Le projet du budget publié par l'administration Trump jeudi dernier représente un projet de contre-révolution sociale. Il propose une augmentation massive des dépenses pour les opérations militaires et la répression au pays, sabre les programmes sociaux jusqu'à 30 pour cent et élimine carrément des dizaines d'agences et de programmes.
Le document se penche seulement sur les dépenses discrétionnaires, des fonds qui doivent être mis à la disposition du Congrès tous les ans, qui représentent à peu près un quart des 4000 milliards que le gouvernement des États-Unis dépensera dans l'année financière qui commence le 1er octobre.
Le budget ne détermine pas à quoi serviront les 3000 milliards restants pour les dépenses fédérales, ce qui inclue les prestations de programmes tels que la sécurité sociale, Medicare et Medicaid, les bons alimentaires, ainsi que d'autres dépenses requises par la loi, comme l'intérêt sur la dette nationale.
La croissance des dépenses militaires est bien plus importante que ce qui avait été proposé dans une déclaration de la Maison-Blanche le mois dernier, qui montrait que le budget du Pentagone devait augmenter à 603 milliards $ dans l'année financière 2018. Suite aux critiques de faucons du Congrès comme le sénateur John McCain, et des pressions des officiers de l'armée, le budget du Pentagone augmentera à 639 milliards $.
Au lieu de la division 50-50 entre les dépenses intérieures et militaires dans la portion discrétionnaire du budget, comme ce fut le cas sous l'administration Obama, la part du militaire augmentera presque de deux tiers du total, surtout si le financement de l'Administration des vétérans, le département de la Sécurité intérieure, et la partie du budget du département de l'Énergie correspondant aux armes nucléaires sont inclus.
Le budget propose aussi 2,6 milliards $ pour financer la construction d'un mur le long de la frontière sud-ouest des États-Unis – ce qui ne représente qu'une fraction des coûts estimés à 25 milliards $ pour ce projet fou et inhumain.
Le budget Trump propose l'élimination directe de 19 agences gouvernementales, dont la plupart étaient depuis longtemps visées par les idéologues de l'extrême droite et les chrétiens fondamentalistes. Celles-ci incluent le National Endowmnent for the Arts (Fonds national pour les arts); le National Endowment for the Humanities (Fonds national pour les lettres); la Legal Services Corporation, qui fournit des services juridiques aux personnes pauvres; et la Corporation for Public Broadcasting; AmeriCorps; et le Chemical Safety Board, qui enquête sur les désastres industriels dans la production et le transport des produits chimiques, incluant les catastrophes pétrolières comme celle de 2010 dans le golfe du Mexique. Détruire toutes ces agences n'épargnerait que 3 milliards $, soit moins que les coûts de l'aide militaire que les États-Unis fournissent à Israël.
Ce budget fait la promotion de la mort et détruit la vie. Il verse des milliards dans la machine à tuer du Pentagone, au sacrifice de programmes qui offrent la nourriture, le logement, le chauffage, la santé et d'autres services vitaux pour la population des États-Unis.
La coupure la plus importante est une réduction de 5,8 milliards $ dans le budget pour les Instituts nationaux de la santé, qui financent un nombre important de recherches biomédicales de dizaines de milliers de scientifiques de la santé. La plus grande coupure en pourcentage, 31 pour cent, est celle qui touche l'Agence pour la protection de l'environnement (EPA), où 3200 emplois et 50 programmes seraient éliminés, incluant toutes les opérations de nettoyage dans les Grands Lacs, Chesapeake Bay, Puget Sound et la baie de San Francisco. La moitié du budget de l'EPA pour la recherche et le développement est éliminé.
Le directeur du budget Mick Mulvaney a déclaré avec arrogance, «On ne peut pas assécher le marais et y laisser tout le monde. Alors, j'imagine que le premier candidat qui vient à l'esprit est l'Agence de la protection de l'environnement», ajoutant que «Le président veut une plus petite EPA. Il pense qu'ils abusent, et c'est ce que le budget reflète.»
Ce sont les pauvres des milieux urbains et ruraux qui subiront la majorité des conséquences des coupes de budget. Trump propose d'abolir le Low-Income Home Energy Assistance Program (Programme de subventions pour l'énergie des foyers à faible revenu), qui offre des allocations de 3 milliards $ par an pour chauffer les maisons en hiver; le programme du Community Development Block Grant, qui dépense 3 milliards $ dans le développement communautaire, le logement social et l'aide aux sans-abri; la Commission régionale des Appalaches, qui encourage le développement et l'infrastructure communautaires dans cette région; et la Delta Regional Authority, qui fait la même chose dans la région à majorité noire du delta de l'État du Mississippi.
