Le World Socialist Web Site a fait valoir, à maintes reprises, que dans l’actuelle négociation de contrats pour l’industrie automobile le syndicat UAW (United Auto Workers) et les constructeurs automobiles de Détroit ne sont antagonistes, mais partenaires et que leurs intérêts sont hostiles à ceux des travailleurs.
Tout en étant plein de concessions de la part des travailleurs de l’automobile, comme les précédents accords des ‘Trois grands’ (Ford, GM et Fiat-Chrysler), le contrat 2015 entre l’UAW et Fiat Chrysler est rempli d’avantages pour la bureaucratie de l’UAW sous forme de programmes communs gérés par une petite armée de responsables syndicaux dont les salaires et les charges sont soutenus par l’entreprise.
Ces avantages en faveur de l’UAW expliquent en grande partie la grande taille du document de contrat. La moitié au moins de ce texte de plus de 1000 pages est consacrée à l’énoncé des détails de divers programmes conjoints, dont l’objectif est de consolider les intérêts du syndicat et de la direction: faire monter les bénéfices et augmenter la productivité.
La clé de voute de la bureaucratie des programmes conjoints UAW-Fiat Chrysler est le Centre national de formation UAW-Chrysler (NTC), situé à Detroit non loin du siège de l'UAW, Maison de la solidarité. Selon la dernière déclaration de revenus disponible, le Centre National de Formation UAW-Chrysler avait $59 millions en actifs bruts à la fin de 2014, dont 34 millions en espèces et des revenus bruts de $46,5 millions. Ces actifs étaient de seulement $36 millions en 2012.
Dans le contrat 2015, la formule de financement des programmes conjoints basée sur les heures travaillées des employés est remplacée par un engagement de couverture de la part de Fiat Chrysler. Le contrat ne fixe pas de limite au montant des paiements, ouvrant grand les robinets de trésorerie.
C’est là un paiement pour service rendu. En effet, les premiers paragraphes de l’accord expriment une identification complète de l’UAW avec la direction. Il y est écrit: « Les parties reconnaissent que le succès de l'Entreprise et la sécurité d’emploi des employés dépendent de la réussite de l’entreprise dans la construction d’un produit de qualité et de sa capacité à vendre un tel produit. »
« À ces fins, l’Entreprise et le syndicat encouragent un degré maximal d’amitié et de coopération entre leurs représentants respectifs à tous les niveaux et entre tous les employés. »
En d’autres termes, l’objectif principal de l’accord national est d’assurer le bien-être de l’Entreprise, et non pas le bien-être des travailleurs. Pour ces services rendus à Fiat-Chrysler, le contrat récompense l’UAW de multiples façons.
Les possibilités d’emplois « pépères » abondent pour les cadres de l’UAW, les membres de leurs familles et leurs acolytes. Parmi les programmes parrainés par le Conseil des activités conjointes et animés par des gens non-élus de l’UAW, il y a: le Programme d’aide aux employés, le Comité de sécurité d’emploi, d’efficacité opérationnelle et d’approvisionnement (NJSOESC), des Conseils locaux de partenariat de classe mondiale, le Programme UAW-Chrysler pour enfants à charge, le Comité de formation technique locale, le Comité de la formation à la diversité, le Comité consultatif pour la loi sur les Américains handicapés, Diversité de sensibilisation et de sélection des Apprentis, le Sous-comité pour des véhicules industriels motorisés, et plus encore.
Une des retombées pour l’UAW est la prestation de congé-éducation payé, disponible uniquement pour la « direction de l’UAW et des employés sélectionnés. » Les frais et le temps perdu pour ceux qui sont impliqués dans le programme sont payés par les fonds communs de formation nationaux.
Le contrat national soulève également la rémunération des chefs d’équipe, des membres de l’UAW qui agissent en tant que contremaîtres juniors. La position de chef d’équipe est souvent un tremplin vers des postes plus lucratifs dans la hiérarchie syndicale.
En plus de fournir des emplois aux responsables et aux acolytes de l’UAW, ces programmes conjoints minent et en fait vident de leurs sens les protections contractuelles des travailleurs, car ils opèrent pour la plupart en dehors de la procédure de grief et d’arbitrage.
