Trois bâtiments de quatre à cinq étages se sont effondrés sur Marseille rue d’Aubagne, dans le quartier ouvrier de Noailles lundi matin, faisant quatre morts. Des dizaines de personnes sont portées disparues, et on craint que le nombre de victimes ne monte rapidement.
Vers 9h du matin, les deux bâtiments du quartier de Noailles se sont effondrés blessant légèrement deux passants avant qu’un troisième immeuble s’effondre de lui-même à 75 pour cent, vers 17h15. L’un des immeubles, qui était un bâtiment municipal faisant l’objet d’un arrêté depuis «une dizaine de jours, suite à une difficulté sur une cloison au 1er étage», aurait dû être évacué. Dans le second bâtiment, neuf des douze logements étaient habités et devait y être installée «une micro crèche de dix berceaux», selon MarsActu.
Une personne est confirmée morte, mais une dizaine de personnes que les marins pompiers de Marseille tentent de secourir sont portées disparues. Selon l’adjoint au maire, Julien Ruas, les opérations vont se poursuivre sur plusieurs jours étant donné la quantité de gravats sur la voie publique qui ont ensevelies aussi des voitures.
Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner s’est dit «peu optimiste» sur la situation et a ajouté que «huit personnes sont susceptibles de se trouver dans les immeubles». Parmi les personnes portées disparues, une jeune femme qui n’est pas allée chercher sa fille à l’école et une «femme qui ne sortait jamais de chez elle» selon Renaud Muselier, président de la région PACA.
Un étudiant résidant dans l’immeuble en face de celui effondré a expliqué au Figaro: «Il y a eu un gros boum et ça s’est effondré. La semaine dernière les pompiers étaient venus et avaient bloqué la rue pendant deux heures à cause du risque d’effondrement mais ensuite il ne s’était rien passé du tout».
Le quartier de Noailles est le quartier le plus densément peuplé de Marseille. C’est un quartier habité par des travailleurs pauvres, majoritairement issus de l’immigration où les familles s’entassent les unes sur les autres. L’effondrement d’immeubles est le produit d’un crime social, les autorités publiques et les décideurs économiques ayant créé des conditions où les familles pauvres n’ont pas d’autre choix pour se loger que de vivre dans des logements insalubres, alors que les autorités sont conscientes du péril auxquels ces travailleurs sont exposés.
Les travailleurs morts ou blessés dans cette tragédie l’ont été parce qu’ils étaient pauvres. La municipalité a laissé pendant des décennies ces bâtiments se dégrader dans les quartiers populaires, alors qu’en même temps la mairie investissait des milliards dans le quartier de la Joliette pour en faire un centre d’affaires.
Dans une expertise établie en 2013, la société publique d’aménagement de la ville de Marseille rapportait que 48 pour cent des immeubles étaient indécents ou dégradés. 20 pour cent étaient en procédures d’insalubrité ou de péril. Seuls 11 pour cent se trouvaient dans un bon état structurel. Le manque d’investissement des autorités publiques dans les quartiers ouvriers contraste avec les milliards dépensés dans le réaménagement du quartier de la Joliette sur Marseille en centre d’affaire et de tourisme.
L’Etat est aussi responsable que la municipalité dans la dégradation du parc immobilier. Un autre rapport daté de 2015 par l’administration du développement durable pointait du doigt l’état et la mairie qui mettaient de la mauvaise volonté dans l’habitat insalubre à Marseille.
L’architecte urbaniste Eric Baudet parle du quartier de Noailles «d’une grande pauvreté» où «les locataires vivent de minimas sociaux, les propriétaires louent aux prix des APL et font le minimum de travaux, voire aucun. Et ça se dégrade lentement. La catastrophe de la rue d’Aubagne était prévisible».
L’effondrement des trois immeubles sur Marseille n’est pas un phénomène isolé. Au Royaume-Uni, des dizaines de travailleurs ont trouvé la mort dans l’effroyable incendie de la Tour Grenfell parce que le riche quartier Kensington de Londres où ils habitaient leur avait imposé un revêtement hautement inflammable afin de réduire les dépenses sociales. Comme à Marseille, les autorités publiques les laissaient vivre sans aucune sécurité, parfaitement conscients du danger imminent.
Plusieurs incendies dans des quartiers pauvres de la banlieue proche de Paris ces dernières années se sont déclarés en raison d’installations électriques anciennes dans des appartements vétustes où logeaient des familles de travailleurs pauvres.
L’effondrement des bâtiments sur Marseille s’est produit après que Macron a annoncé en début d’année 300 milliards d’euros pour le renforcement de l’armée afin de militariser l’UE, et la réduction des impôts pour les fortunes françaises. Cette politique de guerre et de destruction des acquis sociaux menées depuis des décennies s’accompagne d’un quadrillage par la police des quartiers populaires. L’État accorde à la police des pouvoirs illimités pour intimider et réprimer les travailleurs pouvant entrainer la mort, comme lors de la fusillade de police à Nantes.
La classe dirigeante, si elle refuse de financer des conditions de vie décentes pour les masses urbaines, déploie par contre des sommes faramineuses et un savoir faire considérable pour préparer à mener une guerre urbaine contre la population.
Peu après l’arrivée au pouvoir du gouvernement PS de François Hollande, Samia Ghali, députée PS du 15ème et 16ème arrondissements de Marseille avait appelé à l’envoi de l’armée dans les banlieues de Marseille. Elle déclarait au journal La Provence: «Aujourd’hui face aux engins de guerre utilisés par les réseaux, il n’y a que l’armée qui puisse intervenir. Pour désarmer les dealers d’abord. Et puis pour bloquer l’accès des quartiers aux clients, comme en temps de guerre avec des barrages. Même si cela doit durer un an ou deux, il faut tenir.»
Cette menace s’est réalisée lors de l’état d’urgence imposé deux ans plus tard par Hollande et à présent inscrit dans la législation française à travers la loi antiterroriste voulue par Emmanuel Macron.
En laissant vivre des millions de travailleurs dans des logements vétustes et en péril et dans la misère, les classes dirigeantes créent des conditions où des désastres sanglants comme celui lundi à Marseille se produisent inévitablement, en France et à travers le monde. Ainsi ces tragédies ne sont pas des accidents, mais bel et bien le produit d’un crime social commis contre les travailleurs.