Provocation militaire des États-Unis contre la Chine en Mer de Chine méridionale

En envoyant un navire de guerre à l'intérieur de la limite de 12 miles nautiques autour d'îles revendiquées par la Chine en Mer de Chine méridionale, les Etats-Unis ont lancé une provocation militaire irresponsable contre ce pays. 

Lundi matin, le destroyer lance-missiles USS Lassen est entré dans la zone d'exclusion autour des récifs Subi et Mischief, dans l'archipel de Spratly, occupés et revendiqués par la Chine. La Chine y a effectué des travaux de poldérisation et construit des installations. L'USS Lassen était accompagné d'avions de surveillance P-8A et P-3. Selon des sources américaines, la Chine n'en a pas été informée et il n'y a pas eu d'incident. 

Le fait qu'elle ait été entreprise en l'absence totale d'activité militaire de la Chine contre les États-Unis souligne le caractère insolent et agressif de l'opération. Celle-ci prend la forme d'une frappe préventive visant à humilier le régime chinois et à le mettre dans une situation où soit il affronte la marine américaine soit il se prosterne devant le rejet par Washington des revendications territoriales de la Chine, qui datent de plusieurs décennies, dans la région stratégique de la Mer de Chine méridionale. Ce n'est pas une coïncidence si l'opération a été annoncée au moment où une grande réunion du comité central du Parti communiste chinois au pouvoir se réunissait pour examiner la politique économique des cinq prochaines années. 

Selon un responsable anonyme du Département américain de la Défense qui a donné un compte-rendu de l'opération, le déploiement de l'USS Lassen n'est pas une mesure ponctuelle mais la première d'une suite de provocations. 

Ces actes augmentent fortement la menace d'un affrontement militaire avec la Chine et le danger d'une guerre entre puissances nucléaires où seraient entraînés tous les pays de la région, et au-delà. Un officier de haut rang de la marine chinoise a déclaré plus tôt ce mois qu’elle répondrait à toute force qui violerait la souveraineté chinoise par « un coup direct ». Le 9 octobre, le ministère chinois des Affaires étrangères a averti que la Chine «ne permettrait jamais à aucun pays de violer les eaux territoriales ou l'espace aérien de la Chine dans les îles Spratly au nom de la protection de la liberté de navigation et de survol». 

L'incursion américaine dans la région est le produit d’une campagne soutenue de l'armée américaine menée sous la bannière bidon de la «liberté de navigation» et accompagnée de mensonges selon lesquels Washington fait respecter la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS). L'hypocrisie totale de cette affirmation est montrée par le fait que les États-Unis ne reconnaissent même pas l'UNCLOS. 

Le porte-parole de la Maison Blanche Josh Earnest a refusé de répondre à des questions spécifiques sur les actions de la marine. Il a dit qu'elles seraient traitées par le Pentagone, ajoutant que les Etats-Unis avaient clairement averti la Chine de l'importance de la liberté de navigation en Mer de Chine méridionale. 

« Il y a des milliards de dollars de commerce qui circulent dans cette région du monde. Garantir la libre circulation du commerce ... est critique pour l'économie mondiale », a-t-il dit. 

Les remarques d'Ernest ont la même fonction que le ‘Grand mensonge’ sur l'existence d'« armes de destruction massive » utilisé pour justifier l'invasion de l'Irak en 2003 et celui des préoccupations «humanitaires» pour justifier, en 2011, le renversement du régime de Kadhafi en Libye. 

L'assertion que les revendications territoriales chinoises en Mer de Chine méridionale et les projets de poldérisation de la période récente sont une menace pour la circulation du commerce est complètement absurde. La Chine ne peut avoir aucun intérêt à entraver une libre circulation des marchandises dans la région, qui est le poumon duquel dépend son économie.

La provocation des États-Unis est motivée par le calcul impérialiste que la croissance économique de la Chine ces trois dernières décennies est à présent la plus grande menace pour l'hégémonie mondiale de Washington. L'élite dirigeante américaine est incapable de proposer quoi que ce soit en fait de progrès économique – étant donné que sa propre économie ressemble de plus en plus à un casino géant où la spéculation et le parasitisme financier sont, plutôt que l'activité productrice, les formes dominantes de l'accumulation du profit, Washington est résolu à utiliser sa puissance militaire écrasante pour essayer de préserver sa domination mondiale.

Un ‘tweet’ récent du candidat républicain à la présidentielle, Ben Carson, donnait une idée des forces qui motivent les actions des Etats-Unis. Il y présentait la photographie d'un porte-avions américain accompagné de la légende: «Voilà comment il faut rivaliser avec la Chine ».

