D'après un conseiller juridique d’Assange: le Pentagone était derrière les poursuites contre le fondateur de WikiLeaks

De nouvelles preuves ont montré que l’armée américaine joue un rôle central dans les poursuites contre le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, et cela en raison de son rôle dans la dénonciation des crimes de guerre et des opérations néocoloniales au Moyen-Orient et dans le monde.

Geoffrey Robertson, un des principaux conseillers juridiques d’Assange, a accordé un entretien à la radio. Dans cet entretien, il a révélé qu’il a eu des discussions avec d’éminents membres de l’Administration américaine précédente de Barack Obama. Plusieurs de ces personnes dans l’Administration Obama lui avaient dit que le Pentagone était à la tête de la campagne pour obtenir l’extradition du fondateur de WikiLeaks vers les États-Unis.

Robertson a fait ces commentaires lors d’une entrevue jeudi dernier avec Phillip Adams dans le cadre de l’émission «En direct tard le soir» (Late Night Live) au radio de l’Australian Broadcasting Corporation.

L’avocat a noté que la persécution ouverte d’Assange par les États-Unis avait commencé en 2010. C’était une réponse directe à la publication par WikiLeaks de documents et de vidéos de l’armée américaine qui révèlent des exécutions extrajudiciaires. Les documents ont détaillé de telles exécutions en Irak et en Afghanistan, et d’autres violations du droit international.

L’Administration Obama a réagi en poursuivant Chelsea Manning, la courageuse lanceuse d’alerte qui a transmis les documents à WikiLeaks, et en convoquant un grand jury secret pour concocter des accusations contre Assange.

Robertson a déclaré qu’au cours de cette période, il s’était entretenu avec de «hauts responsables de l’administration Obama». Il l’a dit à Adams: «Je leur ai dit: "Vous le voulez vraiment parce qu’il y a des précédents dangereux pour le New York Times et pour les journaux du monde entier?» L’avocat a dit que les fonctionnaires ont répondu: «Nous nous ne le voulons pas, mais le Pentagone le veut, et le Pentagone finira peut-être par arriver à ses fins.»

En réalité, l’Administration Obama a violemment persécuté Assange, Manning et WikiLeaks. Elle a gardé les accusations contre Assange secrètes. Malgré la convocation du grand jury, toutes les accusations ont été scellées par crainte que cela ne discrédite davantage l’establishment politique américain, et ne mine le cadre démocratique bourgeois dans lequel l’oligarchie américaine a poursuivi ses intérêts.

Le rôle central des chefs militaires américains dans la campagne contre Assange, cependant, est sans doute vrai. C’est une autre preuve qu’Assange ne recevrait rien qui ressemble à un procès équitable ou à une procédure régulière s’il était extradé vers les États-Unis.

L’armée américaine et la Central Intelligence Agency, qui a également joué un rôle dans la poursuite d’Assange, sont toutes deux impliquées dans des programmes de torture et d’autres violations des droits humains.

Robertson a émis un avertissement au sujet des plans de l’Administration Trump. «Ce que le régime actuel veut», dit-il, c’est qu’Assange «meure dans une prison américaine de haute sécurité.»

Les dangers auxquels Assange fait face se trouvent soulignés dans un tweet envoyé hier par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, Nils Melzer. Il a demandé: «Les États-Unis vont-ils faire un procès contre Assange pour terrorisme?»

Melzer a fait remarquer que le délai de prescription pour les accusations d’intrusion informatique et de complot portées contre Assange semblait être expiré. Il a écrit: «Comment peut-il être inculpé en 2018 pour un comportement de 2010, soumis à une prescription de 5 ans?»

Le fonctionnaire de l’ONU a toutefois fait remarquer que le «Code pénal Section 2332b» étend la prescription pour les deux infractions à huit ans, pour les «actes de terrorisme commis à travers les frontières nationales».

La possibilité qu’Assange puisse faire face à des accusations en plus des 18 chefs d’accusation dévoilés publiquement contre lui aux États-Unis a été indiquée par le maintien en prison de Chelsea Manning. Elle a été emprisonnée le mois dernier pour avoir refusé de témoigner en parjure devant un grand jury convoqué pour concocter un acte d’accusation contre Assange.

Les avocats de Manning ont demandé plus tôt ce mois-ci que sa détention soit reconsidérée, étant donné que des accusations avaient déjà été portées contre Assange. Le ministère américain de la Justice a répondu le 14 juin: «Le témoignage de Manning reste pertinent et essentiel dans le cadre d’une enquête en cours sur des accusations ou des cibles qui ne sont pas incluses dans l’acte d’accusation qui l’a remplacé.»

