Alors que la grève des travailleurs des raffineries entre dans son deuxième mois, le conflit est devenu une bataille décisive de la classe ouvrière contre certaines des sociétés les plus riches du monde et ayant le plus d'influence sur la politique.
La grève s'est acquis la sympathie de dizaines de millions de travailleurs ayant eux-mêmes souffert pendant des décennies de la baisse du niveau de vie et de la détérioration des conditions de travail. Mais le plus grand obstacle à la mobilisation de la force de la classe ouvrière est le syndicat United Steelworkers (Syndicat des Métallos - USW). Celui-ci a limité la grève à une fraction seulement des 30 000 membres de l'USW employés au niveau national par les compagnies pétrolières .
Le syndicat n'a appelé que 6500 travailleurs, dans seulement 12 des 65 raffineries où les ouvriers sont organisés par l'USW aux Etats Unis, à faire grève. Cela a encouragé les géants pétroliers à maintenir une ligne dure contre les revendications des ouvriers. Celles-ci sont dirigées contre les conditions de travail dangereuses, le remplacement des travailleurs syndiqués par des ouvriers sous contrats temporaires et le coût écrasant des soins de santé que les ouvriers doivent payer hors assurance.
Bien conscients de ce que la politique de l'USW est vouée à l'échec, les travailleurs de la base du syndicat exigent de plus en plus une grève de toute l'industrie. Au cours des derniers jours, l'USW a envoyé des membres de son « Comité national de politique de négociation pour l'industrie pétrolière » aux réunions syndicales pour tenter d'étouffer l'opposition avant qu'elle ne se transforme en rébellion ouverte.
Lors d'une de ces réunions, tenue samedi à la salle 1014 de l'union locale de l'USW à Gary, Indiana, des centaines de grévistes de la raffinerie voisine de BP à Whiting, ont bombardé les membres de l'équipe de négociation, Steve Garey et Jim Savage, de demandes pour une grève nationale.
« Nous pensons que la totalité des 200 raffineries et des autres installations devraient faire grève. C'est ce que beaucoup d'entre nous ont dit hier dans la salle du syndicat, » a dit un travailleur du piquet de grève de Whiting au World Socialist Web Site, dimanche après-midi. « Si cela ne tenait qu'à moi, nous serions tous en grève. Mais je ne suis pas responsable et nous ne savons pas ce que la stratégie [de l'USW] est. »
Interrogé par des journalistes du WSWS sur les raisons du syndicat de ne pas appeler à une grève nationale, un autre ouvrier du piquet de grève a dit, « croyez-moi, cette question, elle a été posée mille fois hier soir. »
Le Chicago Tribune a cité Savage qui disait que cela avait été la question principale posée dans les réunions syndicales. Selon la Tribune, « [Savage] a dit que la raison [pour limiter la grève] était double : pour éviter que le gouvernement ne s'immisce dans ce conflit du travail et pour conserver un certain pouvoir de négociation si celles-ci ne progressaient pas. 'Si nous tirons toutes nos balles le premier jour, que dirons-nous plus tard? Si vous ne venez pas à la table de négociations, nous ferons quoi?' Savage a dit. »
Après avoir maintenu les grévistes dans l'obscurité pendant un mois, l'USW indique finalement sa « stratégie » avec cette déclaration: une combinaison de lâcheté et de trahison. Le syndicat admet pratiquement avoir émasculé la grève afin d'éviter un conflit ouvert avec l'administration Obama. Son discours sur l'interêt de garder des « balles » pour plus tard ne mérite que le mépris.
Steve Garey a eu le culot de dire à des travailleurs en grève que le plus grand danger pour leur lutte était que de plus en plus des travailleurs se découragent et traversent les piquets de grève. « Nous ne pouvons pas nous trahir les uns les autres », a déclaré Garey, tandis qu'en même temps il défendait la trahison de la direction de l'USW.
La grève dure depuis plus d'un mois et les entreprises restent intransigeantes après avoir fait sept « offres » insultantes. L'USW a reconnu que les négociations, qui doivent reprendre mercredi, sont en grande partie une farce et que les compagnies pétrolières ignorent ce que les négociateurs syndicaux eux-mêmes admettent être des « revendications maigres. »
Les entreprises se sont préparées pour une bataille de plusieurs mois, déplaçant des cadres et des briseurs de grève dans tout le pays pour maintenir leurs raffineries en exploitation. Les travailleurs eux, ont des ressources limitées, sans soins de santé et au mieux un allocation de grève misérable du syndicat.
