Les pourparlers entre Obama et Poutine échouent, la guerre syrienne menace de dégénérer

Une réunion de 90 minutes lundi entre le président américain Barack Obama et son homologue russe Vladimir Poutine en marge du sommet du G20 à Hangzhou, en Chine, n’a produit aucun résultat sur un accord entre les deux pays au sujet de la guerre civile en Syrie.

Des rapports sur la réunion ont parlé de l’atmosphère tendue entre les deux dirigeants. Pour sa part, Obama a cherché d’une façon absurde à afficher une pose de profonde préoccupation au sujet de la situation humanitaire en Syrie et a blâmé Moscou et ses alliés dans le gouvernement d’Assad à Damas pour la poursuite des violences.

L’échec de la trêve précédente avait permis à Assad de bombarder les groupes « rebelles » d’opposition « en toute impunité », a entonné Obama, ce qui aurait rée une « dynamique très dangereuse ».

Hier, les médias occidentaux ont alimenté ce récit en rapportant largement comme des faits des allégations non confirmées selon lesquelles le gouvernement Assad a lancé une attaque au gaz de chlore à Alep. Les affirmations étaient fondées sur une vidéo mise en ligne par la Défense civile syrienne, une équipe de sauvetage qui opère dans les zones contrôlées par les opposants au gouvernement. Il est allégué que quatre bombes baril contenant des gaz toxiques ont été larguées, blessant 80 personnes.

Par le passé, les États-Unis ont à plusieurs reprises sauté sur ce genre d’allégations afin de préparer le terrain pour une intervention militaire directe. À chaque fois, les affirmations se sont révélées fausses, dont la plus connue en 2013 quand Obama a reculé au dernier moment avant une véritable guerre contre le régime Assad.

Les allégations sont survenues dans le sillage d’avancées militaires importantes du gouvernement au détriment des forces de l’opposition autour d’Alep. Indiquant la possibilité d’une escalade rapide du conflit, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, dont le gouvernement dirige actuellement une invasion dans le nord de la Syrie pour chasser les militants kurdes et les forces de l’État islamique de la frontière turco-syrienne, a réagi à ces combats en suggérant que les troupes turques pourraient dégager un couloir humanitaire à Alep. Il a réitéré son appel à une « zone de sécurité » entre les villes de Jarabulus et Azaz, une démarche qui créerait une justification pour le déploiement en Syrie des troupes de l’OTAN, y compris celles des puissances impérialistes européennes.

Selon un reportage de Reuters, les responsables turcs font appel à un soutien international pour établir leur contrôle sur une zone de 40 kilomètres à l’intérieur de la Syrie afin de séparer deux zones contrôlées par les Kurdes à l’est et à l’ouest. Un responsable turc anonyme a commenté que seules les premières étapes de ce plan avaient été accomplies, avant d’ajouter sur un ton menaçant, « Maintenant, ce qui se fera dépendra de la coordination avec les puissances de la coalition et du soutien qu’elles fourniront ».

La tentative d’Obama et des médias capitalistes américains de dissimuler les machinations américaines en Syrie par la propagande sur les droits de l’Homme ne devrait tromper personne. Washington a fait la guerre pratiquement sans interruption au cours du dernier quart de siècle à travers le Moyen-Orient, dévastant des sociétés entières, y causant la mort de millions de personnes. Les appels à l’aide humanitaire et à des zones de sécurité sont des prétextes transparents pour légitimer une vaste intensification de l’intervention impérialiste en Syrie.

Même au cours des deux dernières semaines, depuis que le secrétaire d’État John Kerry rencontra le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov à Genève pour discuter de la Syrie, ce sont bien les États-Unis et leurs alliés turcs qui ont provoqué l’escalade la plus significative de la violence avec une invasion en règle du nord du pays. Les troupes turques et leurs alliés islamistes sunnites n’ont pas caché le fait qu’ils avaient l’intention de cibler les forces kurdes et de les pousser à l’Est de l’Euphrate. Les États-Unis soutiennent ces mêmes forces kurdes avec armes, finances et entraînement pour qu’elles leur servent d’intermédiaires dans la campagne de Washington contre l’État islamique.

L’armée turque a annoncé ses premiers décès hier, lorsque deux soldats ont été tués dans une attaque à la roquette par les forces de l’ÉI. Dimanche, les troupes turques auraient chassé les combattants de l’ÉI de leur dernier bastion à la frontière turque.

Malgré le soutien de Washington pour cette intervention d’Ankara avec la puissance aérienne et des « conseillers » militaires sur le terrain sans limites claires, Obama a persisté après sa rencontre avec Poutine à présenter la Russie comme l’agresseur.

« Nous avons eu des conversations productives sur ce que serait une véritable cessation des violences pour nous permettre tous les deux de concentrer nos énergies sur des ennemis communs », a déclaré Obama devant une conférence de presse. « Mais étant donné les lacunes de confiance qui existent, cela présente une négociation difficile. On n’a pas encore réduit l’écart ».

