Les bourses dans le monde semblent avoir résisté à l’onde de choc initiale du « Non » massif du référendum grec, en grande partie dû à la conviction que le gouvernement Syriza est encore plus anxieux d’obtenir un accord avec l’Union européenne et le Fonds monétaire international pour imposer l’austérité.
Dans le même temps, les marchés financiers pourraient bientôt être touchés par l’effondrement en cours du prix des actions chinoises.
Lundi, l’indice Dow Jones de New York était en baisse de seulement 47 points soit 0,3 pour cent, tandis que les marchés européens ont baissé entre 1 et 2 pour cent.
La réaction relativement modérée des marchés à la situation grecque, du moins pour le moment, ne repose pas seulement sur leur appréciation que le gouvernement Syriza va encore plus à droite. Elle reflète aussi des changements dans la composition de la dette grecque ces sept dernières années.
En 2008, lorsque la crise financière mondiale a éclaté, les banques privées ont été exposées à la Grèce à hauteur de $300 milliards, réduits à $54 milliards aujourd’hui grâce à des opérations de sauvetage organisées par l’UE, le FMI et la Banque centrale européenne. En 2012, lorsque les marchés ont craint une sortie de la Grèce de la zone euro, environ 80 pour cent de la dette grecque étaient dus aux banques privées et 20 pour cent à des institutions publiques. Ce rapport a été inversé.
Sur les plus de €200 milliards du plan de sauvetage, seuls 11 pour cent sont parvenus au gouvernement grec. Le reste a été utilisé pour rembourser des dettes bancaires privées, une opération financée par l’appauvrissement de millions de travailleurs et de jeunes en Grèce. Le produit intérieur brut a chuté d’environ 25 pour cent. De plus, l’argent fourni pour le plan de sauvetage des banques a aussi contribué aux exigences croissantes d’austérité de la part des élites dirigeantes de toute l’Europe.
Si les spéculateurs financiers ont été soulagés que la turbulence causée par le referendum grec n’a pas encore été aussi marquée qu’on aurait pu s’y attendre, la crise sur les marchés et dans le système financier chinois se profile comme une nouvelle menace.
Les mesures d’urgence prises par le gouvernement chinois au cours du dernier week-end, dont l’engagement explicite des banques centrales du pays de fournir une quantité illimitée d’argent, ont largement échoué à arrêter une chute qui a anéanti presque $3000 milliards de dollars de capitalisation boursière au cours du mois passé.
L’indice composite de Shanghai a ouvert hier avec une hausse de 7,8 pour cent, mais a ensuite clôturé avec un gain de 2,4 pour cent seulement pour la journée, après avoir glissé deux fois en territoire négatif. L’indice de Shenzhen, qualifié de « Tech-lourd, » a fini en baisse de 2,7 pour cent après avoir connu d’importantes fluctuations au cours de la journée.
La semaine dernière, les titres de Shanghai avaient chuté de 12,1 pour cent, ce qui porte à près de 30 pour cent la baisse du marché depuis le sommet atteint le 12 juin. Si les marchés n’avaient pas récupéré un peu lundi, le gouvernement aurait eu affaire à une crise majeure. Même si l’indice de Shanghai a légèrement augmenté, quelque 649 actions ont connu une baisse et seulement 259 ont augmenté.
Le gouvernement espérait qu’après avoir pris des mesures pour doper le marché – fourniture de fonds, mesures contre la vente à découvert, interdiction de délivrance d’offres publiques d’achat pour maintenir le flux d’argent dans les titres existants et une directive de la caisse de retraite de l’État d’acheter et de ne pas vendre – celui-ci aurait connu une hausse significative. Mais la réaction d’hier n’a soulevé que de nouvelles interrogations sur sa capacité à stopper la chute.
Selon Fraser Howie, directeur général de Newedge Singapour, qui est considéré comme un expert des marchés de capitaux chinois: « Il est clair que la réaction du marché était bien loin ce qu’on avait espéré. Lorsque vous regardez l’ensemble de mesures... toutes les mesures possibles et imaginables ont été lancées sur le marché et pourtant le bilan au bout du compte était, franchement, assez lamentable. »
L’offensive de propagande menée par la presse officielle traduit l’ampleur de l’inquiétude du gouvernement. La presse décrit le Parti communiste chinois (PCC) comme « capable et confiant » de garantir que les marchés resteraient « stables et solides ».
