Les manifestations qui ont eu lieu à Hong Kong la semaine dernière ont vécu parmi les pires violences au cours du mouvement de protestation qui a duré près de six mois, la police ayant intensifié sa répression contre les jeunes qui avaient occupé les campus universitaires dans le cadre d'un appel lancé par les étudiants à une grève générale à l'échelle de la ville. En réponse, les autorités de Pékin et l'armée ont lancé des menaces à peine voilées.
Un soldat armé de l'Armée populaire de libération de Chine (APL) assiste à un accrochage entre la police et des manifestants à l'Université polytechnique de Hong Kong depuis une garnison voisine de l'APL à Hong Kong, dimanche 17 novembre 2019.
Le président chinois Xi Jinping a déclaré jeudi que Pékin «soutient fermement» le gouvernement de Hong Kong de la cheffe de l'exécutif Carrie Lam et la police. Il a déclaré que «mettre fin à la violence et maîtriser le chaos tout en rétablissant l'ordre est actuellement la tâche la plus urgente de Hong Kong.»
Xi a ajouté que les protestations ont «sérieusement remis en question le principe de base «un pays, deux systèmes» - une ligne rouge politique pour Pékin, qui craint que les États-Unis ne cherchent à exploiter la crise pour affaiblir la Chine et son emprise sur Hong Kong.
Bien que les protestations aient été motivées par une colère généralisée contre les inégalités sociales et l'absence de droits démocratiques et non par des «forces extérieures» comme le prétend Pékin, le gouvernement de Xi est toujours conscient de ce que les appels à l'«indépendance» dans des régions comme Hong Kong, le Tibet, le Xinjiang ou Taïwan pourraient être utilisés par les impérialistes, suivant le modèle établi dans les Balkans dans les années 1990.
Samedi, une cinquantaine de soldats de l'Armée populaire de libération (APL) ont quitté leur caserne de Kowloon supposément pour se consacrer bénévolement au nettoyage et à l'enlèvement des débris et des barricades dans les rues de l'Université baptiste. C'est la première fois que des troupes de l'APL sont dans la rue depuis le début des manifestations en juin, et c'est donc une menace qui annonce qu'elles pourraient être utilisées contre des manifestants. En général, quelque 6000 soldats sont en garnison à Hong Kong depuis 1997, mais depuis le début des manifestations, Beijing aurait doublé ce chiffre.
L'un des soldats a déclaré que le gouvernement de Hong Kong n'avait pas appelé les troupes pour aider à l'effort de nettoyage. «C'est nous qui avons commencé! Stopper la violence et mettre fin au chaos est de notre responsabilité», a-t-il dit, répétant l'expression utilisée par Xi Jinping. Samedi, certaines troupes portaient des t-shirts avec les logos des «Forces Spéciales, Huitième Compagnie» ou de la «Brigade d'Opérations Spéciales de Xuefeng». Ces unités sont chargées de combattre le «terrorisme».
La Loi de garnison et la Loi fondamentale de Hong Kong exigent que le gouvernement demande l'appui de l'APL pour s'engager dans le travail policier et sécuritaire. L'armée est censée être libre d'envoyer des troupes pour faire du «volontariat», selon les déclarations précédentes du secrétaire à la Sécurité de la ville, John Lee.
Le législateur du Parti démocrate James To a déclaré qu'il ne pensait pas que la Commission militaire centrale de Pékin avait appelé les troupes de l'APL à intervenir et a demandé si le gouvernement de la ville leur avait fait une requête d'aide. «Cette fois, ça n'a pas l'air d'un service bénévole. C'est plutôt de l' aide au maintien de l'ordre public», a déclaré M. To, évoquant la possibilité que la présence des troupes dans les rues puisse conduire à des affrontements avec des manifestants. «Ils peuvent dire que des soldats de l'APL ont été attaqués... alors ils peuvent utiliser des armes lourdes. C'est la chose la plus inquiétante.»
Il s'agissait presque certainement d'une manœuvre calculée pour évaluer la réaction des manifestants. La police avait déjà commencé plus tôt dans la semaine des assauts à grande échelle sur les universités occupées dans un effort pour enlever les barricades, et a pris le contrôle de l'Université chinoise de Hong Kong (CUHK) samedi. Les étudiants et les jeunes de CUHK avaient bloqué les voies nord et sud de l'autoroute Tolo.
Des affrontements sur d'autres campus ont également eu lieu samedi et dimanche, notamment à l'Université polytechnique de Hong Kong, située dans le quartier Hung Hom de la ville à Kowloon. L'université est située à proximité d'un certain nombre de routes principales, y compris un tunnel trans-portuaire. Reflétant le désespoir que beaucoup ressentent, un ancien étudiant de l'école polytechnique qui protestait à l'université a déclaré aux médias que les étudiants n'avaient pas de plan précis concernant la grève. «Si nous ne sortons pas, personne ne sortira pour protéger nos libertés. L'université polytechnique est ma maison», a-t-il déclaré.
Les manifestations ont commencé à s'intensifier après la mort d'un manifestant, le 8 novembre, des suites de blessures subies plus tôt dans la semaine. L'étudiant de 22 ans, Alex Chow, a été retrouvé inconscient au début du 4 novembre après être tombé d'un garage de stationnement alors qu'il fuyait les gaz lacrymogènes de la police.
Depuis lors, d'autres ont subi des blessures mortelles ou qui mettaient leur vie en danger. Un nettoyeur de rues de 70 ans aurait été frappé à la tête par une brique mercredi, alors qu'il filmait une bagarre entre manifestants et contre-manifestants pro-Beijing. Il est mort le lendemain. Un policier aurait également été atteint par une flèche tirée hier à l'école polytechnique par un manifestant. Lundi dernier, un manifestant a reçu une balle dans la poitrine tirée par la police, tandis qu'un partisan de Pékin a été incendié après s'être disputé avec des manifestants. Le premier est dans un état stable tandis que le second reste dans un état critique.
En réponse aux occupations sur les campus, les présidents de neuf universités ont publié une déclaration dénonçant les étudiants: «Aucune opinion politique ne donne le droit d'endommager des biens, d'employer des menaces physiques ou de recourir à la violence à l'encontre d'individus. Il est regrettable que des désaccords sociétaux aient fait des campus universitaires des champs de bataille politiques majeurs et que la réponse du gouvernement n'ait pas été efficace jusqu'à présent.» En d'autres termes, le gouvernement devrait employer des moyens encore plus violents pour déloger les manifestants.
Le mouvement de protestation fait face à la menace d'une intervention militaire chinoise et d'une répression violente. Des mois de protestations ont démontré que l'administration de Hong Kong et Pékin n'ont pas l'intention de faire de concessions significatives malgré la détermination et la combativité des manifestants. La perspective défendue par les pan-démocrates et leurs alliés au sein des syndicats et des groupes civiques pour faire pression sur l'administration en faveur de réformes s'est avérée être une impasse politique.
Pour mener une lutte politique contre le régime chinois, il faut se tourner vers la classe ouvrière dans toute la Chine. Les travailleurs et les jeunes en Chine continentale font face à des problèmes similaires: l'absence de droits démocratiques fondamentaux et l'aggravation de la crise sociale. Pour atteindre les travailleurs chinois, les étudiants et les jeunes devraient rejeter la vision chauvine étroite du «localisme» et du séparatisme de Hong Kong et fonder leur lutte sur la lutte pour l'internationalisme socialiste.
(Article paru en anglais le 18 novembre 2019)