Les médias et l’establishment politique passent à autre chose alors que les résidents de Houston retournent dans leur ville dévastée

Alors que les eaux de crue commencent à baisser le long de la côte du golfe du Mexique, des centaines de milliers de résidents déplacés reviennent chez eux et constatent la dévastation.

Environ 156.000 habitations ont été inondées et on estime qu’un million de voitures ont été détruites dans cette vaste ville où l’accès à un véhicule est une nécessité fondamentale. La municipalité de Beaumont (Texas), juste à l’est de Houston, n’a toujours pas d’eau potable presque une semaine après que les installations de traitement d’eau de la ville ont été mises hors service.

Des conditions ont été créées pour la prolifération de diverses crises de santé publique, allant des maladies transmises par les moustiques aux crues infestées de bactéries, en passant par la contamination des eaux par les usines chimiques, les raffineries de pétrole et autres sites contaminés. Les autorités ont dû procéder à un incendie contrôlé dimanche dans une usine de produits chimiques à Crosby, au Texas, où des incendies avaient éclaté après que les eaux de crue eurent mis hors service les génératrices des installations. L’immense traumatisme psychologique accompagnant l’ouragan produira vraisemblablement une crise de santé mentale dans la région, comme cela a été le cas à la Nouvelle-Orléans où la région a connu une épidémie de suicides au cours des mois qui ont suivi l’ouragan Katrina.

La dévastation le long de la côte du Golfe du Mexique pourrait se répéter dans quelques jours avec l’ouragan Irma faisant rage dans l’océan Atlantique et qui vient de passer à la catégorie 5. Selon les prévisions, Irma passera près de Porto Rico, Haïti et Cuba, avant de frapper les États-Unis près de Miami, la huitième plus grande région métropolitaine du pays.

Alors que le plein impact de l’ouragan Harvey ne fait que commencer à se faire sentir, l’establishment politique américain et les médias de la grande entreprise font tout pour mettre cette catastrophe derrière eux le plus rapidement possible. Au cours des deux derniers jours, leur attention s’est concentrée sur la Corée du Nord, sautant sur l’occasion d’un prétendu essai d’une bombe à hydrogène mené par le gouvernement nord-coréen pour lancer des menaces de guerre provocatrices et enterrer du même coup la catastrophe en cours au Texas.

Dès le début, les médias ont cherché à couvrir les causes sociales et politiques de la dévastation causée par l’ouragan, évitant toute discussion sur l’état de négligence de l’infrastructure dénoncée par les scientifiques depuis des années et sur la réaction incompétente et indifférente à la catastrophe des responsables gouvernementaux.

Le New York Times, qui donne le ton au reste des médias américains, a lancé une série d’articles minimisant l’impact de la tempête et ses implications de classe. Jeudi, le Times publiait un article intitulé «Storm With ‘No Boundaries’ Took Aim at Rich and Poor Alike» (Un ouragan «sans limites» qui frappe les riches comme les pauvres), rejetant explicitement toute comparaison avec l’ouragan Katrina de 2005, événement qui avait révélé l’immense division de classe régnant à la Nouvelle-Orléans illustrée par «le désespoir des pauvres bloqués au stade du Superdome et les quartiers dévastés, en grande partie noirs et à faible revenu, tel le Lower Ninth Ward, et parmi les plus susceptibles de subir des inondations catastrophiques et également les derniers à se rétablir».

Ce sont cependant les pauvres qui seront les plus dévastés par Harvey comme ce fut le cas avec Katrina, sans accès à l’assurance et incapables de se reconstruire avec l’aide insignifiante du gouvernement fédéral qui se présente principalement sous forme de prêts.

Le secteur de l’assurance ne devrait payer que de 10 à 25 milliards de dollars des réclamations résultant de la tempête, une partie insignifiante des dommages estimés à 180 milliards de dollars. La plupart des propriétaires ne recevront aucun paiement d’assurance pour les dommages causés par les inondations, car ils ne possèdent pas d’assurance contre les inondations, ce qui est facultatif en dehors des zones d’inondation désignées par le gouvernement fédéral. Le secteur de l’assurance est assis sur une somme variant entre 150 et 300 milliards de dollars de capital excédentaire, selon Barron, ce qui équivaut à entre 80 et 170 pour cent du coût total de la tempête.

