Le marché boursier chinois a fermé tôt jeudi pour la deuxième fois en quatre jours, les actions ayant plongé dès l'ouverture. Un indice-clé a chuté de 5 pour cent, entraînant une clôture automatique de 15 minutes. A la réouverture, les pertes ont continué et le marché a été fermé pour la journée quand elles eurent atteint 7 pour cent.
La chute des actions en Chine s'est produite après une journée de turbulences sur les marchés européens et américains. Elles furent provoquées par une nouvelle baisse des prix du pétrole, de nouvelles inquiétudes quant à la croissance et à la stabilité financière chinoises et à propos de la dette des marchés émergents. L'annonce d'un essai nucléaire en Corée du Nord ajouta à l'incertitude.
Aux États-Unis, les principaux indices ont chuté de plus de 1 pour cent ; le Dow Jones et le S & P 500 terminent la journée en-dessous de 17000 et 2000 respectivement. La vente accélérée d'actions américaines venait à la suite de fortes baisses au Japon et ailleurs en Asie, ainsi qu'en Europe.
Le principal facteur en cause est la tendance à la récession qui s'intensifie dans l'économie mondiale et qui commence à miner la bulle financière créée par l'injection de milliers de milliards de dollars dans les marchés financiers par la Réserve fédérale américaine et d'autres grandes banques centrales.
Des analystes parlant à la chaîne d'affaires américaine CNBC ont cité la Chine et les signes d'aggravation de la situation dans le monde et aux États-Unis. « C'est à peu près la même histoire. Vous avez des problèmes de croissance en Chine, » et « le secteur manufacturier américain qui semble être en récession ", a déclaré un commentateur.
Un autre a fait remarquer que «la plus grande chose affectant les marchés » était qu' «on part du fait que l'économie mondiale ralentit plus » en 2015 qu'en 2016. « Nous sommes inquiets à propos de la Chine ».
Un autre analyste a dit au Los Angeles Times que les marchés « fonctionnaient avec la crainte que la croissance chinoise s'effondre et que des prix du pétrole plus bas conduisent à de plus en plus de défauts de paiement sur le marché des obligations à haut rendement ».
Ces craintes ont été renforcées par la chute du prix du baril de Brent au-dessous de $35 pour la première fois depuis 2004, le prix du brut américain atteignant lui son point le plus bas en sept ans. La chute du prix du pétrole touche directement les marchés énergétiques via les sociétés liées à l'énergie et le marché obligataire de pacotille où l'argent bon marché abondait quand le pétrole valait plus de $100 le baril il y a juste 18 mois.
L'aggravation de la situation en Chine est le fait tant de l'économie que du système financier. La croissance chinoise est déjà à son plus bas niveau en un quart de siècle ; la croissance de l'activité manufacturière a faibli pendant cinq mois d'affilée et les exportations ont baissé sur quinze mois d'affilée. Mais une nouvelle source de préoccupation est apparue mercredi, le secteur des services ayant connu sa croissance la plus faible depuis 17 mois. La politique officielle du gouvernement chinois est qu'il effectue une transition vers une économie davantage axée sur les services.
La turbulence financière et boursière chinoise qui a secoué les marchés mondiaux en août dernier, est également revenue. Au premier jour de cotation, les marchés ont automatiquement fermés après une baisse de près de 7 pour cent alors qu'approchait la date de la levée des restrictions gouvernementales sur les transactions boursières imposées en août.
Comme dans la crise d'il y a cinq mois, la stabilité de la monnaie chinoise, le renminbi, cause l'inquiétude. Elle a maintenant atteint son point le plus bas en cinq ans et l'écart entre sa valeur sur le marché intérieur, plus étroitement contrôlée, et celle sur le marché offshore atteint des niveaux records. La valeur offshore a chuté de plus de 2 pour cent cette semaine, rappelant les événements d'août où sa dévaluation surprise avait envoyé une onde de choc sur les marchés mondiaux.
Dans une note de recherche publiée mercredi, Timothy Moe, le stratège en chef de Goldman Sachs pour l'Asie pacifique, écrit: «Au cours de nos réunions avec les investisseurs en décembre, le risque qui inquiétait le plus les investisseurs était une dévaluation importante du renminbi ».
