Alors que le Sénat adoptait ce mardi le projet de loi santé 2022, la contestation du personnel hospitalier qui a débuté en mars dans les hôpitaux parisiens s’étend maintenant dans toute la France, à l’appel de l’intersyndicale dénonçant la détérioration du système de santé.
La ministre de la santé Agnès Buzyn et Macron opposent une fin de non recevoir totale aux revendications du personnel hospitalier et à la montée de la colère parmi les travailleurs. Macron avait refusé de faire des concessions face aux revendications des «gilets jaunes» qui exigeaient qu’il mette fin à sa politique d’austérité et de guerre. Il a réagi en lançant les CRS contre les «gilets jaunes», avec son lot d’arrestations de masse et de «gilets jaunes» mutilés.
Face à la demande d’une hausse des effectifs et des salaires, Buzyn a écarté lundi sur le plateau de la chaine d’information BFM-TV, "l'idée d'une nouvelle augmentation de salaire pour les soignants." Elle a carrément déclaré: "Mais quand la préoccupation est purement salariale alors que ça dysfonctionne, (...) sincèrement les problèmes ne vont pas se régler parce que je paye davantage."
Malgré les 400 millions d’investissement prévoyant la création de postes d'assistants médicaux et le financement des communautés professionnelles territoriales de santé. Pour enrayer la course aux volumes dans les hôpitaux, le projet santé 2022 prévoit de réaliser 3,8 milliards d’euros d’économies. Ceci inquiète le personnel hospitalier, qui craint une dégradation de leur condition de travail.
La contestation du personnel hospitalier a débuté en mars dans les hôpitaux parisiens pour s’étendre aujourd’hui dans toute la France. Le collectif Inter-Urgences a comptabilisé 95 services d'urgences en grève ce mardi. Des manifestations sont également prévues à Paris et en région.
Face à la colère montante dans les services hospitaliers, l’intersyndicale a appelé à une grève les hôpitaux pour protester contre le manque de moyens, comme au CHU de Bordeaux, ainsi que dans les CHU de Libourne, Agen-Nérac et Pau. L’ensemble du personnel hospitalier du centre d'Albi des services neuro/UNV et cardio/USIC, sont aussi en grève avec pour objectif de défendre «une meilleure qualité des soins et des conditions de travail acceptables. »
Le personnel de l’hôpital Lariboisière, dans le Xe arrondissement de Paris, s’est mis en arrêt maladie dans la nuit de lundi à mardi.
Terrifié par ce mouvement grandissant, le gouvernement Macron a fait appel aux dispositifs de l’État policier contre les hospitaliers, avec des réquisitions délivrées par la gendarmerie afin d'ôter autoritairement au personnel leur droit de grève et les forces à reprendre le travail. Aux urgences de Lons-le-Saunier, des soignants ont été réquisitionnés sur ordre du préfet. On généralise ainsi l'emploi des méthodes autoritaires utilisées contre les 'gilets jaunes' à tous les travailleurs en lutte.
Les reporters du WSWS ont pu rencontrer Fanny et Chloé, infirmières à l’hopital Saint Louis à Paris, qui ont dénoncé le «manque de lits et de personnel alors qu’il y a de plus en plus de personnes qui ont besoin de nous»: «Avant les gens arrivaient à l’hopital, nous avions des lits pour eux dans une pièce séparée.»
Chloé ajoute: «Depuis un an, un an et demi, ça a changé. Il n’y a plus de lits, ils sont occupés. Les gens dorment sur des brancards dans le couloir de l’urgence pendant toute la nuit.»
Fanny a fait remarquer qu’il y a trois ou quatre ans, il y avait un soignant pour 10 personnes, mais que maintenant c’est un pour 14. «Le problème, c’est l’argent, il y en a mais ce sont les politiques qui décident quoi faire et la population, nous n’avons aucun pouvoir pour décider. On ne se sent pas du tout écoutés. Notre travail n’est pas reconnu en fait, mais il est indispensable pour la population. Notre salaire n’a pas changé depuis 2010.»
Fanny a dit au WSWS qu’elles gagnent prêt de 1,700 euro par mois, mais en travaillant quelques jours fériés et week-ends. Elle fait le parallèle entre la dégradation des conditions de travail et de niveau de vie des personnels hospitaliers avec les autres fonctionnaires: «Ma sœur est enseignante, ils supprimé toujours des classes et il y a plus d'enfants dans les classes. C'est comme nous parce, qu'ils ferment les services.»
Le WSWS a parlé à Maryline présente sur Paris qui exerce le métier de médecin sur Nancy. Elle a affirmé que les milieux dirigeants «ne veulent pas investir dans les hôpitaux. ... Ils sont contents que les hôpitaux publiques se dégradent et qu’il y ait plus de cliniques privées, et que seulement ceux qui ont les moyens puissent aller dans les cliniques privées.»
Maryline explique qu’ «Il y a maintenant une crise dans le système des hôpitaux. Ils offres aux médecins 1,500 euros pour 24 heures de travail s’ils viennent à des régions ou il y en a besoin. Si quelqu’un ne vient pas au travail il y a un problème. Mais beaucoup d’employés ont des problèmes de santé, et dans certains services il y a des conditions de travail qui sont pénibles et les gens ne restent pas. Les infirmiers sont payés seulement 1,300 euros par mois, mais ils ont beaucoup de responsabilités. Il faudrait plus d'infirmiers et plus d'être-soignants. On n’arrive plus à soigner les gens comme ça. Quand les gens attendent, leur santé se dégrade.»
Comme l’explique Fanny, l’argent il y en a, cependant le gouvernement Macron et ses prédécesseurs détruisent tous les acquis sociaux, désorganisation le système d’éducation et de la santé afin de les rendre rentables. Pour la première fois depuis 18 ans la sécurité sociale est excédentaire ce qui s’explique par le quasi-gel des pensions de retraites et des allocations familiales en 2019 et 2020.
La politique arrêtée par le gouvernement Macron dans son «dialogue social» avec les appareils syndicaux est profondément réactionnaire. Ces coupes d’austérités dans la santé et les excédents dégagées servent à compenser les cadeaux fiscaux fait aux riches et à financer la modernisation de l’armée pour que la France et l’UE puissent mener des guerres néocoloniales.
La création d’un service publique de santé répondant aux besoins des masses nécessite une lutte plus large du personnel hospitalier qui se rassembleraient avec d’autres sections de travailleurs en lutte en France et à l’international. Pour cela, les travailleurs doivent créer leur propre organisation de lutte, indépendantes des appareils syndicaux, pour défendre leurs acquis sociaux mais aussi mener une lutte politique contre la guerre et l’État policier.