La Convention nationale démocratique qui s’est ouverte hier à Philadelphie va désigner officiellement l’ancienne ministre des affaires étrangères Hillary Clinton en tant que candidate du parti à la présidence, avec et le sénateur de Virginie, Tim Kaine, comme colistier. La sélection de Kaine, un membre des comités sénatoriaux des « Forces armées » et des « Affaires étrangères » et un allié confirmé des grandes entreprises et de l’établissement dominant de l’appareil militaire et des renseignements, souligne l’axe pro-guerre d’extrême droite de la campagne de Clinton et de l’Administration qu’elle présidera si elle est élue en novembre.
Le Parti démocrate est le plus ancien parti capitaliste aux États-Unis, son histoire couvre 200 ans depuis son rôle en tant que parti de l’élite esclavagiste avant la Guerre civile et, au cours du siècle qui a suivi l’émancipation formelle, des lois Jim Crow qui imposaient la ségrégation. Au XXe siècle, il emprunta sous Franklin Delano Roosevelt le manteau de la réforme libérale. Mais l’objectif central des initiatives politiques telles que le « New Deal » et, sous Lyndon Johnson, la « Great Society, » était d’empêcher l’émergence d’un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière contre le capitalisme et pour le socialisme.
Mais, dans le demi-siècle écoulé depuis l’apogée de la Great Society, le Parti démocrate a systématiquement répudié son association avec le réformisme libéral. Hillary Clinton et l’ancien président Bill Clinton ont joué un rôle central dans les années 1990 effectuant la rupture de tous les liens résiduels avec le New Deal et la Great Society. Comme principaux membres du Democratic Leadership Council [organisation indépendante du Parti démocrate qui voulait réorienter ce parti vers la droite, ndt] dans les années 1980 et 1990, ils ont aidé à réaligner les démocrates au programme de contre-révolution sociale de l’Administration Reagan.
Maintenant que Donald Trump a été nommé par les républicains, la campagne Clinton est présentée par ces forces comme un pare-feu politique contre les forces obscures de la société américaine.
Pour qui parlent véritablement Clinton et le Parti démocratique ? Sa campagne et le parti qu’elle dirige représentent une alliance entre l’établissement dominant de l’armée et des renseignements et des sections puissantes de l’Amérique des entreprises, en particulier dans le secteur financier. Derrière toute la rhétorique vide qui se répercutera dans et autour du Wells Fargo Center de Philadelphie où se déroule l’événement, au cours des quatre prochains jours, les questions centrales pour la classe dirigeante portent sur l’escalade militaire mondiale de l’impérialisme américain.
C’est clairement énoncé dans l’éditorial du New York Times du dimanche, le journal qui fonctionne comme le porte-parole officieux de la campagne Clinton et du Parti démocrate. L’éditorial plaide en faveur de Clinton contre son adversaire républicain Donald Trump au motif que les prédilections de la politique étrangère de Trump ne s’alignent pas sur les intérêts stratégiques de l’impérialisme américain.
L’article débute en avertissant que le prochain Président fera face à « une Russie de plus en plus agressive et une Europe en train de se fracturer sous des contraintes économiques et de sécurité. » Il attaque ensuite Trump pour avoir mis des conditions à l’engagement de l’Amérique dans l’OTAN : « une approche qui mettrait en péril le rôle international de la Nation, et mettrait en danger un ordre mondial dirigé par l’Occident. »
Il dénonce le candidat républicain pour avoir affirmé qu’une administration Trump conditionnerait l’engagement des États-Unis à partir en guerre contre la Russie pour la défense des petits États baltes à la frontière occidentale de la Russie au critère qu’ils aient « rempli leurs obligations » envers les États-Unis. « L’approche de M. Trump », écrit le journal, « jouerait le jeu du président de la Russie, Vladimir Poutine, qui est désireux de voir l’OTAN se défaire, car cela lui permettra plus de liberté pour étendre l’influence russe. »
Qu’une administration Clinton renforcerait l’engagement de couverture pris par le président Obama envers les régimes farouchement anti-russes, droitiers et très instables en Lettonie, en Lituanie et en Estonie pour mettre les « troupes américaines sur le terrain » – soit en réponse ou en prévision d’une prétendue agression russe – n’est qu’un bonus pour le Times qui rend la position de Clinton parfaite. Ces États, avec une population de seulement 6,6 millions de personnes, faisaient autrefois partie de l’Union soviétique et sont devenus indépendants seulement depuis la dissolution de l’URSS et la restauration du capitalisme dans toute l’Europe de l’Est. Ils sont gérés par des cliques criminelles représentant des oligarques qui se sont enrichis en volant des biens anciennement détenus par l’État et en appauvrissant la classe ouvrière.