Par exemple, le Comité de sécurité d’emploi, efficacité opérationnelle et d’approvisionnement (NJSOESC) a, selon les termes d'un protocole d'entente (M-01), le pouvoir global de « renoncer, modifier ou changer » des sections du contrat au nom de la « préservation ou l'augmentation des possibilités d'emploi. » Cela annule l'existence du contrat national vu que l'UAW et l’entreprise peuvent modifier ses dispositions à volonté, sans vote des travailleurs. En outre, le NJSOESC a le pouvoir extraordinaire de « revoir et évaluer périodiquement le fonctionnement de ce protocole d'accord et faire des ajustements mutuellement satisfaisants à ses dispositions au cours de l'accord. »
La structure permet aux dirigeants syndicaux d’abaisser les coûts de main-d’œuvre dans les usines où l’UAW est présent avant que FCA ne décide d’externaliser la production. Il inclut également l’UAW dans le processus de supervision de la réduction des coûts chez les équipementiers où l’UAW est présent.
Un autre exemple est le Comité national conjoint sur la santé et la sûreté, composé de représentants de la direction de Chrysler-Fiat et de l’UAW, qui enquête sur les décès et blessures graves au travail. Une telle procédure se moque de toute relation prétendument contradictoire entre le syndicat et la direction. En pratique, cela signifie que l’UAW est un partenaire dans les opérations de camouflage des violations de santé et de sécurité par l’entreprise.
En effet, la bureaucratie de la santé et de la sécurité constitue une partie substantielle de l’accord national et établit une multitude de positions pour des responsables de l’UAW dans une variété de comités dont, le Comité divisionnaire de vérification de la santé et de la sûreté, le Programme d’audit conjoint de la sûreté et de la santé, le sous-comité conjoint de formation en sûreté et en santé, le comité local conjoint sur la sûreté et la santé et le comité d’ergonomie pour ne citer qu’eux.
Le rôle de ces comités est de camoufler la détérioration de la sûreté, qui est le produit direct de la collaboration de l’UAW à l’accélération incessante des cadences et la réduction des coûts. Le contrat, par exemple, autorise spécifiquement la pratique continue du « travailler seul, » ce qui a peut-être contribué à la mort de Donald Megge, 53 ans, artisan à l’usine d’assemblage de Fiat Chrysler de Jefferson Nord à Detroit plus tôt cette année.
Le plus grand pot-de-vin offert à l’UAW dans l’accord 2015 est la mise en place d’une mutuelle de soins de santé gérée par le syndicat. L’UAW prendra contrôle d’un fonds d’investissement de plusieurs milliards de dollars et prendra en charge la fourniture et le rationnement des prestations de soins de santé. De conception similaire à La Mutuelle de santé volontaire des employées, ou VEBA, mise en place pour les soins de santé des retraités, la mutuelle pourrait servir comme source d’avantages et de privilèges pour les responsables de l’UAW. Le président de l’UAW Dennis Williams, avec Norwood Jewell, vice-président de l’UAW pour Fiat Chrysler, Jimmy Settles, vice-président de l’UAW pour Ford, et Cindy Estrada, vice-présidente de l’UAW pour General Motors, touchent tous des salaires pour siéger au conseil d’administration VEBA en plus de leurs salaires syndicaux.
Le fonds fiduciaire d'assurance-maladie pour les retraités de l'UAW est évalué à 60 milliards de dollars et il est l'un des plus grands fonds d'investissement privé des Etats-Unis, sinon du monde. Il a fourni des opportunités d'affaires et des relations avec Wall Street aux gestionnaires de placements en herbe des échelons supérieurs de l'UAW. Le Detroit Free Press a noté que les opérations du fonds fiduciaire d'assurance-maladie pour les retraités de l'UAW – qui opère à partir de l'immeuble du Centre UAW-GM pour les ressources humaines, au 200 rue Walker à Detroit, et a un bureau pour son équipe d'investissement à Ann Arbor – étaient « étrangement secrètes. »
Un examen de l’Accord national 2015 entre UAW et Fiat Chrysler illustre en outre la transformation de l’UAW dans une entreprise, dont les responsables n’ont à rendre aucun compte aux adhérents. Son revenu est de plus en plus lié à des subventions des entreprises de l’automobile et il opère en force hostile aux intérêts des travailleurs, pris au piège à l’intérieur.
La première tâche des travailleurs de l’automobile qui cherchent à défendre leurs emplois, salaires, avantages sociaux et conditions de travail est de rompre avec cette organisation et de construire de nouveaux organes de lutte.
(Article paru d'abord en anglais le 29 septembre 2015)