L’Union européenne prolonge les sanctions économiques contre la Russie

La prolongation de six mois des sanctions économiques européennes contre la Russie, adoptée mercredi à Bruxelles par les ambassadeurs des 28 états membres de l’UE, marque un jalon dans la campagne impérialiste de l’OTAN contre ce pays.

Ces sanctions, initialement imposées après la destruction (toujours non éclaircie) en juillet dernier du vol MH17 en Ukraine, visaient l’exportation de matériel à l’industrie pétrolière russe et l’accès au crédit des banques européennes. L’UE étant le plus grand partenaire commercial de la Russie et son plus grand investisseur, les sanctions ont joué un rôle clé dans l’effondrement du rouble russe l’an dernier.

À présent, l’UE cite les combats dans l’Est de l’Ukraine, qui continuent malgré les accords de paix négociés en février à Minsk entre le régime de Kiev et les séparatistes prorusses, pour justifier les sanctions. Selon des responsables de l’UE, « L’idée est de prolonger [les sanctions] jusqu’à la fin janvier pour donner le temps d’examiner les progrès sur l’accord de Minsk avant d’avoir à prendre une nouvelle décision. » « Les ministres des Affaires étrangères de l’UE finaliseront la décision lundi au Luxembourg, » a dit sur Twitter le représentant permanent de la Pologne à l’UE.

Les responsables russes accusent Kiev d’avoir provoqué les récents combats dans l’est de l’Ukraine afin de fournir un prétexte à cette décision. « C’est évident qu’il y a des forces dans le monde et en Ukraine, qui s’intéressent à une détérioration de la situation sur le terrain avant les grandes rencontres internationales, dont les sommets de l’UE, afin de pousser la communauté internationale à étendre les sanctions et à en imposer davantage » a dit le ministre adjoint des Affaires étrangères Alexeï Meshkov.

Néanmoins, Meshkov n’a ni condamné les sanctions ni demandé à l’UE de les arrêter. Il a dit que les responsables russes étaient « réalistes, nous analysons attentivement ce que nos partenaires occidentaux disent (...) La Russie n’a pas imposé de sanctions, nous ne demandons à personne de les lever. »

Ces sanctions de l’UE font partie d’une vaste campagne du capital financier européen et américain ayant pour but d’isoler la Russie, la menaçant de faillite et de guerre, pour finalement la réduire à l’état d’une semi-colonie et établir l’hégémonie des puissances de l’OTAN, dirigée par Washington, sur toute l’Eurasie. Cette politique par essence criminelle, lancée l’an dernier par l’OTAN en soutenant un putsch droitier contre un régime prorusse en Ukraine, menace de conduire à une guerre totale avec la Russie, une puissance nucléaire.

En février, Washington a proposé d’armer directement les forces de Kiev contre les séparatistes prorusses; au début de juin, des responsables du Pentagone ont témoigné devant le Congrès que Washington préparait des attaques de missiles contre la Russie.

Les sanctions de l’UE sont l’arme la plus puissante de l’arsenal financier déployé par l’OTAN pour faire la guerre à la Russie sur le plan économique. Pendant la crise du rouble l’an dernier, la presse financière a calculé que le blocage des crédits européens à la Russie pourrait ruiner des pans entiers de l’économie russe en deux ans. Cette politique tente de convaincre les oligarques capitalistes qui contrôlent l’économie russe postsoviétique de renverser le président Vladimir Poutine et d’installer un régime qui obéirait aux diktats de Washington et de l’UE.

La poursuite d’une telle politique a des implications vastes et imprévisibles. Lors de l’imposition des sanctions l’année dernière, Moscou a accusé l’OTAN de vouloir renverser le régime russe. « Les dirigeants occidentaux affirment publiquement que les sanctions doivent blesser l’économie [russe] et provoquer des manifestations. L’Occident ne veut pas changer la politique de la Russie. Ils veulent un changement de régime, » a dit le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.

Vu que les hommes politiques visés avant par l’OTAN – Slobodan Milosevic en Serbie, Saddam Hussein en Irak ou Mouammar Kadhafi en Libye – sont tous morts prisonniers de forces pro-occidentales, les responsables russes préparent sans aucun doute des politiques aussi désespérées que celles de Washington.

Le maintien des sanctions de l’UE témoigne du caractère antidémocratique et irresponsable de la politique étrangère européenne. Selon un récent sondage Pew, la population de l’UE est opposée à risquer une guerre avec la Russie. Les pouvoirs européens poursuivent une confrontation risquant de dégénérer en guerre totale.

La seule force qui puisse s’opposer à la course à la guerre est la classe ouvrière internationale mobilisée dans une lutte révolutionnaire contre l’impérialisme et le capitalisme. Ni le régime capitaliste russe en faillite ni les forces favorables à la Russie dans la classe dirigeante européenne n’arrêteront cette poussée vers la guerre lancée par les plus puissants pays impérialistes.

L’UE adopte ses sanctions même après que d’importantes sections de la bourgeoisie européenne les ont critiquées comme étant autodestructrices. L’année dernière, le premier ministre hongrois Viktor Orban a dit qu’avec les sanctions, l’UE « se tire une balle dans le pied », et l’ancien premier ministre italien Romano Prodi les a traitées de « suicide collectif. »

« Je ne suis pas pour la politique du pire, je pense que les sanctions doivent s’arrêter, » a déclaré le président français François Hollande en janvier. Il a ajouté, « M. Poutine ne veut pas annexer l’est de l’Ukraine, j’en suis certain. (...) Ce que veut M. Poutine, c’est que l’Ukraine ne bascule pas dans le camp de l’OTAN. L’idée étant pour M. Poutine de ne pas avoir de présence militaire à ses frontières. »

Beaucoup affirment que les sanctions de l’UE sont dangereuses, parce qu'en coupant les liens économiques entre l’Europe et la Russie, elles poussent Moscou vers une alliance avec la Chine, contre l’OTAN.

Après l’annonce des sanctions européennes l’année dernière, Beijing a proposé d’accorder des crédits à la Russie pour l’empêcher de faire faillite. Cette année, le chef du Fonds russe d’investissement direct, Kirill Dmitriev, a dit que la Chine avait investi des dizaines de milliards de dollars en Russie: « D’ici 2 à 3 ans, le flux d’investissement venant de Chine pourrait être égal à celui provenant d’Europe ces dernières années. »

Critique des sanctions contre la Russie, l’ancien ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini, a déclaré : « Je crains que la Russie ne se tourne vers l’Est et ne renforce sa coopération avec la Chine, pour jouer un plus grand rôle en Asie, tirant la conclusion que l’Europe n’a pas d’importance. C’est mon inquiétude et un argument de plus qui indique que cette politique est contraire aux intérêts européens. » 3,7

Mercredi dernier, les représentants de ces gouvernements ont néanmoins tous défendu la ligne avancée par les États-Unis, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, qui veulent une politique dure contre la Russie.

En effet, les responsables italiens et français qui critiquaient les sanctions européennes participent à la même ruée impérialiste pour s’emparer de ressources et de marchés que leurs homologues américains, allemands et britanniques.

(Article paru d'abord en anglais le 19 juin 2015)

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