Les préoccupations sont de deux ordres: d'abord qu’une baisse significative de la monnaie chinoise mène à la dévaluation de devises en Asie ou ailleurs, produisant une nouvelle vague de pressions déflationnistes pour l'économie mondiale et, deuxièmement qu'elle suscite une augmentation des fuites de capital hors de Chine pouvant engendrer des problèmes financiers importants.
La Banque populaire de Chine (PBoC) est intervenue sur les marchés financiers dans le but de limiter la baisse du renminbi, entamant ainsi ses réserves de change dans le monde. En même temps, elle souhaite voir une baisse graduelle de la monnaie afin d’améliorer la position commerciale de la Chine.
On craint que la situation n’échappe au contrôle des autorités financières. En août dernier, elles ont changé la méthode pour déterminer la valeur du renminbi, décidant de la lier à celle de la clôture du jour précédent. Mais mercredi, cette nouvelle règle a été violée lorsque la PBoC a fixé le taux nettement au-dessus de celui de la clôture de mardi, suscitant la crainte que le changement dans la fixation de la valeur quotidienne n’aggrave la volatilité du marché.
Le commentateur du Financial Times Gavyn Davies a noté que le risque de dévaluation importante du renminbi « effraye de nouveau les marchés financiers qui sont fermement convaincus que cela est un aléas très défavorable pour les actifs à risque dans le monde en 2016 ». Depuis le début de la nouvelle année, « les investisseurs sont beaucoup plus préoccupés par la perspective d'une dévaluation plus importante, soit résultant du choix des autorités chinoises, soit dû à une sortie incontrôlée de capitaux privés ».
Certains ont même craint que la Chine pourrait souffrir « d’une véritable crise des taux de change, dans laquelle ses énormes réserves de change pourraient être rapidement épuisée.
On craint aussi pour la stabilité financière dans d'autres marchés émergents dont le Fonds monétaire international estime qu'ils ont « suremprunté » à hauteur de trois mille milliards de dollars. L'idée qui prévaut est que cet excès d'endettement n’est pas aussi inquiétant que par le passé parce que celui-ci s'est concentré en grande partie dans le secteur des entreprises plutôt que dans le secteur public, et donc que le risque d'une crise de la dette souveraine est réduit
Mais cette évaluation rassurante a été mise en doute par un article du Financial Times mercredi. Il note que plus de $800 milliards de la dette souveraine était cachée par l'utilisation des obligations qui offrent un soutien implicite de l'Etat sans qu'il apparaisse toujours dans les bilans gouvernementaux. L'article note que le stock de ces «obligations quasi-souveraines » avait augmenté ces 12 derniers mois «pour dépasser la dette souveraine de tous les marchés émergents à la fin de 2015 ».
Autrement dit, si le rapport de la dette officielle au Produit intérieur brut peut apparaître assez faible par rapport à la norme mondiale pour des pays comme l'Inde, la Russie et la Chine, le montant de la dette qu'ils auront à couvrir en cas de crise pourrait être beaucoup plus élevé que ne l'indique les chiffres officiels.
Un rapport de la Banque mondiale publié mercredi a montré l'aggravation de la situation économique dans le monde ; celui-ci a abaissé les prévisions de croissance pour la troisième année consécutive. Il dit qu'une contraction plus forte que prévue au Brésil et en Russie, combinée à une croissance plus faible des grandes économies du monde, l’avait obligé à réviser à la baisse (de 0,4 points de pourcentage) sa prévision de croissance, la portant à 2,9 pour cent. Bien que ce soit un peu plus que l'estimation révisée à la baisse de 2,6 pour cent pour 2015, le rapport présentait une sombre perspective.
La Banque mondiale a réduit ses prévisions pour l'ensemble des pays en voie de développement de plus de 0,5 points de pourcentage et a averti que cette estimation avait été faite sur la base d'un ralentissement chinois lent, une stabilisation des prix des produits de base et une augmentation progressive des coûts d'emprunt. « Toutes ces hypothèses, cependant, sont sujettes à des risques baissiers importants », a-elle dit.
Elle a souligné qu'elle avait révisé à la baisse la croissance dans les principaux pays en voie de développement trois années de suite, la première fois depuis les années 1980, et a noté que la reprise aux États-Unis et en Europe avait été plus faible que prévu, le ralentissement du commerce mondial se faisant sentir.
Résumant la situation, l'économiste en chef de la banque Kaushik Basu a dit: « Il y a de fortes lignes de fracture sous la surface ».
(Article paru en anglais le 7 janvier 2016)