Bien que Trump ait obtenu un avantage écrasant dans le vote populaire de nombreuses régions rurales appauvries, son budget élimine une grande partie des dépenses fédérales dans ces régions. Il éliminerait le service de train longue distance Amtrak et l'Essential Air Service, qui finance les vols vers de petits aéroports ruraux, et couperait 500 millions $ dans le financement du département de l'Agriculture pour la conservation, le traitement des déchets et les aqueducs de l'Amérique rurale.
D'autres coupes importantes incluent les 2,5 milliards $ éliminés du budget du département du Travail pour les programmes de formation pour les personnes âgées et les jeunes défavorisés, alors que le financement serait augmenté pour le programme Reemployment and Eligibility Assessment, qui vérifie les demandes de chômage et l'admissibilité des demandeurs, harcelant les travailleurs sans emploi et empochant un profit pour le ministère.
Quelque 10,1 milliards $ sont coupés du département d'État et de l'Agence pour le développement international, principalement en éliminant toutes dépenses sur les initiatives concernant les changements climatiques mondiaux, réduisant fortement l'aide aux réfugiés et d'autres aides étrangères, et réduisant les contributions des États-Unis aux Nations Unies. Le Fonds d'aide d'urgence aux réfugiés et pour les migrations serait entièrement éliminé.
Le budget propose également des privatisations importantes, transférant «le contrôle du trafic aérien» de l'administration fédérale de l'aviation vers une organisation non gouvernementale non spécifiée qui serait dans les faits dirigée par les compagnies aériennes.
Le département de l'Éducation subirait plus de 9 milliards $ en réductions, incluant «l'annulation» de 3,9 milliards $ du fonds Pell Grant, éliminant 2,4 milliards $ de subventions aux États pour la formation d'enseignants et 1,2 milliard $ pour des programmes parascolaires. La Subvention fédérale pour les programmes d'éducation supplémentaires (Federal Supplemental Educational Opportunity Grant) serait éliminée.
Le département obtiendra la seule augmentation importante en dépenses sociales sous le budget Trump, mais dans un but entièrement réactionnaire: 1,4 milliard $ en nouvelles dépenses pour les écoles à charte, un programme privilégié d'écoles privées, et de subventions aux commissions scolaires qui font la promotion de programmes d'octroi de coupons que les familles pourraient utiliser pour payer l'éducation dans des écoles privées, religieuses, à charte et même en ligne.
Un aspect particulièrement toxique du budget est son attaque systématique contre la science, ce que le Washington Post a décrit comme «une perturbation séismique dans la recherche médicale et scientifique financée par le gouvernement». Avec les coupes de 6 milliards $ du NIH, la Fondation nationale des sciences est listée dans la catégorie des «autres agences» qui subiront des coupes généralisées de 9,8 pour cent. Agence après agence, les subventions pour la recherche sont visées par des coupes à plus au pourcentage, surtout si la recherche est liée de façon quelconque à la science de l'environnement ou l'étude des changements climatiques.
La NASA n'est touchée que par une coupe importante: elle doit annuler plusieurs envois de satellites qui étaient destinés à l'étude de la planète que nous habitons, parce qu'ils pourraient découvrir des faits désagréables concernant le réchauffement climatique et d'autres changements climatiques. Le document du budget ne déguise pas le but de ce virage, déclarant que l'administration veut que l'agence se concentre sur «l'exploration spatiale plutôt que la recherche terrestre.»
Le budget discrétionnaire publié jeudi et le budget total incluant les prestations ne seront pas annoncés dans le document proposé par la Maison-Blanche. Ceci est une étape initiale dans un processus sordide d'accords secrets durant lequel les républicains et démocrates du Congrès auront leur mot à dire, particulièrement au Sénat, où au moins 8 démocrates doivent voter avec les républicains pour atteindre les 60 votes requis pour l'adoption.
Bien que la réaction du Parti démocrate à la plupart des coupes proposées ait été hostile, ce théâtre, tout comme le document de la Maison-Blanche, représente une première proposition. Il y a un appui considérable de la part des démocrates pour un grand nombre des coupes proposées, particulièrement au niveau des réglementations environnementales, ainsi que dans la promotion des écoles à charte et privées.
Et surtout, sous Obama, les démocrates avaient offert d'imposer des coupes importantes dans la sécurité sociale à travers des mesures comme la modification du calcul du coût de la vie, et ont appliqué des coupes sévères aux remboursements de Medicare sous Obamacare. De telles mesures seront certainement proposées quand les négociations du budget se tourneront vers les programmes de prestations.
(Article paru en anglais le 17 mars 2017)