Jeudi, une manifestation appelée par les syndicats industriels, étudiants et lycéens contre la réforme du Code du travail du gouvernement PS a réuni quelque 500 manifestants à Amiens. Les banderoles et drapeaux de la Confédération générale du travail (CGT) stalinienne et de FO (Force ouvrière) dominaient et il y avait moins de jeunes que dans les précédentes manifestations.
La manifestation était dominée politiquement par le magazine satirique Fakir, basé à Amiens, et dont le rédacteur en chef François Ruffin a lancé le mouvement petit-bourgeois Nuit Debout qui occupe la Place de la République à Paris et a essaimé dans plusieurs villes de France. Fakir et Ruffin jouent depuis longtemps un rôle central dans le mouvement social à Amiens, soutenant divers alliés pseudo de gauche du PS dont le Parti communiste français (PCF) stalinien.
Des exemplaires gratuits richement imprimés d'un quatre-pages de Fakir ont été distribués au rassemblement ainsi que des tracts appelant à une réunion de Nuit Debout à Amiens après la manifestation. La CGT a prêté son micro aux partisans de Nuit Debout pour annoncer cette réunion. Le dépliant ne propose aucune politique pour vaincre la loi El Khomri et affirme que le principe du mouvement est que « La politique ne doit pas être une affaire de professionnel.le.s, mais l'affaire de tou.te.s ». Ceci masque le fait que l'opérateur professionnel Ruffin et son équipe travaillent en étroite collaboration avec les satellites politiques du PS.
La déclaration du numéro gratuit de Fakir sur Nuit Debout proclame que « Nuit Debout n'est pas un parti et n'a donc pas de programme. » Il prône la jonction du mouvement Nuit Debout avec ces mêmes syndicats qui ont soutenu les attaques réactionnaires du gouvernement PS sur le Code du travail, déclarant que ce serait là « la jonction de classes, une union entre prolos et intellos ».
Néanmoins, Fakir ne cache pas ses sympathies pro-PS. Il fait l'éloge de l'élection du premier président PS, François Mitterrand, en 1981 par des « profs barbus et socialistes et 74% des travailleurs qui votent François Mitterrand » sans mentionner le tournant du PS vers l'austérité. Le dépliant se termine par un long entretien avec le démographe et commentateur politique Emmanuel Todd appelant au protectionnisme économique.
Une équipe du WSWS a distribué la déclaration «La classe ouvrière en France entre en lutte contre l’austérité » et a parlé avec plusieurs jeunes. Ils étaient tous d'accord pour dire que la série de journées d'action espacées, à l'appel des syndicats et de la pseudo-gauche, ne représentent pas une tentative sérieuse pour contrer l'austérité du PS et les attaques contre la protection donnée par le Code du travail. Ils ont tous compris que la lutte contre l'austérité en France faisait partie d'une guerre internationale contre la classe ouvrière et ont convenu qu'il fallait s'y opposer sur une base internationale.
Zoé, en classe de première L (littérature et langues) au lycée Michelis a dit: « Les syndicats essaient peut-être de faire quelque chose, mais ça ne suffit pas. Je ne saurais pas dire pourquoi, mais je sais que si la loi El Khomri n'est pas retirée, les jeunes n'ont pas d'avenir. Ça ne peut pas se faire avec le gouvernement PS. Ça doit être une lutte internationale ».
Thomas, qui suit une formation en métiers du bâtiment au Lycée L'Acheuléen était venu à la manifestation avec un camarade de classe et avec Salomé, une élève de seconde au lycée Thuillier d'Amiens.
Sans pouvoir expliquer pourquoi les syndicats ne menaient pas un vrai combat, il a dit que ses camarades étaient tous inquiets pour leur avenir. « L'état d'urgence réprime le droit de protester, il est contre les travailleurs et les jeunes, ce n'est pas une bonne chose ».
Salomé a exprimé son dégoût du gouvernement et des différents partis se réclamant de « la gauche» qui ont soutenu l'élection du président PS François Hollande. Quand on lui a parlé du projet de Jean-Luc Mélenchon de former une « garde nationale » pour aider l'armée, elle s'est exclamée: « Et ça, c'est censé être la gauche en France! »
Elle a dit: « Le gouvernement a utilisé les attentats terroristes et l'état d'urgence pour attaquer nos droits et notre droit à nous défendre. La déchéance de nationalité est conçue pour nous diviser. Je suis d'accord, c'est comme revenir à la France de Vichy et à la guerre d'Algérie. Je ne suis pas dans un syndicat, mais je sais bien qu'ils ne travaillent pas pour nous. Mon frère est syndicaliste. Il me dit qu'on va nous faire payer pour les soins d'urgence dans les hôpitaux. Après ce sera l'éducation et on sera un peuple avec rien ».
« La crise économique est internationale, je suis d'accord avec votre programme d'unir les travailleurs à travers le monde, » a-t-elle ajouté.
(Article paru en anglais le 29 avril 2016)