Hier, la Grande-Bretagne a accueilli le Haut Comité de négociation de (HNC), qui représente plus de 30 forces politiques et militaires syriennes qui cherchent le renversement du président Bachar al-Assad.
Le secrétaire britannique des Affaires étrangères Boris Johnson a saisi l’occasion pour exhorter la Russie à cesser de soutenir le gouvernement et s’engager dans une prétendue « transition démocratique ». Cependant, cela ne fait que souligner le rôle de plus en plus important que le Royaume-Uni joue dans l’opération de changement de régime menée par les États-Unis, y compris un rôle militaire secret et illégal sur le terrain dans le but de morceler la Syrie en des enclaves ethno-religieuses.
Des photos publiées par la BBC en août ont montré une unité du Special Air Service (SAS) britannique opérant en Syrie près d’une base militaire appartenant aux « forces rebelles » près de la frontière entre la Syrie et l’Irak. Les images ont confirmé un précédent rapport de la BBC en mars 2015 sur les opérations des Forces spéciales britanniques sur la ligne de front, au mépris du vote de la Chambre des communes en 2013 contre l’intervention militaire en Syrie, que l’ancien Premier ministre David Cameron a promis d’honorer. En décembre dernier, le Parlement a voté en faveur d’une campagne aérienne contre l’État islamique (ÉI) en Syrie, mais pas pour l’utilisation de troupes au sol et les Forces spéciales.
Le déploiement secret du SAS fait partie de la campagne de mensonges, de tromperie et de désinformation du gouvernement tout au long des cinq ans de la guerre civile où sont morts plus de 400 000 personnes et près de la moitié de la population syrienne a été déplacée.
La guerre pour renverser le régime Assad vise à saper l’influence régionale de ses alliés, l’Iran et la Russie.
Le Guardian a produit récemment une nouvelle preuve du mépris par Cameron de la volonté officiellement déclarée par le Parlement, et de l’électorat. Selon les documents contractuels révélés, datés de novembre 2014, peu après le vote de 2013, le gouvernement a commencé secrètement à financer un bureau de presse pour les intermédiaires des Américains et des Britanniques en Syrie, dans le cadre de la « guerre de propagande contre l’ÉI » de Cameron.
Le Ministère des affaires étrangères, en collaboration avec le ministère de la Défense, a embauché des sous-traitants pour plusieurs millions pour produire des films, des vidéos, des rapports militaires, des émissions de radio et des messages sur les médias sociaux en arabe en utilisant les logos des milices pour « fournir un soutien à l’Opposition armée syrienne modérée » par « des communications et des opérations dans les médias stratégiques ». Opérant depuis Istanbul, ils utilisaient apparemment une organisation de façade, une organisation de type humanitaire appelée le Conflict and Stability Fund.
Cela faisait partie d’une offensive de propagande plus large axée sur la Syrie, visant à promouvoir « les valeurs modérées de la révolution », à démontrer l’efficacité de l’Opposition armée syrienne modérée (MAO) et à créer un climat d’opinion publique qui rejette à la fois le régime d’Assad et l’ÉI. Le Guardian, citait une source britannique bien informée sur ces contrats qui affirmait que le gouvernement organisait ce qui revenait un « bureau de presse de l’Armée syrienne libre ».
Le gouvernement britannique suivait de près leur travail et rien ne se faisait sans le feu vert du Ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Défense.
Ces démarches, selon la source du Guardian, sont en partie une tentative de réparer le refus de la Grande-Bretagne en 2013 de soutenir une intervention militaire en Syrie, ce qui avait provoqué la colère de Washington. Les films et la propagande ont envoyé un message au ministère américain des affaires étrangères et à ses alliés dans la région selon lequel Londres armait l’Armée libre syrienne, et les groupes dits « modérés », et « Cela c’est de bonne relations publiques à rapporter au Pentagone ».
Le caractère des soi-disant modérés que la Grande-Bretagne soutenait, a émergé en juin 2015, au cours du procès à Londres d’un suédois, Bherlin Gildo, qui fut accusé de terrorisme en Syrie. Le parquet a été contraint d’abandonner les poursuites après qu’il s’est avéré que le renseignement britannique avait fourni en armes les mêmes groupes rebelles que l’inculpé se voyait reprocher d’avoir soutenus. La défense a fait valoir que le procès était un « affront à la justice », étant donné qu’il y avait beaucoup de preuves que l’État britannique fournissait « un large soutien » à l’opposition syrienne armée. L’avocat a cité l’exemple de la coopération de MI6 (service secret britannique) avec la CIA pour faciliter une « filière occulte » de transferts d’armes en provenance de la Libye aux rebelles syriens en 2012, suite au renversement du régime par l’OTAN et à l’assassinat brutal de son leader, Mouammar Kadhafi.