Si l'USW a pas « tiré toutes ses balles », c'est parce qu'il craint le développement d'un mouvement plus large des travailleurs, qui pourrait rapidement prendre des dimensions politiques, exposant son alliance anti-ouvrière avec Obama et les démocrates.
L'USW a passé six ans à répandre le mensonge qu'Obama était un « ami des travailleurs » et ne veut pas d'un affrontement qui montrerait que le président et le Parti démocrate, tout comme son homologue républicain, sont des ennemis de la classe ouvrière et des instruments de Wall Street et des grandes sociétés pétrolières.
Le mois dernier, la Maison Blanche est intervenue pour bloquer une grève de 20 000 dockers de la côte pacifique et a appelé l'International Longshore and Warehouse Union (le syndicat international des dockers et des ouvriers d'entrepôt - ILWU) à imposer un accord de capitulation qui va encore détruire des emplois et des droits conquis par les précédentes générations de dockers.
La réduction des salaires des travailleurs de l'industrie a été la pièce maîtresse de la « reprise économique » d'Obama, c'est à dire le renforcement des bénéfices des sociétés et du marché boursier. Cela a commencé par la réduction de moitié du salaire des travailleurs de l'automobile nouvellement embauchés dans le cadre de la faillite forcée de General Motors 2009 et Chrysler. Dans cette offensive, Obama a reçu le plein appui des syndicats, y compris celui de l'USW dont le président, Leo Gerard, a été nommé au 'Conseil de partenariat dans la fabrication de pointe' pour aider Obama à réduire les coûts de main-d'œuvre.
Jim Savage, le président de l'USW local 10-1 à Philadelphie, incarne la conspiration anti-ouvrière des syndicats, des entreprises et des deux grands partis politiques. En 2012, il a joué un rôle clé pour imposer des concessions, y compris la réduction des prestations de retraite et du paiement des heures supplémentaires, pour inciter le Carlyle Group, un fonds d'investissement privé, à reprendre la raffinerie Sunoco à Philadelphie.
Quelque cinq millions de travailleurs, enseignants, ouvriers de l'automobile, ouvriers des télécoms de Verizon, et d'autres, voient leurs contrats de travail expirer cette année. L'administration Obama et les dirigeants syndicaux sont effrayés à l'idée que la grève du pétrole puisse devenir le catalyseur d'un mouvement plus large de la classe ouvrière.
Redoutant une « poussée des salaires » de la part des travailleurs américains, le plan de l'élite patronale et financière est d'intensifier leur guerre contre la classe ouvrière. Ils sont déterminés à réduire les travailleurs à des conditions d'esclavage industriel et de pauvreté telles qu'on n'en a pas connu depuis le 19e siècle.
Comme l'a dit un gréviste de Whiting au WSWS, « Nous nous battons pour tous les travailleurs. J'ai servi dans l'armée et j'ai été dans de nombreux pays, les Philippines, l'Indonésie, et de nombreux pays du tiers monde. Les sociétés veulent transformer ce pays en un pays du tiers monde. »
Un autre a dit : « Cette année va être une grande année pour ce qui est d'une contre-offensive des travailleurs. Je vous garantis que d'ici 2016, si nous n'avons pas une révolution, nous n'en seront certainement pas loin. »
Les travailleurs cherchent à rompre le sabotage des syndicats et à mobiliser leur force. Il faut pour cela construire de nouvelles organisations de lutte, contrôlées par les travailleurs de la base et complètement indépendants des syndicats pro-patronat et des deux partis de la grande bourgeoisie.
La construction de tels comités ouvriers doit s'accompagner d'une nouvelle perspective politique, fondée sur une rupture d'avec les deux partis représentant la grande entreprise aux Etats-Unis, sur la construction d'un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière, sur la lutte pour l'unité internationale des travailleurs, et sur un programme socialiste qui comprend la nationalisation de l'industrie pétrolière et sa mise sous contrôle démocratique de la population travailleuse.
(Article original publié le 2 mars 2015)