Un responsable anonyme de la Maison Blanche a dit plus tard au Washington Post qu’Obama n’était pas disposé à conclure un accord avec Poutine qui ne garantirait pas les « objectifs à long terme » des États-Unis en Syrie.

Les références aux « objectifs à long terme » de Washington en Syrie sont le nom de code de la mise en œuvre d’une opération de changement de régime à Damas planifiée de longue date qui remplacerait le gouvernement d’Assad par un régime fantoche pro-occidental. C’est le but de l’impérialisme américain depuis qu’il a commencé à fomenter la guerre civile syrienne il y a cinq ans par le financement et l’armement des forces extrémistes islamistes, y compris les groupes ayant des liens avec Al Qaïda. Son intervention en Syrie fait partie d’une politique régionale plus large ayant pour but d’assurer la domination américaine sur cette région, principale productrice de pétrole au monde, et d’établir une position incontestable sur la masse continentale eurasienne en affaiblissant ses rivaux géostratégiques, surtout la Russie et la Chine.

Cette réalité a été résumée dans un commentaire publié hier par Anthony Cordesman, un stratège chevronné de l’impérialisme américain sur le site web du Centre d’études stratégiques et internationales. Cordesman a fustigé la stratégie du gouvernement Obama de vouloir trouver un accord avec la Russie, écrivant, « La Russie a progressivement utilisé son intervention militaire afin de promouvoir ses propres intérêts en Syrie et au Moyen-Orient, d’attaquer les rebelles arabes, et de soutenir le régime Assad. La Russie a également établi de nouveaux liens avec l’Iran, a expédié des missiles sol-air de pointe S300 à l’Iran, et a réussi à tendre la main à l’Arabie Saoudite en dépit de cela – discutant ensemble sérieusement des limitations convenues de leur production et exportations pétrolières ».

Cordesman a poursuivi en déclarant que l’État islamique n’était pas le principal problème en Syrie ou en Irak. Après avoir décrit la partition ethnique du pays et les conflits que cela a produit, comme si les États-Unis étaient un spectateur passif, il a fait remarquer dans un passage révélateur que le gouvernement Obama « n’a jamais apprécié le fait que le vrai combat pour la Syrie se déroule là où l’État islamique ne se trouve pas ».

Le commentaire de Cordesman reflète la préoccupation croissante dans les cercles dirigeants sur l’absence d’une stratégie américaine dans la région. D’importantes sections de l’establishment politique, y compris les principaux républicains, se sont ralliées à la candidate présidentielle Hillary Clinton parce qu’elle a promis d’intensifier l’agression militaire américaine à l’étranger après l’élection de novembre.

Cependant, les ouvertures d’Obama envers la Russie pour trouver un accord sur la Syrie ne sont nullement un signe de tensions décroissantes et une retraite des États-Unis. L’impulsion immédiate pour un nouveau cessez-le-feu, ce sont les avancées qui ont été faites par les troupes gouvernementales autour de la ville d’Alep. Alors que les « rebelles » soutenus par les États-Unis avaient fait des gains importants au début d’août, les forces d’Assad ont repoussé les islamistes avec l’aide de l’appui aérien russe. Une route d’approvisionnement au nord d’Alep a été coupée par des soldats du gouvernement et les troupes d’Assad ont également percé un corridor contrôlé par les rebelles au sud de la ville.

L’intervention turque soutenue par les États-Unis dans le nord de la Syrie, qui met des troupes de pays de l’OTAN à proximité de forces russes, a accru le potentiel d’un affrontement entre les alliés de l’OTAN et Moscou qui pourrait rapidement dégénérer en une guerre plus large. Même s’ils parviennent à un accord, cela ne mettra pas fin à la poursuite par la Russie et les États-Unis de stratégies opposées en Syrie qui posent un risque de plus en plus important de conflit militaire direct entre deux puissances possédant des armes nucléaires.

Cela est rendu d’autant plus probable étant données les profondes contradictions dans la politique de Washington en Syrie. Washington a accordé son plein soutien à l’incursion turque, qui vise explicitement à créer une zone libre du contrôle kurde dans le nord de la Syrie pour empêcher l’émergence d’un espace unifié kurde, tout en continuant en même temps à soutenir les Unités de protection populaires kurdes (YPG) – les forces qui subissent actuellement les bombardements turcs.

Obama a également eu une rencontre bilatérale avec Erdogan au G20. Obama a cherché à faire abstraction des divisions en rassurant Erdogan que Washington soutiendrait les efforts d’Ankara pour traduire en justice ceux qui étaient responsables du coup d’État manqué du 15 juillet contre Erdogan, bien que ce soit un fait avéré que les États-Unis l’ont tout au moins tacitement appuyé.

(Article paru en anglais le 7 septembre 2016)

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