Dans une action qui prépare ouvertement une guerre avec la Russie, les Etats-Unis vont stationner en permanence des chars et d'autres armes lourdes ainsi qu'une force de 5.000 soldats dans les Etats baltes et d'autres pays de l'OTAN, en Europe de l'Est ou dans l'ancienne URSS .
L'action, d'abord rapportée ce week-end par le New York Times, a été confirmée dimanche par le Ministère de la Défense polonais, selon lequel Washington négocie avec Varsovie un plan pour déployer des armes lourdes sur le sol polonais. Le ministre de la Défense Tomasz Siemoniak a indiqué qu'il avait discuté du plan en mai avec des responsables militaires à Washington, et qu'on lui avait dit qu'une décision serait prise bientôt.
Le pré-positionnement des chars, d'obusiers blindés et d'autres armes marque une escalade majeure de l'effort mené par les États-Unis pour contraindre la Russie à accepter la domination américaine de l'Eurasie et la réduction de la Russie à un rang semi-colonial. Il menace toute la région, déjà truffée d'armes, d'une guerre qui pourrait terminer par un holocauste nucléaire.
Quels que soient les projets discutés par les pyromanes du Pentagone et de la CIA qui formulent la politique américaine, le stationnement d'armes et de troupes américaines dans les pays baltes ainsi qu'en Pologne, en Roumanie, en Bulgarie et peut-être en Hongrie, accentue dramatiquement la possibilité qu'un incident relativement mineur dégénère en une guerre à grande échelle.
L'OTAN effectue déjà des exercices militaires tout au long de la frontière occidentale de la Russie, de l'océan Arctique aux mers Baltique et Noire. L'OTAN développe une force de réaction rapide conçue pour intervenir contre la Russie en quelques jours. Des dizaines d'incidents entre des avions et des navires russes et de l'OTAN ont déjà eu lieu.
Le dernier incident signalé est survenu jeudi dernier, lorsque, selon un communiqué du Pentagone publié samedi, un avion de surveillance russe a survolé quatre navires de l'OTAN en mer Baltique. Un des navires était le contre-torpilleur américain Jason Dunham. Les autres étaient britannique, français et allemand.
En même temps, Washington et ses alliés de l'OTAN financent et arment un régime d'ultra-droite et farouchement anti-russe à Kiev qui mène une guerre civile sanglante contre les régions russophones d'Ukraine orientale.
Tous les gouvernements post-soviétiques qui recevront des armes et des troupes américaines sont de droite, anti-russes et très instables. Ravagés par des crises internes, ils imposent des politiques d'austérité brutales malgré l'opposition populaire. Cela augmente le risque qu'ils pourraient fabriquer un incident pour provoquer des représailles russes et ainsi créer un prétexte pour une guerre.
Le New York Times cite Raimonds Vejonis, le ministre de la défense letton, qui deviendra le président du pays en juillet: « Si quelque chose arrive, nous n'attendrons pas des jours ou des semaines pour plus d'équipement. Nous devons réagir immédiatement ».
En promettant d'intervenir militairement contre la Russie pour défendre ces pays, l'impérialisme américain fait peser une menace immense sur le sort des peuples américain et du monde entier. Cela se fait, d'ailleurs, dans le dos de la population, sans discussion ni débat publics et sans même la formalité de l'autorisation du Congrès (qui serait accordée si exigée par les militaires).
En septembre dernier, le président Obama est allé en Estonie. Il s'est engagé sans réserve à mobiliser les troupes américaines pour défendre les États baltes contre la menace supposée de la Russie. « En tant qu’alliés de l'OTAN », a-t-il dit, « nous avons des devoirs dans l’Article 5 envers notre défense collective. C'est un engagement indéfectible. Il est inébranlable. Il est éternel ».
Il a souligné que son engagement impliquait la mobilisation de « troupes sur le terrain ».
L'article du New York Times, qui est favorable au plan américain, précise qu'il marque une escalade majeure de l'offensive américaine contre la Russie: « Ce serait la plus importante d'une série de démarches que les Etats-Unis et l'OTAN ont prises pour renforcer leurs forces dans la région, et démontrer clairement aux alliés et au président de la Russie Vladimir V. Poutine leur détermination, que les États-Unis sauraient défendre les membres de l'alliance voisins de la Russie ».
