La réunion des ministres de Finance et banquiers centraux du G-20 tenue à Shanghai ce week-end n’a pas réussi à trouver un plan de stimulus fiscal coordonné pour relancer l’économie mondiale. En fait, un tel plan n’a même pas été envisagé en raison de l’approfondissement des divisions entre les grandes puissances économiques.
Le communiqué de la réunion a déclaré que les risques de ralentissement de l’économie mondiale ont augmenté, dans un contexte de volatilité des flux de capitaux et d’une forte baisse des prix des matières premières, mais n’a rien fait pour engager des politiques fiscales coordonnées pour stimuler la croissance. Cela en dépit des appels du Fonds monétaire international et de l’Organisation de coopération et de développement économiques à un mouvement dans ce sens dans le cadre durant les préparatifs de la réunion.
Une référence à minima à ce sujet dans le communiqué reconnaissait qu’une « seule politique monétaire ne peut pas conduire à une croissance équilibrée. » Toute autre remarque a été exclue alors que chacune des grandes puissances insistait qu’il revenait à d’autres de prendre des mesures.
Dans les termes du ministre français des Finances Michel Sapin : « Nous ne parlons absolument pas de mesures de relance budgétaire mondiale. En France, nous ne disposons pas de la capacité de la faire pour l’instant. D’autres pays ont une plus grande capacité et ils peuvent utiliser cette capacité à continuer de soutenir la croissance mondiale. »
Le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble, parlant avant la réunion, a déclaré que l’espace pour l’utilisation de la politique monétaire avait été épuisé et qu’en utilisant la dette pour financer la croissance l’on ne fait que transformer les entreprises en « zombies ». « Parler de nouvelles mesures de relance ne sert qu’à nous détourner des vraies tâches à accomplir », a-t-il dit. Les responsables politiques de l’Allemagne ne sont pas d’accord avec une « politique de relance du G20, comme voudraient certains, au cas où les risques anticipés se matérialiseraient ». Selon lui, la chute des prix du pétrole avait fourni une « énorme » stimulation à la demande et les politiques d’expansion budgétaire pourraient jeter les bases d’une crise future.
L’attitude du gouvernement britannique a été illustrée par le ministre des Finances George Osborne. Il a précisé que, au lieu d’augmenter les dépenses face à une conjoncture économique mondiale qui se détériore, le gouvernement Cameron envisage encore d’autres réductions des dépenses après la publication des chiffres qui ont montré que la croissance de l’économie britannique a été de seulement 0,5 pour cent au dernier trimestre de 2015.
« Il est évident que les nuées d’orage se rassemblent dans l’économie mondiale et cela a une conséquence pour beaucoup de pays, y compris la Grande-Bretagne », a-t-il dit. Les derniers chiffres ont révélé que la croissance en Grande-Bretagne n’a pas été aussi grande qu’on l’avait espérée, « alors nous pourrions avoir besoin de réaliser de nouvelles réductions des dépenses parce que ce pays n’a que les moyens qu’il a et nous aborderons ceci dans le budget. »
En résumant le sommet, l’analyste financier David Loevinger, un ancien spécialiste de la Chine au Trésor américain, a déclaré à Bloomberg que « les espoirs d’actions politiques coordonnées se sont avérés être de purs rêves. C’est sauve-qui-peut pour chaque pays. »
Face aux profondes divisions entre les principaux membres du G-20, il semble que les rédacteurs du communiqué aient décidé de dissimuler la détérioration de la situation de l’économie mondiale.
Après avoir pointé une série de risques, le communiqué déclare : « Tout en reconnaissant ces défis, nous jugeons néanmoins que l’ampleur de la volatilité récente du marché ne reflète pas les fondamentaux de l’économie mondiale. Nous nous attendons à ce que l’activité économique continue à croître à un rythme modéré dans la plupart des économies avancées, et la croissance dans les principaux marchés émergents reste forte. »
En fait, les données émises à la veille de la réunion indiquent une détérioration des « fondamentaux sous-jacents. »
Selon le World Trade Monitor (l’Observatoire économique mondiale), les données compilées par le Bureau néerlandais d’analyse de la politique économique, la valeur du commerce mondial a chuté de 13,8 pour cent en 2015, dans la première contraction depuis les profondeurs de la crise financière en 2009, avec des indications que la situation va empirer cette année.
Le Baltic Dry Index, qui mesure le commerce mondial des marchandises en vrac, a atteint des bas niveaux historiques. L’un des indicateurs les plus importants est la baisse de 60 pour cent des exportations de conteneurs en provenance de Chine vers le Brésil, la neuvième plus grande économie du monde, l’an dernier. La Maersk Line, la plus grande compagnie de transport maritime au monde, a indiqué que les importations de conteneurs au Brésil ont été réduites de moitié l’année dernière.
