Face aux manifestations et grèves des jeunes et après la signature par des millions de gens d’une pétition en ligne contre la loi El Khomri, le gouvernement français essaie de différer l’imposition de l’impopulaire loi travail. Elle devait initialement être présentée le 9 mars, mais la ministre du Travail Myriam El Khomri a seulement présenté la loi à l'Assemblée nationale le mardi 29 mars. Le débat parlementaire a été repoussé au 3 mai.
Le but des manœuvres du gouvernement PS (Parti socialiste) est de travailler avec la bureaucratie des syndicats et celle des organisations étudiantes pour reculer la mise en œuvre de la réforme, utilisant à la fois la violence policière et l'effet des vacances scolaires proches pour jouer le pourrissement du mouvement de protestation.
Au milieu de la colère grandissante, le gouvernement s’apprête à sévir contre les manifestations et les blocages de lycées et de facultés. Lors de la manifestation du 24 mars, les CRS avaient attaqué les étudiants dans les grandes villes et arrêté quelque quarante manifestants. Quinze étudiants avaient été arrêtés à Paris et neuf à Nantes. La police a attaqué et détenu des étudiants au cours de la semaine écoulée. Certains ont été condamnés à six mois de prison avec sursis et à des amendes.
Près du lycée Henri Bergson à Paris, une vidéo montre un policier en train de frapper un lycéen. Selon des témoins parlant à BFM-TV « la police a attaqué un lycéen de 15 ans alors qu'il tentait de s’éloigner d'un nuage de gaz lacrymogènes, lorsque les policiers ont voulu le retenir. »
Le délai voulu par le gouvernement PS est une manœuvre cynique: rien de fondamental n’a été changé au projet de loi. Les mesures de base de la loi permettent aux syndicats et au patronat de négocier des accords au niveau des entreprises en violation du Code du travail, l'allongement de la semaine de travail, comme de faciliter les licenciements de masse et de saper la sécurité de l'emploi pour les jeunes travailleurs nouvellement embauchés.
Si le PS indique qu’il est prêt à faire un compromis sur la question de ne pas fixer un plafond d’indemnités pénalisant les licenciements économiques illégaux, les éléments centraux du projet de loi demeurent. Surtout, il conserve toujours la possibilité pour les syndicats de négocier des accords violant le Code du travail – une mesure qui, au milieu de la crise économique mondiale croissante, ouvre la voie à de vastes attaques contre la classe ouvrière.
Selon un sondage Odoxa pour Le Parisien et France Info, publié le 24 mars, 71 pour cent de la population sont toujours opposés au projet de loi sur le Code du travail, la même proportion que pour la version non modifiée du projet.
La question critique pour les jeunes opposés au projet de loi est de s’orienter vers la seule force qui puisse arrêter la course à l'austérité et à l’attaque des droits démocratiques déferlant actuellement sur l'Europe: la classe ouvrière. Cette lutte doit être retirée des mains des syndicats et de leurs alliés des syndicats étudiants. Il faut en faire une lutte plus large de la classe ouvrière contre l'austérité, la guerre et l'état d'urgence indépendante, sur le plan politique comme organisationnel, des bureaucraties syndicales et du PS.
Les syndicats, le Front de gauche et les autres satellites politiques du PS comme le Nouveau Parti Anti capitaliste soutiennent les guerres et l'état d'urgence imposés par l'Etat français, et ont à plusieurs reprises contribué à négocier les réformes du PS.
Depuis que Hollande est arrivé au pouvoir, ils ont isolé et supprimé des luttes, dont la fermeture de l'usine automobile de PSA Peugeot Citroën à Aulnay et les grèves des pilotes d'Air France. Ils ont organisé des manifestations contre la loi El Khomri parce qu'ils craignent que la colère grandissante des travailleurs et des jeunes n’échappe à leur contrôle et ne déclenche un mouvement de masse contre le gouvernement haï du PS. Ce sont des instruments petit-bourgeois de la classe dirigeante qui finance à 95 pour cent leur budget annuel de 4 milliards d’euros.
Il faut mettre la jeunesse en garde: dans la mesure où elle reste sous le contrôle de ces organisations qui n’ont aucune base de soutien dans la classe ouvrière, la lutte contre la loi El Khomri sera liquidée. En effet, les médias et les responsables de l'Etat ont déjà commencé une campagne de presse frauduleuse pour essayer de démoraliser les manifestants par des spéculations que l'opposition au projet de loi a été fatalement affaiblie.
Suite aux manifestations étudiantes du 24 mars dans toute la France, Le Monde rapportait que « le nombre de lycées bloqués paraissait en baisse. Le ministère de l’éducation nationale a fait état de 57 établissements publics concernés, sur les 2 500 que compte la France, soit moitié moins que les 115 recensés lors de la précédente mobilisation, jeudi 17 mars. »
La station de radio RTL a annoncé que « Pour François Hollande, l'orage est passé après les nombreuses contestations entendues et les différentes manifestations des syndicats, » Elle a cité une source gouvernementale proclamant qu’on avait « éteint les braises. »
Elle ajoutait, « Mais au gouvernement, plus personne ne croit à une mobilisation massive des jeunes » et citait des ministres disant, « Tout indique que cela s’essouffle. »
La propagande démoralisée des syndicats fait écho à cette campagne. Tout en continuant à se présenter en opposants au projet de loi, ils n'ont pas condamné la violence de la police ou cherché à mobiliser l'opposition à l'état d'urgence. Ils ont simplement cherché à maintenir le contrôle politique des manifestations auxquelles ils ont appelé. Ils avaient peur que s’ils n’y avaient pas appelé, les protestations anti-réforme auraient éclaté de toutes façons.
La CGT (Confédération générale du travail) et d'autres syndicats ont lancé un appel commun à la grève pour le 31 mars. Cet appel prépare le terrain pour faire cesser le mouvement. La déclaration dit, « A l’issue de la journée du 31, le gouvernement doit répondre. Si tel n’était pas le cas, les organisations signataires inviteront les salarié-es et les jeunes à débattre la poursuite de l’action dans les jours suivants et à renforcer les mobilisations, y compris par la grève et les manifestations. »
C’est là une fraude réactionnaire. Le PS poursuivra la loi El Khomri avec toutes les modifications mineures qu’il se sent obligé d'introduire. L'invitation des syndicats à «débattre» d’une capitulation ou non devant le PS est une combine cynique pour cacher qu’ils sont sur la même ligne que le PS et la campagne médiatique poussant à l’arrêt des manifestations. La jeunesse et les travailleurs doivent rejeter de telles tentatives de présenter des réformes illégitimes et réactionnaires du PS comme faisant partie d'un débat « démocratique ».
La popularité du président François Hollande bat de nouveaux records à la baisse, en faisant le président français le plus haï depuis la Seconde Guerre mondiale. La semaine dernière, le ministère du Travail a indiqué que le nombre de demandeurs d'emploi avait augmenté de 38.400, portant le nombre officiel de chômeurs au chiffre record de 3,59 millions.
(Article paru en anglais le 30 mars 2016)