là où ils font leurs études, a dit Aïssata. «C'est dur. Déjà la précarité c'est le fait de ne pas avoir d'argent pour subvenir à ses besoins, surtout pour manger. C'est ça le plus dur et peut être s'acheter des habits comme tout le monde.»
Asma a ajouté: «Personnellement, je pense que les bourses ne devraient pas être calculées en fonction des revenus des parents mais en fonction des revenus de l'étudiant. Ce n'est pas parce que les parents ont un bon revenu qu'ils peuvent forcément aider leurs enfants quand ils vont dans une autre ville pour faire leurs études.»
Aïssata a aussi critiqué la phrase arrogante de Macron selon laquelle il suffit aux jeunes de traverser la rue pour trouver un travail: «Ce n'est pas en traversant le trottoir là que je vais trouver du travail. En France, même le bac ça suffit pas vraiment. Il faut avoir fait des études supérieures pour réussir sa vie. Et Macron il est le président, il devrait montrer une autre facette. Le taux de chômage s'élèvent de plus en plus, et pour les jeunes c'est moins facile de trouver du travail. Je pense que l'on devrait changer certaines choses et donner l'accessibilité au travail à plus de personnes.»
Les deux étudiantes ont souligné leur mécontentement avec une situation où les étudiants doivent faire des boulots supplémentaires pour subvenir à leurs besoins. Asma a rappelé que si les étudiants «doivent travailler en plus des cours pour pouvoir payer leur loyer, ils n'ont pas vraiment le temps de réviser leurs cours en même temps.»
Aïssata a souligné qu’à «la fac, le niveau est plus exigeant qu'au lycée ou au collège, on arrive dans une période où les profs notent sévèrement et il faut vraiment s'accrocher. … Si je vais en cours, je rentre chez moi, je dois travailler à côté pour avoir les meilleures notes, c'est vraiment difficile.»