De telles accusations pourraient potentiellement inclure des accusations de terrorisme contre Assange passible de la peine de mort. Les autorités américaines auraient intérêt à dissimuler de telles accusations, qui sont souvent passibles de la peine de mort. Leur motif serait de contourner les dispositions qui interdisent l’extradition à partir du Royaume-Uni pour des chefs d’accusation passibles de la peine capitale.

Les tentatives américaines d’enfermer Assange à vie, ou de l’exécuter, soulignent le rôle perfide des gouvernements australiens successifs, tant travaillistes que des coalitions libéraux-nationaux. Ils ont tous refusé de défendre le fondateur de WikiLeaks bien qu’il soit un citoyen australien.

Au cours de son entrevue avec Robertson, Phillip Adams a déclaré: «L’un des problèmes de ce pays, c’est qu’aucun des deux camps politiques n’a montré le moindre intérêt ou sympathie» pour Assange. «Nous avons un Premier ministre, un ministre des affaires étrangères et des députés de l’opposition. Aucun d’entre eux ne parle en son nom», a déclaré Adams.

L’animateur de la radio a déclaré avoir reçu la semaine dernière une lettre de l’ancien politicien travailliste Bob Carr dans laquelle il déclarait que l’inculpation américaine contre Assange «s'arrête juste un cran avant la peine capitale» et «menace la liberté des médias de dénoncer les abus». Carr a écrit: «Par-dessus tout, pour les Australiens, il sert l’un de nos citoyens aux maures de l’affreux système judiciaire américain.»

Les déclarations de Carr sont une accusation accablante. À partir de 2012, il a été ministre des affaires étrangères au sein du gouvernement travailliste de Julia Gillard, qui a publiquement attaqué Assange et soutenu la campagne américaine contre WikiLeaks. Pendant son mandat, Carr a rejeté les avertissements selon lesquels Assange risquait l’extradition vers les États-Unis et a rejeté les demandes publiques au gouvernement travailliste qu’il défende le fondateur de WikiLeaks.

Les dernières déclarations de Carr ont le caractère d’une mise en garde au gouvernement australien selon laquelle il enflammera la colère populaire s’il ne prétend pas au moins aider Assange.

Dans un commentaire publié samedi dans le Daily Telegraph, Greg Barns, un conseiller australien d’Assange, a condamné la participation des médias dans les attaques contre lui.

Barns a rejeté les affirmations de Peter Greste et d’autres médias australiens selon lesquelles Assange ne serait pas «un journaliste». Barns a écrit: «C’est un journaliste qui est la cible de l’attaque la plus agressive contre la liberté des médias que nous ayons vue dans les temps modernes».

L’article de Barns s’intitule «Les médias australiens doivent accepter que Julian Assange soit l’un d’entre eux.». Barns déclare que la persécution d’Assange s’inscrit dans le cadre d’une répression plus large contre la liberté de la presse au niveau international. Il a fait référence aux descentes de la police fédérale australienne ce mois-ci contre Annika Smethurst, journaliste de News Corp, et contre l’Australian Broadcasting Corporation (ABC). L’opération de police concernait des articles qui exposent les plans d’espionnage du gouvernement et l’implication militaire australienne dans les crimes de guerre en Afghanistan.

Barns a conclu: «Le plaidoyer est le suivant. Assange, l'ABC et Annika Smethurst sont liés. Ils représentent une atteinte à la liberté d'expression et à des médias libres et intrépides. C'est ce qui est en jeu dans ces affaires et c'est pourquoi les Australiens devraient être profondément préoccupés par le sort de toutes ces affaires.»

L’atteinte croissante à la liberté de la presse et aux autres droits démocratiques souligne l’importance de l’appel lancé la semaine dernière par le Comité de rédaction international du WSWS pour qu’un Comité de défense mondial coordonne une campagne mondiale qui vise à empêcher l’extradition d’Assange aux États-Unis et à obtenir sa liberté et celle de Manning.

En Australie, le Parti de l’égalité socialiste fera avancer cette lutte cruciale en organisant des manifestations à Sydney, Melbourne et Brisbane, à partir de samedi. Les rassemblements exigeront que le gouvernement australien utilise ses pouvoirs diplomatiques et juridiques pour assurer le retour d’Assange en Australie, avec une garantie contre l’extradition vers les États-Unis.

(Article paru d’abord en anglais le 25 juin 2019)

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