Le Front commun syndical a officiellement demandé la médiation au gouvernement libéral de Philippe Couillard en raison d’un « blocage important » dans les discussions entourant le renouvellement des conventions collectives dans le secteur public québécois.
Le Secrétariat intersyndical des services publics (SISP), la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) représentent plus de 400.000 travailleurs, soit la grande majorité des employés du secteur public.
La médiation fait partie d’un laborieux processus de 60 jours imposé par le gouvernement. Les syndicats se servent de cette procédure – en plus des longues discussions entourant les services essentiels – pour repousser le plus loin possible une confrontation avec le gouvernement Couillard et étouffer la vive opposition des travailleurs de la base face à l’austérité.
Les syndicats se refusent à mener la moindre action sérieuse de résistance alors que des compressions sont déjà mises en œuvre dans les milieux de la santé et de l’éducation. Dans plusieurs écoles, par exemple, des dizaines de classes et de postes seront supprimées à travers la province dès septembre. La vice-présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Francine Lévesque, a admis que ses membres sont prêts à lutter : « Il y a des syndicats qui sont pressés de nous faire savoir qu’ils sont mobilisés et qu’ils seront prêts à passer à l’action, aussitôt qu’on leur dira que c’est nécessaire de le faire ».
Les compressions imposées à plus d’un demi-million d’employés du secteur public (préposés dans les hôpitaux, infirmières, fonctionnaires, enseignants, employés de soutien, professeurs de cégep, etc.) sont d’une ampleur sans précédent : gel de salaire de deux ans, hausse de l'âge de la retraite, baisse des prestations de retraite et augmentation de la charge de travail. Lors du congrès libéral tenu la fin de semaine dernière, Couillard a indiqué que les mesures actuelles n’étaient qu’un début et que les libéraux prévoyaient entre autres des coupes majeures dans le régime d’assurance-maladie.
Selon les négociateurs de la CSN pour le secteur public, le gouvernement proposait récemment d’augmenter jusqu’à 200 kilomètres le rayon à l’intérieur duquel un travailleur dont le poste est aboli serait tenu d’accepter un autre poste pour conserver sa sécurité d’emploi. Le gouvernement voudrait également pouvoir imposer des horaires atypiques, comme des journées de plus de sept ou huit heures, mais sans que ces heures supplémentaires ne soient payées au taux et demi. Il pourrait aussi y avoir des semaines de travail étalées sur plus de cinq jours.
Les politiques d’austérité ne sont pas uniquement le fait du gouvernement libéral du Québec. Elles sont imposées par la classe dirigeante au Canada, en Amérique du Nord et à travers le monde. Partout, les élites cherchent à restructurer les rapports de classe et à mettre le fardeau de la crise économique sur le dos des travailleurs. Au Québec, tous les partis de l’Assemblée nationale défendent l’idée que l’austérité, d’une façon ou une autre, est indispensable pour éviter un scénario « à la grecque ».
Les compressions exigées par la grande entreprise toucheront l’ensemble des travailleurs, qui sont les principaux utilisateurs des services publics et des programmes sociaux. De plus, les coupures de salaires et d’emplois au public ouvriront la voie à des mesures équivalentes ou pires dans le privé, un secteur où les travailleurs jouissent souvent de conditions et d’acquis sociaux inférieurs.
En dépit de cette réalité, les syndicats pro-nationalistes tentent par tous les moyens d’enfermer les travailleurs du secteur public québécois dans le carcan des négociations collectives pour empêcher que la lutte au Québec ne devienne le fer-de-lance d’une contre-offensive de toute la classe ouvrière canadienne.
Aucune tentative n’est faite, par exemple, pour unir les travailleurs québécois aux enseignants ontariens qui font face à un gel salarial et à une augmentation des tâches. Le gouvernement libéral de Kathleen Wynne a déjà imposé une loi spéciale en mai dernier pour briser des grèves locales et il prépare des mesures législatives plus sévères l’automne prochain contre l’ensemble des enseignants.