Le gouvernement fédéral dégagera 7,8 milliards de dollars en financement de secours, sur la base de la proposition initiale de l’administration Trump. Mais même cette somme ne servira pas à financer de nouveaux programmes ou à étendre ceux qui existent. Elle sera principalement utilisée pour financer le Fonds de secours aux victimes de catastrophes de la Federal Emergency Management Administration (Administration fédérale de gestion des urgences), qui plafonne les paiements aux particuliers à 33.000 $ (la majorité des gens recevant dans les faits beaucoup moins).

L’autre principale source de financement «de secours» viendra sous la forme de prêts de la Small Business Administration (Administration des petites entreprises), dirigée par l’ancienne directrice de lutte professionnelle Linda McMahon. Toute personne demandant des fonds à la SBA doit prouver qu’elle sera en mesure de rembourser ses emprunts avant que sa demande ne soit acceptée, la majorité des demandes étant rejetées, selon Politico.

Le Times reconnaît qu’il existe d'«énormes différences entre les options ouvertes aux pauvres et aux mieux-nantis», avant d’insister sur son point de base : «Ce qui est clair, c’est que la dévastation relie des gens de moyens disparates en une expérience commune: des pertes.»

L’autre thème important dans la couverture médiatique est que la vie revient rapidement à la normale à Houston. Dimanche, le Times publiait un article intitulé «21 Miles of Highway, Snapshots of a Resilient Houston» (21 milles d’autoroute; vues d’un Houston qui résiste), soutenant que Houston «peut souvent être un lieu de cœur et de vaillance remarquable, une ville construite sur une terre inhospitalière qui s’attend à se reconstruire après les ravages de l’ouragan.» Un autre article du Times proclame: «Hurricane to Cost Tens of Billions, but a Quick Recovery is Expected» (L’ouragan coûtera des dizaines de milliards, mais on s’attend à une récupération rapide).

La présentation d’une reprise rapide et complète vise à obscurcir l’ampleur de la destruction, à couvrir le caractère insignifiant de la réponse du gouvernement et à préparer le terrain pour que les entreprises reprennent leurs opérations rentables et profitent même de l’opportunité.

Le maire de Houston, Sylvester Turner, un démocrate, a proclamé dimanche que «la ville de Houston est ouverte aux affaires». Il a poursuivi en disant : «Écoutez, les gens se sentent bien. Même dans ce refuge où nous sommes en ce moment... Nous n’allons pas commencer à pleurnicher». Turner reprend ici la déclaration délirante et insensée de Trump qui, la veille dans un refuge de Houston, a dit : «Même si cela a été très dur, [la réaction] a été fantastique… les gens apprécient ce qui a été fait». Tant les commentaires de Trump que de Turner n’ont suscité la moindre contre-réaction significative dans la presse.

Tel que le reflète la réaction des médias, la classe dirigeante serre les rangs en réaction à Harvey, non pas pour venir en aide aux habitants de Houston, mais pour dissimuler leurs actions.

Nancy Pelosi et Chuck Schumer, qui sont les démocrates les plus en vue respectivement à la Chambre des représentants et au Sénat, ont publié une déclaration commune indiquant leur volonté de travailler avec l’administration Trump et sa politique intérieure, qui comprend une réduction massive de l’impôt sur les sociétés. Leur communiqué déclare: «La fourniture de l’aide dans le sillage de Harvey et l’augmentation du plafond de la dette sont des questions importantes, et les démocrates veulent travailler pour concrétiser une solution à ces deux enjeux... Compte tenu de l’interaction entre tous les problèmes auxquels le Congrès doit s’attaquer en septembre, les démocrates et les républicains doivent discuter de tous les problèmes ensemble afin de trouver un consensus bipartite.»

La réaction des médias et de l’establishment politique suit ce qui est maintenant un scénario bien usé et radoté après chaque catastrophe majeure, que ce soit un ouragan, une inondation, une tornade ou un incendie de forêt. Pendant les événements, ils évitent tout examen sérieux des conditions sociales et politiques qui l’ont préparée. Une fois que les eaux baissent, que les incendies s’éteignent ou que les vents se calment, les médias travaillent le plus rapidement possible pour détourner l’attention populaire des problèmes de classe soulevés par la catastrophe vers des sujets en accord avec les intérêts stratégiques fondamentaux de la classe dirigeante américaine.

(Article paru en anglais le 5 septembre 2017)

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