Le commerce mondial dans son ensemble a augmenté de 2,5 pour cent l’année dernière, en dessous de la croissance économique de 3,1 pour cent, inversant la situation qui prévalait avant 2008 lorsque le commerce augmenta de deux fois plus vite que le taux d’augmentation de la production mondiale.
Quant à l’affirmation selon laquelle la croissance dans les principaux marchés émergents « reste forte », l’économie chinoise ralentit, avec des indications que son taux de croissance réel est plus proche de 4 pour cent que le taux de 6,5 pour cent réclamés par le gouvernement, et le Brésil est dans une grave récession.
Hors Chine, les marchés émergents, selon le FMI, n’ont augmenté que de 1,92 pour cent l’année dernière, plus bas que le taux pour les économies avancées qui ont augmenté de 1,98 pour cent.
Le chef de la recherche sur les marchés émergents chez Citi, Guillermo Mondino, a déclaré au Financial Times qu’une croissance plus faible pour les marchés émergents « devrait être une raison de s’inquiéter » et, avec la très forte chute des prix du pétrole, les flux de capitaux vers ces pays « sont dans un état d’effondrement. »
En même temps, l’ordre financier mondial est de plus en plus instable. Mervyn King, le gouverneur de la Banque d’Angleterre de 2003 à 2013 a averti qu’une nouvelle crise financière est « certaine » et viendra « plutôt tôt que tard ». Bien que les banquiers voraces et les décideurs incompétents aient contribué au krach en 2008, « la crise fut un échec d’un système », a-t-il déclaré dans un livre qui vient de paraître.
Le ralentissement de l’économie mondiale est le moteur de la discorde croissante entre les grandes puissances économiques. Le secteur militaire est la seul domaine dans lequel elles investissent de l’argent alors qu’une d’entre elles renforce les préparatifs de guerre.
Dans le sillage immédiat de la crise financière, la réunion du G-20 à Londres, tenue au début d’avril 2009, a vu les engagements verbaux de coordonner les politiques économiques avec les assurances que les leçons des années 1930 avaient été apprises et qu’il n’y aurait pas de répétition des conflits qui eurent marqué la Grande dépression. Maintenant, même ces paroles ont disparu.
Comme le World Socialist Web Site a expliqué à l’époque, « les antagonismes inter-impérialistes ont été manifestes tout au long du sommet et vont inévitablement s’accentuer au fur et à mesure que la crise économique s’aggrave » et que, « loin d’avoir établi un programme coordonné au niveau mondial pour sauver le capitalisme mondial, le sommet de Londres a seulement démontré la contradiction irréconciliable entre l’économie mondiale intégrée et le système de l’état-nation, et l’impossibilité des États-nations rivaux d’adopter une approche véritablement internationale de la crise ». Cette analyse a été confirmée à maintes reprises au cours de ces sept années passées.
Dans un article précédant de la dernière réunion, le New York Times a noté que, depuis Londres, les réunions du G-20 ont été « surtout connues pour convenir des généralités et de faire peu de changements, aboutissant à une série improductive de réunions en Turquie l’an dernier. » Comme l’économiste international renommé, Ken Courtis, l’a dit : « la présidence turque du G-20 n’a conduit à aucun progrès sur aucun front. »
Chacune des grandes puissances avance ses propres intérêts. La Grande-Bretagne a réussi à obtenir une référence au Brexit dans le communiqué exprimant son inquiétude que toute sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne serait un facteur contribuant aux risques pour l’économie mondiale.
Le communiqué a réaffirmé les engagements antérieurs de ne pas participer à la dévaluation de la monnaie compétitive et que les taux de change ne seraient pas ciblés « à des fins concurrentielles. » Cependant, il a poursuivi en ajoutant la phrase : « nous allons nous concerter étroitement sur les marchés des changes » suite à la dévaluation du renminbi chinois l’année dernière, et les craintes qu’il pourrait chuter encore plus, et le passage de la Banque du Japon à des taux d’intérêt négatifs.
Soulignant les tensions croissantes, le chef de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem a déclaré que le renminbi n’a pas été la seule cause de préoccupation. « Le débat a également traité du Japon, pour être honnête, il y avait une certaine inquiétude que nous allions entrer dans une situation de dévaluations compétitives » et que, une fois qu’un pays dévalue « le risque est très grand qu’un autre suive et nous entrons dans une dévaluation compétitive. »
Cependant, il a exclu les propositions de politiques budgétaires coordonnées, en disant : « Je ne pense pas qu’il y ait besoin d’un grand projet, il n’y a pas de crise. »
Le flux continu de données négatives sur l’économie mondiale, l’absence d’accord sur des mesures concrètes, l’instabilité croissante du système financier et les conflits grandissants entre les grandes puissances donnent un démenti à ces assertions.
(article paru en anglais le 29 février 2016)