Une bande d’une centaine de nervis néonazis a défilé le 29 janvier au soir dans le centre de Stockholm, la capitale suédoise et a mené une suite d’agressions brutales contre des réfugiés et des personnes d‘apparence étrangère. Le fasciste Mouvement de résistance nordique suédois (MRN-S) a revendiqué cette action peu après, dans une déclaration préconisant une « justice » d’autodéfense contre ce qu’il a appelé les actions « criminelles » des réfugiés.
Ces hommes étaient vêtus de noir et portaient des masques. Tout en attaquant des réfugiés et des immigrés, ils distribuaient des tracts avec le slogan: « Maintenant ça suffit! » où ils promettaient de donner « aux enfants des rues d’Afrique du Nord qui vagabondent la punition qu’ils méritent. » La police de Stockholm a dit que les assaillants étaient liés aux hooligans du football et qu’« ils répandaient des tracts incitant les gens à commettre des crimes. »
Un témoin a déclaré au journal Aftonbladet, « Ils sont venus de Drottninggatan [la principale rue commerçante de Stockholm] et sont descendus vers la place et ont commencé à se retourner contre les immigrants. J’ai vu peut-être trois personnes qui ont été touchées. J’ai eu très peur alors je suis parti. »
Dans un communiqué, le MRN-S, qui adhère au suprématisme blanc et à une nation nordique unie, a déclaré avoir « nettoyé les immigrants criminels d’Afrique du Nord logés dans la zone autour de la gare Centrale. » Il ajoute: « La police a clairement montré qu’elle manque de moyens pour empêcher leur saccage, et nous ne voyons maintenant pas d’autre alternative que d’appliquer nous-mêmes les peines qu’ils méritent. » La déclaration conclut en appelant ses partisans à travers le pays à suivre cet exemple.
Cette violence fasciste au grand jour dans les rues d’une grande ville européenne est le résultat de l’hystérie anti-réfugiés attisée par l’establishment politique de tout le continent et du recours aux méthodes autoritaires traditionnellement associées à l’extrême droite. La présentation comme des criminels des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants désespérés ayant fui les guerres d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient causées par les puissances impérialistes a été encouragée par les grands médias et les gouvernements de toutes couleurs politiques: de la grande coalition en Allemagne au gouvernement libéral droitier du Danemark en passant par le gouvernement PS en France.
Cette hystérie est à son tour utilisée pour justifier une expansion de la guerre impérialiste au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. On lui a donné un nouvel élan la semaine dernière en annonçant la préparation d’une nouvelle intervention américaine en Libye et une extension des opérations en Syrie.
Pendant ce temps, les grandes puissances continuent de regarder avec indifférence s’alourdir chaque jour le bilan des hommes, femmes et enfants qui meurent en essayant de traverser la Méditerranée. Le week-end dernier quarante réfugiés au moins se sont noyés lorsque leur embarcation en route pour la Grèce a chaviré.
Les nervis néonazis ont mené leur agression quasi impunément et semblent jouir de l’appui tacite d’une partie de la police. Bien que des témoins aient dit avoir vu une centaine d’hommes participer à l’attaque, trois seulement ont été arrêtés et un seul détenu pour possession de coups de poing américains. Le lendemain matin, tous trois avaient été libérés.
La police exige par contre de nouvelles et larges ressources pour utiliser toute la force de l’État contre les réfugiés. Des chiffres communiqués au quotidien suédois Dagens Nyheter alléguent que plus de 5.000 incidents dans des centres d’asile avaient été signalés à la police. Un nouveau code a été créé pour les crimes impliquant des réfugiés.
On s’est bien moins préoccupé de découvrir l’identité de ceux qui sont derrière les incendies criminels d’au moins deux douzaines de centres de réfugiés durant la dernière année.
Le MRN-S n’est guère un inconnu. En août dernier, les membres de ce groupe se sont joints à leurs collègues finlandais (MRN-F) dans un déchaînement de violence (en anglais) dans la ville de Jyväskylä. Le même jour que les attaques de Stockholm, un article paru dans le Daily Mail britannique a révélé que Simon Arnamo, 24 ans, membre de MRN-S, figure sur une liste Europol des criminels les plus recherchés d’Europe pour un assassinat commis en 2012.
