La réaction des médias allemands à la nomination officielle de Donald Trump comme candidat présidentiel des Républicains oscille entre une incrédulité horrifiée et l’espoir qu’à la fin, Hillary Clinton remportera l’élection pour prévenir le pire.
Le journal Süddeutsche Zeitung a publié le 21 juillet une rubrique intitulée, « Il est triste que Donald Trump ait pu aller aussi loin. » Il écrit, « Trump n’est pas un homme qui veut devenir président du fait de ses convictions politiques, il veut devenir président parce qu’il est convaincu de lui-même. » Il était imprévisible et son programme politique pouvait être formulé en cinq lettres, Trump.
Richard Nixon était certes lui aussi un « narcissiste autoritaire », mais Trump était pire et il était devenu célèbre en tant que star de boulevard, « une célébrité qui ne peut exister qu’aux Etats-Unis. »
Sous le titre, « Trump est une menace pour l’économie mondiale, » le journal conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) prévient qu’avec Trump comme président les Etats-Unis perdraient leur « facteur de fiabilité dans la politique mondiale. »
Dans un article d’opinion repris du Los Angeles Times, le FAZ fait état d’un éventuel coup d’Etat militaire dans la plus vieille démocratie du monde. Sous le titre, « Si Trump l’emporte, un coup d’Etat ne serait pas impossible ici aux Etats-Unis, » le journaliste James Kirchick évoque un scénario où Trump président donne à l’armée un ordre illégal que celle-ci refuse d’exécuter.
L'article conclut en disant: « Trump n’est pas seulement manifestement inapte à être président, mais encore un danger pour l’Amérique et le monde. Les électeurs doivent le stopper avant que l’armée ne le fasse. »
Les sociétés allemandes implantées aux Etats-Unis ont réagi de façon assez différente. D’après des informations publiées dans Die Welt, de grandes entreprises allemandes de renom ont octroyé plus des deux-tiers de leurs dons électoraux aux Républicains et donc à Trump ; en premier lieu BASF, Allianz, Siemens et Deutsche Bank.
Etant donné que la loi américaine empêche que des sociétés américaines ou étrangères ne fassent des dons directs aux candidats, le financement de la campagne se fait par le biais de soi-disant comités d’action politique (PACs). Il s’agit d’une construction juridique permettant de contourner à la fois le strict plafonnement des dons et l’interdiction des dons d’entreprise. Des centaines de millions de dollars sont déversés dans la publicité de campagne via des soi-disant super-PACs.
Selon des chiffres tout récents, le PAC de BASF a versé 399.000 dollars en dons. Les Républicains en ont reçu la part du lion, 72 pour cent en tout. Ceci n’est nullement surprenant écrit Die Welt. Les années d’élection précédentes, BASF, Allianz et Bayer avaient soutenu les Républicains.
D’après Die Welt, le groupe chimique et pharmaceutique Bayer AG a, durant l’actuelle campagne électorale, donné 80 pour cent de ses dons au profit des Républicains. Dans le cas du prestataire de services Allianz, c’étaient 72 pour cent.
Deutsche Bank, par contre, a changé de camp politique. Le journal écrit : « Alors que Deutsche Bank a fait relativement peu de dons, 37.000 dollars seulement, il est cependant frappant de voir que 86 pour cent de cet argent est allé au camp républicain. « Une tendance aussi claire n’a pu être observée chez aucune autre entreprise allemande. »
Le fait que Deutsche Bank ait de la sympathie pour les Républicains est nouveau. En 2006 et en 2008, la banque avait nettement penché en faveur des Démocrates. Ce changement de camp n’avait rien d’étonnant « vu que Deutsche Bank est le plus grand prêteur de Donald Trump. » Trump avait emprunté 170 millions de dollars à Deutsche Bank pour la rénovation d’un hôtel à Washington.
La banque n’a pas apprécié les recherches entreprises par les journalistes de Die Welt et s’est distanciée de son propre PAC. Aux questions des journalistes, la banque a répondu en disant que « les employés décident eux-mêmes de leurs dons et ne sont nullement influencés par la société. »
Nonobstant les dons électoraux, les associations patronales allemandes ont eu des réactions critiques à l’égard des projets économiques de Trump. Son annonce de fermer l’économie américaine à d’autres pays à l’aide de tarifs douaniers protecteurs, à la Chine notamment, a suscité des préoccupations et des avertissements quant à une guerre commerciale.
Oliver Zander, le dirigeant de la Fédération patronale allemande de l’industrie métallurgique et électrique (Gesamtmetall) a prévenu que « plus de protectionnisme et d’isolement serait néfaste pour l’industrie d’exportation allemande. » « L’économie allemande est tributaire de bonnes relations commerciales transatlantiques. »
Les fabricants de machines et les constructeurs d’installations technologiques voient les choses de la même façon, » écrit le magazine on-line finanz.net. Il cite le président de l’Association des industries mécaniques allemandes (VDMA), Reinhold Festge, qui a dit, « Plus de protectionnisme en Amérique est la dernière chose dont ont besoin les relations économiques germano-américaines. »
D’après finanz.net, la campagne électorale américaine est méticuleusement suivie par les conseils d’administration des entreprises allemandes. Ceci est dû au poids particulier des Etats-Unis. « Le pays est la plus importante économie nationale et donc le plus grand générateur d’impulsions pour l’économie mondiale: près de 16 pour cent de la valeur créée est imputable aux Etats-Unis. »
Les Etats-Unis sont aussi depuis 2015, le premier acheteur de biens « Fabriqués en Allemagne » : pour la première fois depuis six décennies, les exportateurs allemands y vendent pour quelque 114 milliards d’euros, remplaçant la France en tant que premier client. Inversement, des biens d’une valeur de 60 milliards d’euros sont importés en Allemagne depuis les Etats-Unis.
(Article original paru le 23 juillet 2016)