Lundi soir, la chancelière allemande Angela Merkel, le président français François Hollande et le président de la Commission de l'Union européenne Jean-Claude Juncker ont tenu une réunion à Berlin pour discuter de la crise en Grèce. Ils auraient été rejoints par Mario Draghi, président de la BCE et Christine Lagarde, directrice du FMI.
Merkel, Hollande et le premier ministre grec Alexis Tsipras avaient eu une conférence téléphonique la veille. Les négociations sur le programme général de la dette et de l'austérité en Grèce entrent dans leur cinquième mois. Ces réunions suivent l'échec, ces derniers jours, de la dernière série de pourparlers « techniques » entre les représentants de l'UE, de la BCE et du FMI et Athènes.
Au moment des pourparlers de lundi, la spéculation a commencé à monter sur le fait qu'on était arrivé à un « dénouement ». Le Guardian faisait remarquer que « Il y a plein de rumeurs selon lesquelles Athènes est sur le point de recevoir une proposition « à prendre ou à laisser ».
L'Etat grec doit plus de €300 milliards et ses caisses sont pratiquement vides. Athènes doit faire au FMI un paiement de €300 millions vendredi et de €1,2 milliards dans les deux prochaines semaines. Le programme d'austérité expire le 30 juin et certains responsables affirment que si aucun accord n’est atteint cette semaine, ce serait la fin du processus. Tout accord pour de nouveaux fonds à la Grèce doit être voté dans un certain nombre de parlements nationaux dont l'Allemagne, et il n'y aura pas suffisamment de temps pour cela.
La Grèce doit encore recevoir € 7,2 milliards, la dernière tranche du prêt de la troïka qui était subordonnée à la mise en œuvre de l'accord d'austérité conclu avec le gouvernement Nouvelle Démocratie/PASOK précédent et accepté par Syriza en février. Depuis août dernier, la troïka a refusé tout financement à la Grèce. On n'a rien donné à Syriza, puisqu'il a été incapable de parvenir à un accord pour imposer les mesures d'austérité encore plus draconiennes exigées.
Des milliards d'euros continuent de sortir des banques grecques et le rythme augmente. En seulement deux jours la semaine dernière, plus de €800 millions d'économies ont été ainsi retirés. Depuis la campagne électorale de décembre, €31 milliards (18,8 pour cent du total des dépôts) ont quitté les banques. Les dépôts privés sont maintenant à leur niveau le plus bas depuis 2004. Commentant cette situation périlleuse, The Economist écrit: « La position des banques grecques est presque aussi intenable que celle du gouvernement; on peut se demander qui va craquer le premier ».
Juncker, qui a récemment fait pression pour un accord avec la Grèce pour donner plus de temps à Athènes pour imposer l'austérité, a déclaré dans un article du Süddeutsche Zeitung lundi, « Je ne partage pas l'idée que nous aurons moins de soucis et de contraintes si la Grèce abandonnait l'euro ». Il a averti que si un pays devait sortir de l'euro, « ceci fixerait l'idée dans les têtes que l'euro n’est pas irréversible. »
Juncker exprime les préoccupations de secteurs de l'élite dirigeante euuropéenne qui craignent une sortie grecque de la zone euro dans une situation où les conditions économiques et sociales se dégradent et où l’instabilité politique augmente sur le continent. Cependant, de nombreuses autres voix exigent une capitulation totale d'Athènes. Si un accord sort des pourparlers entre Merkel, Hollande et Juncker, il sera en réalité un édit contenant les termes de la reddition de Syriza.
Malgré le fait que le gouvernement grec ait affirmé il y a quelques jours qu'un accord était proche, le porte-parole de Merkel, Steffen Seibert, a déclaré lundi qu'Athènes devait convenir d'un « ensemble de réformes ambitieuses »
Le porte-parole du ministère des Finances allemand Martin Jaeger a dit: « Le but de ces mesures individuelles est de restaurer la viabilité de la dette de la Grèce. »
Lundi, Le Monde a publié un article de Tsipras se plaignant de « l'absence d'un accord pour l'instant, qui n’est pas la faute d’une supposée position intransigeante, incompréhensible et sans compromis des Grecs ».
La raison du retard d’un accord était plutôt « l'insistance de certains acteurs institutionnels sur la présentation de propositions absurdes et affichant une indifférence totale au récent choix démocratique du peuple grec ».
