Hier, cela faisait un mois depuis la disparition et la noyade présumée de Steve Maia Caniço, éducateur de 24 ans de Nantes. Cela s’est passé lors d’une violente répression policière sur un festival de musique techno au Quai Wilson, samedi 22 juin, aux petites heures de la ville.
Depuis lors, des membres de la famille, d’amis et de sympathisants, en somme, des milliers de manifestants ont protesté pour exiger que la police qui a perpétré et ordonné l’agression policière soit tenue responsable. Le slogan «Où est Steve», affiché sur des statues et peint au pistolet dans tout Nantes et largement diffusé en ligne, est devenu synonyme d’opposition à la brutalité policière en France.
Caniço a été vu pour la dernière fois au festival tôt le 22 juin, près de la fin prévue à 4 h. La musique a duré une demi-heure de plus que prévu. La police a ensuite lancé un raid de type militaire sur l’événement avec des gaz lacrymogènes, des chiens d’attaque, des balles en caoutchouc et des grenades assourdissantes, en frappant brutalement les spectateurs et en leur infligeant des tirs de taser. Quatorze personnes sont tombées à sept mètres du bord du quai dans la Loire alors qu’elles tentaient d’échapper au carnage de la police. Steve Caniço, qui serait tombé dans la Loire, ne savait pas nager. On n’a toujours pas retrouvé son corps.
La semaine dernière, Libération a publié une vidéo du raid obtenue à partir d’images prises par des jeunes lors du festival sur leur téléphone cellulaire. Elle démolit la justification absurde avancée par la police, à savoir que le raid était une réponse défensive à quelques bouteilles jetées sur eux alors qu’ils cherchaient à mettre fin à l’événement.
Il montre que l’opération policière a été coordonnée et menée en toute connaissance de cause du danger que représentait pour les participants. La police marche en file indienne avec des boucliers anti-émeutes, un policier retenant un chien d’attaque et poussant les jeunes directement vers la rivière. Ils continuent, même si les voix des jeunes qui se dispersent se font entendre en criant: «Il y a la Loire derrière!».
Quelques minutes plus tard, d’autres crient que des gens sont tombés dedans. «Il y a des gens qui ont sauté dans la Loire à cause des gaz lacrymogènes». «Va les sauver maintenant!» Tandis que la police continue de lancer des gaz lacrymogènes en direction de la rivière.
Alors que les preuves continuent de s’accumuler que la mort probable de Steve était le résultat tout à fait prévisible des actions des autorités, le gouvernement de Macron fait plus que d'insister pour défendre la police. Il en profite pour envoyer un message à la population que les forces de l’État peuvent attaquer et tuer la classe ouvrière en toute impunité.
Interrogé hier par des journalistes sur la disparition de Caniço, Macron s’est dit malhabilement «très occupé par la situation». Il a ensuite affirmé qu’«il ne faut pas oublier le contexte de la violence que vit notre pays», en concluant que «le calme doit être restauré dans le pays».
La référence hypocrite de Macron à la «violence» est évidemment une allusion aux protestations de masse contre les inégalités sociales des gilets jaunes et d'autres au cours des six derniers mois. La violence a cependant été presque entièrement du côté des forces de l’État. Ils ont blessé 2.500 personnes, tiré dans l’œil de plus de 20 autres et arraché les mains de cinq d’entre elles avec des grenades assourdissantes. L’hopital a placé Geneviéve Legay, une femme de 73 ans, dans un coma artificiel à la suite d’une agression lors d’un assaut de la police; Zenouab Radouane, 80 ans, est morte d’une grenade paralysante au visage qui provenait de la rue qui lui a cassé la mâchoire quand elle était chez elle. Bien que 7000 à 9000 manifestants se sont fait arrêter, pas un seul policier ne s’est vu mis en cause.
Et Macron utilise ce record maintenant pour déclarer que les manifestations doivent cesser et que «le calme doit être rétabli dans le pays», sinon la répression policière ne fera que s’intensifier.
Le mois dernier, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, a décerné des médailles d’honneur à plus de 9000 policiers impliqués dans la répression des «gilets jaunes». Parmi les personnes honorées figurent Grégoire Chassaing, commissaire de police en charge de l’opération policière à Nantes les 21 et 22 juin.
Castaner a ordonné une enquête policière interne sur les événements de Nantes, afin que les responsables du raid qui a conduit à la disparition de Steve soient accusés de mener l’enquête. Fait significatif, la chanson finale du festival qui a déclenché la répression policière — et l'importance de la présence néo-fasciste parmi la police est bien connue — était la chanson punk française des années 1980, Porcherie des Bérurier noir. Un chant associé aux protestations des jeunes contre le Rassemblement national néo-fasciste et son précurseur, le Front national.
Avant-hier, 700 personnes se sont réunies au quai Wilson pour marquer le premier mois de la disparition de Steve et dénoncer les actions des autorités. Ils ont formé deux chaînes humaines près de la Loire et ont observé une minute de silence.
«On a l’impression que la justice va à deux vitesses différentes», a déclaré Alexane, 24 ans, conductrice et amie de Steve, au journal Le Monde lors de la manifestation. «Si c’était un CRS qui était tombé à l’eau, tous les moyens auraient été mobilisés pour le retrouver en un temps record. Et les participants au concert auraient été immédiatement accusés.»
Caniço était selon tous les rapports un jeune homme très aimé. Le témoignage de ses collègues de l’école primaire de Treillières, où il a travaillé pendant plusieurs années dans le service de garde après les heures normales, est particulièrement remarquable. «Quand nous avons expliqué aux enfants qu’il avait disparu, certains d’entre eux ont exigé qu’il revienne. D’autres pleuraient. Les élèves ne sont pas retournés dans la pièce où il travaillait parce qu’il n’y est plus. Il a toujours été effervescent, et ça a laissé un trou.».
Un gouffre infranchissable sépare la colère et l’opposition des travailleurs et des jeunes contre cet acte de violence policière de l’intervention cynique du Parti socialiste (PS) et de la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon (LFI).
Le 19 juillet, LFI a lancé ce qu’elle a appelé une «campagne de médias sociaux» qui est en fait un coup monté qui n’engage personne à rien. Elle a publié des vidéos sur Twitter de députés regardant silencieusement une caméra et tenant une pancarte disant «Où est Steve?» Elle a en outre demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire, une méthode éprouvée pour prolonger l’enquête et blanchir ainsi la police. C’est une tentative de démobiliser l’opposition ouvrière en promouvant l’illusion que les représentants parlementaires de la classe dirigeante demanderont des comptes à la police.
La sénatrice PS de Loire-Atlantique, Michelle Meunier, a exigé que l’État «change la doctrine du maintien de l’ordre» et a affirmé que «la mission de la police est de protéger la population».
Ces déclarations visent à camoufler l’essentiel: la violence policière est le résultat inévitable de la fonction de classe de la police en tant qu’organe armé de l’État capitaliste. La police est chargé de faire respecter la domination de l’élite financière sur la société en réprimant violemment l’opposition de la classe ouvrière. La lutte contre la violence policière est la lutte de la classe ouvrière pour renverser le capitalisme et établir des gouvernements ouvriers à travers l’Europe et dans le monde, basés sur la réorganisation socialiste de la société.
Le PS et le LFI sont tous deux des partis capitalistes étroitement intégrés dans l’appareil policier. C’est l’ancien président du Parti socialiste François Hollande qui, avec les votes du parti de Mélenchon, a instauré l’état d’urgence en 2015, suspendant les droits démocratiques et étendant considérablement les pouvoirs policiers.
(Article paru d’abord en anglais le 22 juillet 2019)