La vraie raison de l'opération n'est pas de défendre la liberté en mer et dans les airs, mais de faire valoir le droit inconditionnel des États-Unis d’organiser et de préparer des opérations militaires contre les établissements militaires de défense clés de la Chine sur le continent et sur ​l'île de Hainan au sud.

Il y a en outre des intentions politiques plus larges. Rappelant la diplomatie de la canonnière du 19e siècle, dont les guerres de l'Opium de l'impérialisme britannique et les ‘Black Boats’ de l'amiral américain Perry qui ont « ouvert » le Japon, la stratégie à long terme de l'impérialisme américain est de réduire une nouvelle fois la Chine au statut de pays semi-colonial.

L'opération vise également à démontrer aux pays de l’Asie du sud-est que quels que soient leurs liens économiques avec la Chine, les Etats-Unis sont résolus à exercer leur puissance militaire pour maintenir leur domination à travers l'Asie-Pacifique et au-delà.

Suivant de près la visite du président chinois Xi Jinping en Grande-Bretagne où il fut accueilli avec « le plus rouge des tapis rouges » par le gouvernement Cameron et l'Etat britannique, l'opération vise à envoyer un message clair aux autres puissances impérialistes qu’une opposition aux objectifs américains serait contrée, si nécessaire, par des moyens militaires.

Après des mois de pression de la part de l'armée, le gouvernement Obama a mis l’opération en œuvre après la visite de Xi aux Etats-Unis le mois dernier. Au cours de discussions privées avec Obama et publiquement, Xi a continué d’insister sur les prétentions de la Chine dans la région et sur son droit de construire sur les îles et les récifs – pratique menée par d'autres prétendants à des territoires contestés, comme les Philippines et le Vietnam. En même temps, il a déclaré que cette construction «ne ciblait aucun pays et n’aurait aucun impact sur ces derniers car la Chine n’a pas l’intention de poursuivre une militarisation ».

La position officielle chinoise est que là où sont mises des installations militaires elles sont nécessaires à la défense. Ceci dans des conditions où la marine et l’armée de l’air américaines conduisent des activités militaires quotidiennes dans la région et où le Plan de bataille air/mer de l'armée américaine envisage d’utiliser sa capacité à opérer en Mer de Chine méridionale pour lancer une attaque massive sur le continent chinois.

N’ayant pas obtenu de recul de Xi, Obama a déclaré lors d'une conférence de presse commune que les Etats-Unis « continueraient à naviguer, voler et opérer partout où le droit international le leur permet ». Selon un reportage de la revue Asian Nikkei, immédiatement après la réunion, «un Obama furieux a ordonné à un proche collaborateur de contacter Harry Harris, chef du Commandement US du Pacifique» et «a autorisé la marine américaine à démarrer une opération en Mer de Chine méridionale», opération pour laquelle la marine faisait pression au moins depuis juin.

Vu dans un contexte à long-terme, la provocation en Mer de Chine méridionale suit le schéma reproduit par le militarisme américain ces 25 dernières années. Après l'effondrement de l'Union soviétique en 1991, les États-Unis ont reconnu que pour maintenir leur position hégémonique, ils auraient besoin de conquérir et de recoloniser de vastes régions du monde qui leur avaient été rendues inaccessibles par les révolutions russe et chinoise.

La campagne militariste de Washington a produit une catastrophe après l'autre; il y a répondu par le lancement de nouvelles guerres et opérations de changement de régime. A la débâcle croissante de sa politique au Moyen-Orient, l'impérialisme américain a réagi en se lançant sur la voie d’une guerre avec la Chine.

Cette folie n’est pas le produit de la psyché dérangée de politiciens impérialistes individuels. La géopolitique impérialiste est plutôt une expression de la folie du système capitaliste mondial, résultant de la contradiction toujours plus profonde entre le développement d'une économie mondiale et la division du monde en Etats-nations et grandes puissances rivaux.

La réponse du régime de Pékin aux menaces de Washington est profondément réactionnaire. Il a cherché à répondre à l'impérialisme américain par des contre-menaces, un renforcement militaire et la promotion du nationalisme chinois. Représentant l'oligarchie bourgeoise chinoise, il est hostile à tout effort visant à unifier et mobiliser la classe ouvrière contre les dangers de la guerre.

Indépendamment de la tournure que prendront ces événements dans l’immédiat, ils signifient sans aucun doute une autre étape sur la route d’une Troisième Guerre mondiale. La classe ouvrière et la jeunesse doivent y répondre par le développement d'un mouvement anti-guerre mondial, fondé sur la perspective du socialisme international.

(Article paru en anglais le 27 octobre 2015)

 

 

Loading