L’entière responsabilité de cette éruption d’attaques de milices d’extrême droite incombe à l’establishment politique suédois. La violence fasciste anti-immigrés s’est produite juste quelques jours après que la coalition sociale-démocrate Verts de Stefán Löfven a dévoilé son projet d’expulser jusqu’à 80.000 demandeurs d’asile, y compris les enfants. Anders Ygeman, ministre de l’Intérieur, affirme que le gouvernement chercherait à persuader les demandeurs d’asile de partir «volontairement» mais il a promis que si cela ne fonctionnait pas, « il sera nécessaire de procéder à leur retour par la force. »
Le gouvernement a annoncé la création de 1.000 nouveaux postes dans la police des frontières et ordonné à la police de procéder à des vérifications sur la base du profilage racial.
Les attaques font aussi suite aux plans du gouvernement allemand d’établir des camps d’internement massifs pour les réfugiés dont un camp en Grèce financé par l’Union européenne et capable de contenir jusqu’à 300.000 personnes. La semaine dernière le gouvernement danois a mis en œuvre une politique permettant aux gardes-frontières de confisquer les objets de valeur de plus de 1.340 euros aux demandeurs d’asile. Rien de tel n’a été vu en Europe depuis le Troisième Reich d’Hitler où la population juive a été raflée, dépouillée de ses biens et envoyée dans des camps de concentration.
La frénésie anti-réfugiés est encore montée d’un cran au début de janvier après les événements encore inexpliqués du Nouvel An à Cologne. Une virulente campagne de calomnie a été lancée dans les médias allemands contre de prétendus migrants criminels qui auraient sexuellement agressé des femmes. Le gouvernement a ensuite exploité cela pour préparer la voie à des déportations massives et intensifier l’attaque des droits fondamentaux des réfugiés. Tout cela a culminé vendredi dans le jet d’une grenade sur un centre de réfugiés à Villingen-Schwennigen. La grenade n’a heureusement pas explosé.
Les coups de couteau qui ont tué lundi dernier Alexandra Mezher, 22 ans, une aide-soignante dans un centre de réfugiés près de Göteborg ont été exploités aux mêmes fins réactionnaires en Suède. Une campagne médiatique sinistre s’est mise en marche pour présenter le garçon de 15 ans qui a poignardé Mezher comme un criminel endurci, malgré les preuves montrant qu’il avait été profondément traumatisé par ses expériences en Somalie avant de fuir vers l’Europe.
Aucun des défenseurs autoproclamés du droit et de la justice n’a pris la peine de noter que les travailleurs du centre ont plusieurs fois averti des réductions de personnel qui ont conduit à une situation où Mezher, qui n’avait qu’une expérience professionnelle de quelques mois, a été laissée seule pour soigner au moins dix réfugiés adolescents pendant une équipe de nuit. Les inspecteurs du gouvernement avaient récemment visité le centre, exploité pour le compte de l’État par un entrepreneur privé et l’avaient proclamé excellent.
Cette atmosphère anti-immigrée droitière a directement profité aux néo-fascistes Démocrates de Suède (SD). Le 30 janvier, ils ont organisé un rassemblement à Stockholm appelant à la démission du gouvernement au motif qu’il avait perdu le contrôle de la situation des réfugiés.
Les sociaux-démocrates suédois, comme leurs homologues des autres pays scandinaves et de toute l’Europe, ont ouvert la voie au renforcement de l’extrême droite. En octobre, la coalition sociale-démocrate Verts a restreint drastiquement le droit d’asile. Elle a aussi interdit aux réfugiés la résidence permanente et restreint la réunification des familles de telle sorte qu’elle est effectivement inaccessible à tout nouveau demandeur d’asile. Quelques semaines plus tard, elle a fermé la frontière avec le Danemark et introduit des contrôles d’identité.
L’adoption de la politique des SD par les sociaux-démocrates est le résultat de décennies de constante évolution vers la droite. Depuis les années 1990, les sociaux-démocrates ont mis en œuvre de vastes programmes de privatisation, contribué à créer des zones de misère sociale et économique dans les grandes villes où les immigrants ont été touchés de façon disproportionnée et ont attisé militarisme et nationalisme pour justifier, face à une supposée « agression » russe, des dépenses accrues pour les forces armées.
On fait une politique similaire en Finlande. Le 28 janvier, le gouvernement d’Helsinki suivait la Suède et annonçait des plans de déportations massives des demandeurs d’asile. Une porte-parole du gouvernement a avancé le chiffre de deux tiers des 32.000 réfugiés arrivés dans le pays.
(Article paru d’abord en anglais le 1 février 2016)