Des centaines de milliers de manifestants ont défilé dans toute la France contre la Loi du travail régressive du Parti socialiste (PS) hier, au milieu de la colère explosive contre la tentative infructueuse du PS d’interdire la manifestation à Paris. Les travailleurs qui participaient aux manifestations ont souligné qu’ils étaient déterminés de poursuivre la lutte contre la loi du travail, y compris des tentatives initiales faites par les entreprises d’imposer concessions massives dans les contrats négociés sous les termes de la nouvelle Loi du travail, ainsi que l’escalade des attaques contre les droits démocratiques de la part du PS.
A Paris, environ 70.000 personnes ont défilé dans un petit circuit serré autour de Place de la Bastille aménagé à la demande du ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve. Bien la marche ne s'étendait pas plus de 1600 mètres, le gouvernement a déployé plus de 2.100 policiers anti-émeute lourdement armés pour surveiller la protestation. Ils ont bouclé la place, fouillant tous ceux qui assistaient, et ont déployé des canons à eau et des escadrons armés de pistolets et de fusils de tir de balles en caoutchouc.
La police a confisqué des foulards, des masques, des casques, des bouteilles, ou tout autre objet qu’ils considéraient que les manifestants pourraient utiliser pour se protéger contre les gaz lacrymogènes ou les matraques, ou bien pour cacher leur identité. Bien qu’il n’y ait pas eu d’affrontements pendant la marche parisienne, la police a arrêté 95 personnes, en grande partie ceux qui avaient sur eux des objets pouvant être utilisés dans des affrontements avec la police.
Les petites manifestations non déclarées ont eu lieu à la Bourse de Paris, à la Gare de Lyon, et à proximité de la Place de la République
Des manifestations importantes ont eu lieu dans la plupart des grandes villes de France. À Marseille, les sources syndicales comptaient 45.000 manifestants à la manifestation et ont déclaré que la colère provoquée par la menace du PS d’interdire la manifestation de Paris a joué un rôle majeur dans le taux de participation. Ils ont également rejeté les tentatives de blâmer les manifestants pour des actes isolés par des casseurs non identifié
En Normandie, des milliers de travailleurs et de jeunes ont défilé dans la ville portuaire du Havre, à Rouen et à Caen, et 8.000 personnes ont défilé à Lyon.
À Rennes, des affrontements violents ont eu lieu entre les manifestants et la police, qui s'est attiré une réprimande publique inhabituelle du préfet de police Christophe Mirmand pour la détention, la recherche et la vérification de manière illégale de l’identité des journalistes, même après qu’ils ont présenté leurs cartes de presse desjournalistes. « Je viens de rappeler à la direction locale de la sécurité publique les lignes directrices » concernant le traitement approprié des journalistes, Mirmand dit à la presse.
À Limoges, des centaines de personnes ont défilé, y compris Camille Senon, survivant nonagénaire du massacre fasciste à Ouradour-sur-Glane en 1944, qui a refusé une décoration du Premier ministre Manuel Valls et a déclaré la Loi du travail du PS « inacceptable. »
Face à une radicalisation continue du sentiment d’opposition parmi les travailleurs, le PS, encore sous le choc de sa retraite soudaine de la tentative d’interdire les manifestations, intensifie ses attaques sur les droits démocratiques fondamentaux. Il a répondu hier avec des menaces visant à interdire les organisations de gauche critiques du gouvernement.
« A chaque fois que nous pouvons dissoudre des organisations qui existent et qui se livrent à des violences, nous le ferons. Nous l'avons fait pour des groupes liés à l'islam radical, nous l'avons fait pour des groupes d'extrême droite. Et s'il le faut, et si les groupes sont bien identifiés, nous le ferons bien évidemment quand il s'agit de l'ultragauche, » a déclaré Valls. Il a ajouté qu'il est « inquiet sur la montée de cette ultragauche, qui s'en prend aux institutions de la République et qui représente des centaines d'individus. »
Valls a dit qu'il répondait notamment à ceux qui « mettent en cause la police et le gouvernement comme si nous organisions nous-mêmes ces violences pour discréditer le mouvement social. »
Il n'y a cependant pas que les groupes d’« ultra-gauche » qui critiquent le gouvernement PS et les forces de sécurité. Comme des couches toujours plus larges de personnes assistent aux manifestations, ils soulèvent des questions sur la complicité entre le PS, les forces de sécurité, et les groupes non identifiés de casseurs que le PS invoque comme prétexte pour tenter d’interdire les manifestations.