Selon un éditorial du Quotidien du peuple, principal journal du PCC: « Il est urgent de ramener les marchés d’actions de type A [titres cotés seulement en renminbi] sur une voie rationnelle, car la volatilité du marché nuit au développement sain et stable du marché des capitaux ».
Les marchés de capitaux ne sont pas les seuls à être menacés. La crise pourrait se transmettre à l’économie en général, alors que la croissance est à son plus bas niveau depuis presque un quart de siècle. Selon la plupart des prévisions, la croissance chinoise n’atteindra pas cette année l’objectif officiel d’environ 7 pour cent et pourrait baisser jusqu’à 4 pour cent.
Le boom boursier avait commencé il y a un an, Pékin ayant encouragé des familles aisées de la classe moyenne à entrer sur le marché et implicitement promis que la garantie du système financier par l’État assurait qu’elles pourraient accroître leur richesse.
C’était une tentative de trouver une nouvelle source de croissance, alors que le boom de l’investissement et des infrastructures organisé par Pékin après la crise de 2008-2009 rencontrait des problèmes. Les nouveaux appartements invendus s’accumulaient, comme les dettes des autorités locales.
Sous le président Xi Jinping, le gouvernement espérait également que la création d’une couche de la classe moyenne détentrice d’actions serait une source de stabilité politique et sociale au moment où il cherchait à ouvrir l’économie chinoise aux marchés financiers.
En conséquence, la bourse chinoise est à présent dominée par de petits investisseurs individuels qui, à la fin de 2014, détenaient plus de 80 pour cent des actions, plutôt que par de grandes institutions. Il y a entre 70 et 80 millions de comptes de trading en Chine, dont 40 millions ont commencé à investir cette année. Beaucoup d’entre eux utilisent des fonds empruntés pour financer l’achat d’actions.
On estime qu’environ 17 pour cent du marché chinois sont financés par des prêts sur marge, où les actions servent de garantie à des prêts assujettis à un remboursement en cas de baisse de leur prix.
Ayant été attirés sur le marché par Pékin, ces particuliers risquent à présent d’être ruinés si le plongeon de la bourse se poursuit, avec des conséquences politiques importantes pour le régime.
« Si la bourse s’effondre, l’économie est finie et ceci provoquera de l’instabilité sociale, » a dit Yang Fan, économiste en chef de l’Université chinoise de science politique et de droit, à l’Australian Financial Review.
Harry Harding, professeur à l’Université de Science et de Technologie de Hong Kong, a déclaré au New York Times que la baisse continue du marché pourrait avoir trois conséquences: des pertes pour les ménages, une croissance économique plus lente et une réaction politique contre Xi.
« Les couteaux sont tirés et d’importantes forces espèrent qu’il va échouer », a dit Harding, parlant de la lutte au sommet du PCC au sein duquel Xi a monté une campagne anticorruption contre ses adversaires.
Outre les effets cités par Harding, il y a l’impact sur l’économie mondiale et le système financier. Selon certains critères, la Chine est déjà la plus grande économie du monde; elle représente 30 pour cent de la croissance économique mondiale. Une crise financière chinoise toucherait le monde entier, à la fois en raison de la dépendance des grandes économies de la Chine et de ses liens avec le système financier mondial, notamment à travers des achats d’obligations du Trésor américain.
Autre signe de crise, le territoire américain de Puerto Rico est au bord de l’effondrement. Ayant tenté pendant des années de rembourser la dette, le gouverneur a annoncé qu’il était impossible de continuer et que l’île devait restructurer sa dette de 72 milliards de dollars. Ayant subi une réduction de 13 pour cent du produit intérieur brut réel au cours de la dernière décennie, traitée de « spirale de la mort » par le gouverneur, le Puerto Rico se trouve dans une crise qui montre que la Grèce n’est pas une exception, mais bien la manifestation d’un processus mondial.
(Article paru d'abord en anglais le 7 juillet 2015)