Les syndicats s’acharnent à exiger des « négociations de bonne foi » et répètent qu’ils vont respecter toutes les étapes mises en place pour museler l’opposition des travailleurs. Pendant ce temps, le gouvernement a réitéré sa détermination à imposer ses demandes de concessions ainsi que le démantèlement des services publics. Il se dit prêt à utiliser tout l’appareil répressif de l’État pour ce faire, à commencer par une loi spéciale.
Déjà, à la demande expresse du gouvernement, les directions d’établissement de santé tentent d’étouffer le militantisme sur les lieux de travail en empêchant les travailleurs de distribuer des pamphlets contre l’austérité ou de porter des chandails arborant des messages politiques.
Le gouvernement a également montré sa détermination à écraser toute opposition à l’austérité lors de la grève étudiante du printemps dernier en criminalisant quotidiennement les manifestations et en brutalisant les étudiants. Le ministre de l’Éducation est même allé jusqu’à déclarer que le droit de grève n’existait tout simplement pas pour les étudiants.
Les syndicats ne préparent aucunement les travailleurs à faire face à la menace imminente d’une loi spéciale. Au contraire, comme ils l’ont fait à maintes reprises par le passé, les bureaucrates syndicaux en feront un prétexte pour justifier leur propre capitulation.
Tout en laissant croire que des débrayages ponctuels sont prévus cet automne si la médiation ne donne pas de résultats, les syndicats ont indiqué qu’ils veulent éviter à tout prix le déclenchement d’une grève, ce qu’ils qualifient de « bombe atomique ».
La vice-présidente de la CSN, Francine Lévesque, a affirmé que la grève « n'est pas notre objectif » et qu’ « on utilise tous les moyens avant d'en arriver à l'exercice de faire une grève, parce qu'on sait que ça a des impacts qui sont très lourds ». De son côté, le président de la FTQ, Daniel Boyer, a une fois de plus justifié la capitulation totale des syndicats en évoquant la menace d’une loi spéciale. « On a aussi le souci que si on déclenche une grève, ça va peut-être donner des arguments au gouvernement pour décréter [les conditions de travail] », a-t-il fait savoir.
Si les syndicats se sentent forcés, sous la pression des membres de la base, d’organiser des débrayages ponctuels cet automne, il s’agira d’actions futiles visant à évacuer la colère des travailleurs par des appels adressés à la classe dirigeante. Comme toujours, ils demeureront silencieux sur le rôle du Parti québécois et centreront leurs slogans uniquement contre le Parti libéral.
Malgré l’indignation simulée des syndicats face à l’austérité, leur rôle traitre est démontré par le fait que des dirigeants de la FTQ et de la CSN ont collaboré à l’élaboration du projet de loi 57 pro-patronal récemment déposé par le PLQ. Cette législation impose entre autres un fardeau économique supplémentaire aux travailleurs du secteur privé ayant un régime de retraite à prestations déterminées.
En fait, la réelle attitude des syndicats à l’égard de l’austérité est démontrée par leur soutien réaffirmé au Parti québécois après l’élection à la tête du PQ du magnat de la presse et multimillionnaire Pierre-Karl Péladeau, un ultra-droitiste notoire.
Dans leur lutte contre l’austérité, les travailleurs du secteur public font face à une lutte politique non pas seulement contre le gouvernement libéral de Couillard, mais contre l’ensemble de l’élite dirigeante québécoise et canadienne et tout l’appareil d’État, y compris la police et les tribunaux.
Afin de mobiliser leur force, les travailleurs doivent préparer une rupture politique et organisationnelle avec les syndicats nationalistes et pro-capitalistes. Cela signifie tout d’abord de bâtir des comités de lutte des travailleurs de la base, indépendamment des appareils syndicaux et en opposition à eux, dans le but de préparer une grève générale politique pour renverser le gouvernement Couillard et mobiliser les travailleurs canadiens et américains dans une lutte commune contre l’austérité, et pour des gouvernements ouvriers.