Le gouvernement de toute évidence considérait l’engagement de promouvoir l’Armée syrienne libre comme une solution provisoire jusqu’à ce que les forces militaires britanniques puissent participer ouvertement, car il offrait « la capacité de réoccuper l’espace stratégique au moment où l’occasion se présentera » [notre italique].
Ce fut un aveu flagrant que les forces britanniques avaient opéré en Syrie bien avant que le gouvernement n’ait perdu le vote de 2013.
En 2012, le site web israélien DEBKAfile, qui a des liens étroits avec le renseignement militaire d’Israël, a suggéré que les commandos du SAS menaient des opérations secrètes en Syrie aux côtés des insurgés. La Grande-Bretagne fournissait également des renseignements depuis ses bases de Chypre sur les actions du régime syrien à la Turquie qui les transmettaient à l’armée syrienne libre, un fait que le ministère de la Défense ne confirma qu’en octobre 2014.
En juin 2012, il a été largement rapporté que la perspective de voir des forces spéciales britanniques entrer sur le sol syrien ou opérer à la frontière turque près d’Alep, s’amplifiait. En 2014, une équipe de l’émission Newsnight de la BBC a rapporté que l’armée britannique avait élaboré des plans en 2012 pour entraîner 100 000 membres des forces rebelles syriennes. Ils furent rejetés comme étant trop risqués après des discussions en Grande-Bretagne et aux États-Unis.
Cependant, le seul « soutien » que le gouvernement rendit public en 2012 concernait la fourniture d’équipements « non-létaux » aux milices islamistes en Syrie, y compris des véhicules, des camions et des VSAT (systèmes de petits satellites pour les communications de données) et l’entraînement des forces de l’opposition syrienne. Quelques mois plus tard, le Daily Telegraph a rapporté que des « conseillers » militaires britanniques opéraient aux frontières de la Syrie, alors que la presse croate a indiqué que la Grande-Bretagne avait participé à un pont aérien américain majeur d’armes lourdes destinées aux rebelles syriens en passant par Zagreb depuis novembre 2012, au mépris d’un embargo de l’Union européenne sur l’envoi d’armes à la Syrie.
Une autre preuve indirecte du rôle de la Grande-Bretagne est fournie par un rapport fortement expurgé de l’Agence de renseignement de la Défense (DIA) américaine d’août 2012, publié par l’organisme de surveillance de droite Judicial Watch. Ce rapport fait remarquer que les États-Unis et leurs alliés soutenaient l’insurrection armée en Syrie en sachant que cette dernière était dominée par les salafistes, les Frères musulmans et al-Qaïda en Irak. Les États-Unis savaient que ces forces voulaient établir un État salafiste dans l’est de la Syrie, et ceci était « exactement ce que les puissances qui soutiennent l’opposition veulent, afin d’isoler le régime syrien ».
Compte tenu des relations étroites de Londres avec Washington, il est inconcevable que la Grande-Bretagne n’ait pas été « l’une des puissances de soutien," derrière les islamistes depuis les premiers jours de la guerre civile syrienne, et la tentative de diviser le pays. Les Saoudiens furent grandement signalés comme fournisseur d’armes à ces forces et la Grande-Bretagne, l’un des principaux fournisseurs d’armes de Riyad, a donc été directement impliquée.
En septembre 2014, Cameron a dit que des frappes aériennes contre l’ÉI pouvaient se justifier, mais il a reconnu que cela nécessiterait l’approbation du Parlement. Néanmoins, en juillet 2015, il apparut que les forces britanniques prenaient part à des frappes aériennes en Syrie, aux côtés des forces américaines et canadiennes, sans cette approbation.
Les mensonges et les subterfuges suivent inexorablement l’engagement du gouvernement à des guerres d’agression, qui n’ont pas de mandat populaire, pour appuyer les intérêts commerciaux prédateurs de l’élite financière dans une région riche en pétrole. Cela souligne l’importance politique du refus du leader travailliste Jeremy Corbyn d’insister pour que les députés travaillistes votent en respectant la ligne politique du Labour qui s’opposait à l’intervention en Syrie, leur permettant ainsi de voter librement avec le gouvernement en faveur d’une intervention en Syrie le 2 décembre de l’année dernière.
Donner libre cours aux travaillistes bellicistes, y compris en permettant au shadow minister des Affaires étrangères d’alors Hilary Benn à clôturer le débat pour le Labour au parlement avec un discours applaudi par les conservateurs, s’est soldé par un vote de 66 députés travaillistes en faveur du gouvernement. En démobilisant délibérément l’opposition substantielle à l’aile droite parmi les adhérents de base du Labour, les actions de Corbyn ont à la fois donné aux conservateurs une couverture cruciale pour faire avancer leurs plans de guerre et préparé le terrain pour les efforts actuels des blairistes pour l’écarter de la direction du parti et purger ses partisans du parti.
(Article paru en anglais le 8 septembre 2016)