Cet engagement, qui pourrait à tout moment conduire à une guerre nucléaire avec la Russie, a été pris sans aucune discussion publique et entièrement dans le dos du peuple américain, dont la grande majorité n’a à ce jour aucune idée de son existence. Mais le complexe militaire et des renseignements américains estime qu’il est essentiel à l’agenda des États-Unis afin de réduire la Russie à l’état de semi-colonie et d’établir l’hégémonie américaine sur tout le continent eurasien.
L’éditorial poursuit : « M. Trump a également remis en question le mérite de déployer des troupes à l’étranger, y compris au Japon et en Corée du Sud, où un retrait des forces affecterait profondément la sécurité en Asie. Une telle démarche permettrait de réduire considérablement l’influence américaine à un moment où l’agression chinoise monte. » En d’autres termes, on ne peut se fier à Trump pour poursuivre la campagne diplomatique et militaire de Washington pour isoler, encercler et, si nécessaire, dévaster la Chine.
Ce n’est pas tout : Trump « a dit qu’il ne mettrait pas la pression sur le président turc Recep Tayyip Erdogan, un allié de l’OTAN qui a suspendu, détenu ou placé sous enquête plus de 60 000 personnes dans la frénésie d’après la tentative de coup d’état, pour qu’il respecte la primauté du droit. » Autrement dit, Trump pourrait ne pas poursuivre la tentative de coup d’état soutenu par les États-Unis, qui a manqué à quelques minutes d’avoir assassiné Erdogan, avec une campagne intensifiée pour déstabiliser et finalement remplacer son régime avec un autre plus soumis aux diktats américains.
Pas moins troublant pour le Times, Trump a suggéré qu’il n’adopterait pas « la promotion des droits de l’homme à l’étranger – une doctrine centrale de la politique étrangère américaine des Administrations démocrates comme républicaines – comme partie de son agenda… » Ce serait remettre en cause ce prétexte de tout usage qui permet d’effectuer des guerres sauvages des Balkans à la Libye, la Syrie et l’Irak qui ont tué des millions de personnes et détruit des sociétés entières.
Dans la « colonne positive » pour Clinton, toujours selon le Times, il y a le fait que, en tant que secrétaire d’état d’Obama, elle a mené sa politique de guerre sans fin. En effet, « elle est un peu plus disposée à intervenir militairement, » poussant à l’armement plus agressif des forces islamistes par procuration dans la poussée de Washington pour renverser le président syrien Bachar al-Assad et soutenir une « zone d’exclusion aérienne » en Syrie, une tâche « qui nécessiterait d’importantes ressources militaires et peut-être des frappes aériennes. » Ce que le Times omet, c’est la possibilité très réelle qu’une telle politique conduise à un affrontement militaire avec la Russie.
Clinton a également été, note le journal en passant et de façon approbatrice, une actrice de premier plan dans la décision d’utiliser la force pour renverser et assassiner le dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi, une décision qui, admet le Times, « a fait dégringoler le pays dans le chaos. »
Ainsi, le rôle de Clinton dans des crimes de guerre qui ont tué des centaines de milliers de personnes et ont produit la plus grande crise de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale est présenté comme un argument en faveur de sa candidature.
Le programme de militarisme mondial au cœur de la campagne Clinton est combiné avec la promotion féroce de la politique raciale et du genre. Ainsi, le but de cette offensive idéologique est d’élargir la base de soutien à la guerre impérialiste à inclure des sections privilégiées de la classe moyenne supérieure, noirs et blancs, qui ont l’intention de se tailler pour eux-mêmes une plus grande part du butin économique de l’appauvrissement des travailleurs aux États-Unis et partout dans le monde.
D’où la promotion incessante de la politique identitaire et en particulier de la politique raciale par les médias en général et, en particulier, le New York Times. Le Times laisse rarement passer une journée sans un article, un éditorial ou un commentaire déclarant que « la race » est la question primordiale dans la société américaine et représentant la société américaine comme bouillonnante de racisme blanc. Comme toujours, le racisme et la politique raciale sont des armes dans la guerre de la classe dirigeante pour diviser et démobiliser la classe ouvrière.
Maintenant, Sanders a jeté tout son soutien derrière Clinton. Il fait de son mieux pour remplir sa mission, assignée à lui par l’élite dirigeante, en mentant effrontément sur sa « révolution politique » inexistante dans le Parti démocrate, alors que la meute de scélérats pseudo-gauches, qui ont donné du crédit à ses prétentions « socialistes » et ont promu sa campagne, converge sur Philadelphie pour canaliser la haine de masse contre Clinton et le système à deux partis derrière le Parti vert, un autre parti bourgeois dédié à bloquer le développement d’un mouvement de la classe ouvrière socialiste et indépendant.
Il n’y a qu’un seul parti politique et une seule campagne qui se battent pour l’indépendance politique de la classe ouvrière et la construction d’un mouvement international contre la guerre basée sur un programme socialiste et révolutionnaire : le Parti de l’égalité socialiste (SEP) et la campagne SEP de Jerry White pour président et Niles Niemuth pour vice-président.
(Article paru d’abord en anglais le 25 juillet 2016)