Perspective

Obama et la guerre secrète des États-Unis au Laos

Barack Obama est arrivé lundi soir dans la capitale laotienne de Vientiane, devenant le premier président des États-Unis à revenir à la scène de l’un des plus sanglants crimes de l’impérialisme américain, alors même que son administration prépare de nouvelles guerres sur une échelle beaucoup plus grande.

Obama participera au Sommet Asie de l’Est, où la montée des tensions avec la Chine sur la mer de Chine méridionale domineront les débats à la suite d’une décision de la Cour permanente d’arbitrage en faveur des revendications territoriales des Philippines soutenues par les États-Unis disputant celles de la Chine.

Dans une interview préenregistrée avec CNN diffusée dimanche, Obama a signalé son intention de délivrer un message très clair au président chinois Xi Jinping l’incitant à respecter la décision du tribunal. « Quand nous les voyons violer les règles et les normes internationales, comme nous l’avons vu dans certains cas, en mer de Chine méridionale ou dans certains de leurs comportements en matière de politique économique, nous avons été très fermes », disait-il, en avertissant : « Et nous leur avons indiqué qu’il y aura des conséquences ».

Quelle hypocrisie totale ! Comme toute autre règle et norme internationale, les États-Unis insistent sur le fait que les autres doivent respecter les décisions en vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) qu’ils n’ont même pas ratifié. Au cours de ses deux mandats, Obama a transformé les conflits régionaux anciens en mer de Chine méridionale en un point chaud international dangereux qui menace de déclencher une guerre.

Obama déclare régulièrement que la Chine doit respecter l’« ordre international fondé sur des règles » – c’est-à-dire, l’ordre établi à la suite de la Deuxième Guerre mondiale, qui avait proclamé l’hégémonie mondiale américaine et le pouvoir de Washington d’écrire les règles pour les autres. Il se vante également que c’était la puissance militaire américaine dans la région Asie-Pacifique qui a assuré la « paix » et a souscrit à l’expansion économique massive de la région au cours des 40 dernières années.

La domination américaine en Asie, cependant, n’a été établie qu’à la suite d’une série de guerres néocoloniales et criminelles, en particulier en Corée et en Indochine, qui a coûté la vie à des millions, ainsi que d’innombrables intrigues diplomatiques et coups d’État soutenus par la CIA. Le coup d’État le plus sanglant, en Indonésie en 1965-66, a impliqué le meurtre d’au moins un demi-million de travailleurs, des paysans et des membres du Parti communiste indonésien (PKI).

La guerre secrète de la CIA au Laos se classe parmi les pires crimes de guerre de l’impérialisme américain. Entre 1964 et 1973, les États-Unis ont effectué 580 000 missions et ont fait tomber plus de deux millions de bombes sur un pays plus petit que la Nouvelle-Zélande. Cela équivaut à un avion plein de bombes toutes les huit minutes, 24 heures par jour, soit environ une tonne d’explosifs pour chaque homme, femme et enfant au Laos à l’époque. Le Laos reste le pays le plus bombardé par habitant dans l’histoire.

Les États-Unis ont pris le relais des Français afin de tenter de réprimer le mouvement anticolonialiste dans toute l’Indochine – le Vietnam et le Cambodge, ainsi que le Laos – qui ont été dominés par les partis staliniens et soutenus par l’Union soviétique et la Chine. La CIA a utilisé tous les coups fourrés possibles afin de soutenir le Gouvernement royal du Laos et de perturber le passage des soldats et de l’approvisionnement nord-vietnamiens par la « piste Hô Chi Minh » à travers le Laos et le Cambodge vers le Vietnam du Sud.

La CIA a joué un rôle central, puisque la guerre n’avait pas eu l’approbation du Congrès et a été maintenue sous couvert d’un voile de secret par l’establishment politique et médiatique américain. L’armée royale laotienne commençant à s’émietter, les agents de la CIA ont recruté, ont armé et ont formé une force de guérilla anticommuniste estimée à 30 000 hommes parmi les tribus des collines, en grande partie les Hmong. Ceux-ci ont été soutenus par une armée secrète de mercenaires de Thaïlande et de soldats du Vietnam du Sud, de Taïwan, de Corée du Sud et Philippines entraînés par les États-Unis.

Quelque 350 000 hommes, femmes et enfants ont été tués dans ce carnage, et un dixième de la population du pays a été déplacé par les combats. Les alliés Hmong de la CIA ont perdu tant de combattants qu’ils se sont tournés vers le recrutement forcé d’enfants-soldats parfois âgés de seulement huit ans. Pour financer la guerre, les Hmong, assistés par la CIA, ont fait pousser et ont vendu de l’opium, ce qui a alimenté une épidémie mondiale d’héroïne. Une société de la CIA, Air America, sortait la drogue par avion du Laos, qui n’a pas d’accès à la mer.

Cette guerre secrète a dévasté le pays. Selon un récit : « Les villages ont été rasé les uns après les autres, d’innombrables personnes brûlées vives par explosifs, ou par le napalm et le phosphore blanc, ou criblées par des bombes antipersonnel. » De vastes quantités de munitions non explosées couvrent près d’un tiers du pays et elles ont tué ou mutilé au moins 20 000 personnes depuis la fin de la guerre. Plus de 12 000 survivants ont besoin de soins médicaux continus et de réadaptation.

Seulement 118 millions de dollars d’aide américaine – une pitance – ont été prévus pour faire face à des bombes non explosées. On estime qu’uniquement 1 pour cent des terres contaminées a été nettoyé. L’Administration Obama a augmenté le montant de 5 millions de dollars en 2010 à 19,5 millions de dollars cette année, non par préoccupation pour le peuple laotien, mais plutôt dans le cadre de ses efforts pour intimider et corrompre le régime de Vientiane pour desserrer ses liens avec Pékin et se réorienter en direction de Washington.

L’effondrement de l’Union soviétique et la fin de la guerre froide n’ont pas conduit à la paix, mais à une succession en escalade des guerres au cours des 25 dernières années, à travers lesquelles le capitalisme américain tente de compenser son déclin avec sa puissance militaire. Comme ce fut le cas au Laos et plus largement l’Indochine et en Corée, des pays entiers – l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie et la Libye – ont été dévastés dans un effort pour consolider l’hégémonie mondiale américaine.

Au feu et à la mesure que l’effondrement de l’économie mondiale se détériore, les États-Unis se préparent activement et agressivement à la guerre contre les grandes puissances surtout la Chine et la Russie. Les efforts diplomatiques de Washington à Vientiane font partie du « pivot vers l’Asie » d’Obama, une initiative beaucoup plus large au cours des cinq dernières années, qui vise à miner, affaiblir et militairement encercler la Chine. En conséquence, la mer de Chine méridionale est seulement l’un des points chauds en Asie qu’Obama enflamme délibérément et qui pourrait déclencher un conflit entre les deux puissances possédant des armes nucléaires.

Seule la classe ouvrière peut arrêter le glissement vers une nouvelle guerre mondiale catastrophique. Cela souligne la nécessité de la lutte politique menée par le Comité international de la Quatrième Internationale pour construire un mouvement international anti-guerre unissant les travailleurs aux États-Unis, en Chine, en Asie et dans le monde entier pour mettre fin au capitalisme et pour reconstruire la société sur des bases socialistes.

(Article paru d’abord en anglais le 6 septembre 2016)

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