Même le leader de la Confédération générale du travail (CGT) stalinienne ,Philippe Martinez, s’est senti obligé de soulever des questions à ce sujet, après que le PS a accusé les syndicats de complicité dans les actions des casseurs qui ont endommagé l’hôpital Necker lors de manifestations la semaine dernière. « Ce ne sont pas les policiers qui sont en cause. Ils ont des ordres de pas intervenir face aux casseurs, » Martinez a ajouté : « Pourquoi il n'y a pas eu d'ordres donnés aux policiers d'empêcher les casseurs de frapper ? »
Hier, il a été annoncé que la CGT, en collaboration avec d’autres syndicats et groupes de défense des droits de l’homme, appelle à des enquêtes sur la gestion des manifestations par les forces de sécurité.
Les reporters du WSWS ont parlé à des manifestants lors de la manifestation de Paris autour de la Place de la Bastille. Fred, un cheminot et son fils, un étudiant, ont tous les deux critiqué le gouvernement PS et ont appelé à une mobilisation plus large de la classe ouvrière dans la lu
Le fils de Fred, qui a également participé à la manifestation, a insisté que les travailleurs et les jeunes étaient déterminés à s'opposer à la Loi, dont les conséquences seraient désastreuses : « On devrait travailler plus et on ne gagnerait pas forcément plus... Les patrons se sentiront plus considérés que nous les travailleurs, ce qui est déjà le cas. Mais c'est ce qui va encore augmenter si ça passe »
« Le gouvernement nous met dans le même bateau avec les casseurs, ils disent qu’on est instrumentalisé pour ça. Or c’est plutôt l’inverse, c’est eux qui instrumentalisent les casseurs… On se demande d’où ils sortent. Je pense que le gouvernement les a sortis de leur chapeau, » a déclaré Fred.
Fred a rappelé la dernière grande lutte révolutionnaire de la classe ouvrière française, la grève générale de 1968. Il a dit qu’il devrait y avoir une autre grève générale, ajoutant : « Il aurait la même ampleur qu’en 1968, et il se propagerait à d’autres pays. Les gouvernements tomberaient les uns après les autres. »
Fred a ajouté que l’inégalité dans la société le rendait furieux. « Quand je vois le niveau des salaires en France, je les trouve inacceptables compte tenu du travail que nous faisons... Les bonus, les options d’achat d’actions [que les PDG obtiennent] sont inacceptables. »
Le WSWS a également parlé à Yannick, un travailleur de l'automobile avec PSA Peugeot-Citroën à Paris, qui a dit qu'il était opposé à la fois à la Loi du travail et à la négociation des contrats en cours sur la base de cette loi chez PSA. « Donc on est d'une certaine façon doublement mobilisé, contre la loi du travail, contre les accords qui appliquent cette loi dans l'entreprise, » a déclaré Yannick.
Il a critiqué le PS comme étant « dans une logique de dénigrement, de provocation. Ils provoquent même des situations pour essayer de retourner l’opinion publique contre les manifestants. »
Il a ajouté : « Mais c’est impensable de se dire que les patrons peuvent écraser des travailleurs pendant des dizaines d’années, ou même de façon éternelle, peut-être qu’il y en a qui pensent ça, qui envisagent ça. Tôt ou tard, ça réagit. Vous ne pouvez pas gonfler une chambre à air en permanence, il y a une capacité maximum, après elle explose. Tôt ou tard, les patrons, c’est les mêmes partout à l’échelle de la planète, tôt ou tard ils créeront l’explosion sociale. Aujourd’hui on est mobilisés en France, des mobilisations — il y en a en Chine, il y a en dans tous les pays du monde où il y a des travailleurs. À chaque fois qu’il y a l’oppression patronale, l’exploitation, il y a des réactions. »
(Article paru d’abord en anglais le 24 juin 2016)