Cette déclaration est un verdict accablant de la perspective de Syriza, qui a affirmé que suite au rejet massif de l'austérité par la population grecque, il était possible de parvenir à un règlement à l’amiable négocié avec la troïka sur la dette de la Grèce, sur la base d’un maintien d'Athènes dans la zone euro.
Tsipras a dit que l'objectif de Syriza était de mettre fin aux scénarios qui « empêchent la stabilisation à long terme de l'économie européenne et peuvent, à tout moment, affaiblir la confiance des citoyens et des investisseurs dans notre monnaie commune ».
La Grèce avait « montré qu'elle veut respecter ses obligations extérieures, ayant payé plus de €17 milliards d’intérêts et amortissements (environ 10% de son PIB) depuis août 2014 sans financement extérieur ».
Il convient de noter que Syriza a remis la plus grande partie de ce montant, plus de €13 milliards, à la troïka et aux banques internationales.
Syriza avait soumis des propositions « avec l'intention de parvenir à un accord qui concilierait le respect du mandat du peuple grec et le respect des règles et décisions à l’égard de la zone euro ».
Sur cette base, « nous avons également proposé des plans très détaillés et spécifiques » dans les négociations qui ont « réduit l’écart qui séparait nos positions respectives il y a quelques mois ».
Ceux-ci comprenaient des concessions sur les droits à la retraite, les privatisations et la TVA, a-t-il dit. Syriza a l’intention d’abroger « des dispositions qui permettent à tort la retraite anticipée, ce qui augmente l'âge réel de la retraite ». Quant aux négociations collectives, Syriza ne veut « rien de plus que ce qui est pratique courante dans tous les pays de la zone euro ».
Dans une réfutation accablante de ses propres affirmations, Tsipras commente qu'une « scission et la division de la zone euro, et par conséquent de l'UE » est en cours.
Décrivant les événements relatifs à la Grèce depuis 2010, il écrit: « La première étape pour accomplir cela est de créer une zone euro à deux vitesses où le ‘noyau’ fixera des règles strictes d'austérité et d'adaptation et nommera un ‘super’ ministre des Finances de la ZE [la zone euro] au pouvoir illimité, ayant même la capacité de rejeter les budgets des Etats souverains qui ne sont pas alignés sur les doctrines du néolibéralisme extrême ».
Si cela continue, « les élections devraient être supprimées dans ces pays » soumis aux programmes d'austérité. « Notamment, il nous faudrait accepter que les institutions nomment les ministres et premiers ministres et que les citoyens soient privés du droit de vote jusqu'à l'achèvement du programme ».
Ce que cela veut dire, a poursuivi Tsipras, c'est « l'abolition complète de la démocratie en Europe » et « la fin de toute prétention de démocratie et le début de la désintégration et d'une division inacceptable de l'Europe unie ».
Pour toute personne opposée à ce cours, il y aura des, « [P]unitions sévères. L'austérité obligatoire. Et pire encore, davantage de restrictions du mouvement des capitaux, des sanctions disciplinaires, des amendes et même une monnaie parallèle. A en juger par les circonstances actuelles, il apparaît que cette nouvelle puissance européenne est en cours de construction, avec la Grèce comme première victime ».
Syriza représente des secteurs de l'élite dirigeante grecque et des couches les plus aisées de la classe moyenne. Il est hostile à une résolution de la crise par la mobilisation de la force de la classe ouvrière en Grèce, en Europe et au plan international dans une lutte pour renverser le capitalisme avec une perspective socialiste.
La recette de Tsipras est que Merkel, Hollande et toutes les autres figures de l’austérité en Europe viennent à la rescousse! Expliquant l’orientation pro-capitaliste de Syriza, il déclare: « Après les concessions importantes faites par le gouvernement grec, la décision n’est pas à présent entre les mains des institutions qui, de toutes manières – à l'exception de la Commission européenne – ne sont ni élues ni responsables devant le peuple, mais plutôt dans les mains des dirigeants de l'Europe ».[italiques ajoutées]
La Commission européenne a répondu aux supplications désespérées de Tsipras par une déclaration cinglante de la porte-parole de M. Juncker, Mina Andreeva. Celle-ci a dit aux journalistes, « ce qui importe plus que des articles d’opinion sont des propositions concrètes de réforme »
(Article original paru le 2 juin 2015)