Le Times laisse entendre que le plan, que le secrétaire de la Défense Ashton Carter et l'Administration Obama doivent entériner avant une réunion des ministes de l'OTAN ce mois-ci, viole l'accord de 1997 entre la Russie et l'OTAN qui donnait des garanties à Moscou contre l'expansion vers l'est de l'alliance et d'éventuelles menaces militaires contre la Russie.
Ces garanties comprenaient un engagement que l'OTAN ne stationnerait pas de troupes à l'intérieur de l'ancienne sphère d'influence soviétique. Selon le Times, «L'accord dit aussi que ‘l'OTAN et la Russie ne se considèrent pas comme des adversaires’. Beaucoup de membres de l'alliance soutiennent que les actions russes de plus en plus agressives autour des frontières de l’OTAN rendent en réalité ce pacte discutable ».
Selon les informations du Times, fournies par des responsables anonymes « américains et alliés», le plan prévoit de fournir des équipements suffisants pour une compagnie de 150 soldats dans chacun des pays baltes, et du matériel militaire suffisant pour un bataillon (environ 750 soldats) en Pologne, en Roumanie, en Bulgarie et éventuellement en Hongrie.
« L’équipement d'une brigade – appelée le European Security Set (Dispositif européen de sécurité) - comprendrait environ 1.200 véhicules, dont 250 chars M1-A2, des véhicules de combat Bradley, et des obusiers blindés, selon un haut responsable militaire », précise l’article.
« C'est un changement de politique très significatif », a déclaré James G. Stavridis, un amiral à la retraite et ancien commandant suprême des alliés de l'OTAN, dont les commentaires laissent prévoir une nouvelle escalade. « On fournit un niveau raisonnable de rassurance aux alliés nerveux, bien que rien ne soit aussi bon que les troupes stationnées à plein temps sur le terrain, bien sûr ».
L'article fait une comparaison menaçante entre ce plan et les actions américaines aux périodes les plus intenses de la guerre froide et avant l'invasion de l'Irak. Il compare ce pré-positionnement d'armes lourdes en Europe de l'Est à la Brigade de Berlin, envoyée lors de la crise du mur de Berlin de 1961, et à la présence américaine au Koweït qui a préparé la guerre de 2003.
Le Times présente l’escalade irresponsable de Washington comme une mesure défensive pour «dissuader une éventuelle agression russe en Europe ». Cela inverse la réalité.
En fait, les agresseurs sont les États-Unis et l'OTAN. La crise actuelle a été déclenchée par le putsch du Maidan en février 2014 qui a renversé le gouvernement pro-russe de Viktor Ianoukovitch.
Washington et Berlin avaient orchestré le coup d'Etat, dirigé par des milices fascistes qui vénèrent les forces nationalistes ukraniennes qui ont collaboré avec l'occupation nazie et la Shoah pendant la Seconde Guerre mondiale. Lorsque les russophones ukrainiens dans l'est du pays se sont soulevés contre le régime d'extrême-droite à Kiev, ce dernier a lancé une guerre civile sanglante avec l'appui de Washington.
Le coup d'Etat lui-même était le point culminant de la politique impérialiste américaine depuis la dissolution de l'URSS en 1991, qui se donne l'objectif implacable d’isoler et d'affaiblir la Russie afin de subordonner les vastes ressources de l'Eurasie à la domination des États-Unis.
L'OTAN s'est étendu vers l’est pour englober les anciens pays du Pacte de Varsovie et les anciennes républiques soviétiques baltes. Il y a une série d'action agressives, dont la première guerre du Golfe (1991) contre l'Irak, l'éclatement de la Yougoslavie et la guerre contre la Serbie (1999), les «révolutions de couleur » en Géorgie et en Ukraine (2003-2004), l'attaque géorgienne sur les forces russes (2008), les sanctions et les menaces de guerre contre l'Iran, et la guerre civile soutenue par Washington contre le régime syrien.
(Article original paru le 15 juin 2015)