Il est maintenant évident, malgré le refus du gouvernement australien de confirmer ou d’infirmer l’allégation, que les autorités australiennes ont payé l'équipage d'un bateau de réfugiés pour qu’il ramène en Indonésie, contre leur volonté, soixante-cinq demandeurs d'asile.
Les gouvernements, libéraux comme travaillistes, ont justifié leur déni du droit qu’ont les réfugiés de demander l'asile en Australie en vertu du droit international en affirmant que cette politique « sauvait des vies ». Cela est censé les décourager de payer des « passeurs criminels » pour les transporter sur des embarcations peu sûres. Ils sont régulièrement interceptés et condamnés à une détention sans fin dans des camps sur des îles lointaines où ils sont « refoulés » afin d' « envoyer un message » à de futurs demandeurs d'asile.
Le dernier incident en date est une démonstration parlante du mensonge et de la criminalité qui caractérisent le régime brutal de la « protection des frontières » en Australie.
Des informations de la police indonésienne indiquent que le bateau a été intercepté par la douane australienne dans les eaux internationales au nord de l'Australie vers le 17 mai. Dès qu'elles ont constaté que sa destination était la Nouvelle-Zélande, les autorités australiennes ont abandonné le navire à son sort, sans se soucier de son état ou de savoir s’il s’agissait de « contrebande humaine ».
Quatre ou cinq jours plus tard, le bateau était intercepté à nouveau par un navire douanier australien. Soi-disant parce que le bateau « n'était pas en état de naviguer », il a été remorqué quatre jours jusqu’à l'île de Greenhill, près de la côte nord de l'Australie. Mais les 65 passagers ne purent pas demander le statut de réfugiés en raison des lois réactionnaires passées par l'ancien gouvernement travailliste, qui a retiré de la zone d'immigration de l’Australie l'ensemble du continent australien – acte sans précédent dans le monde.
Les réfugiés ont ensuite été transférés sur deux petits bateaux en bois fournis par le gouvernement australien. On leur a donné une quantité limitée de carburant et de vivres. L'équipage a été payé entre 5,000 et 6000 dollars américains pour retourner à l'île de Rote, à l'ouest de Timor.
Un des bateaux est tombé en panne de carburant. Avec 71 personnes entassées à son bord il s’est échoué sur des récifs. Les réfugiés ont été contraints de nager environ 90 minutes pour atteindre la petite île de Landu, où l'alerte a été donnée et une opération de sauvetage organisée.
La seule raison pour laquelle l'incident a été connu c'est que les réfugiés ont réussi, contre toute attente, à survivre. Tout indique un plan délibéré des autorités australiennes, de sorte qu'ils ne survivent pas pour relater les faits. Le chef de la police du Timor occidental, le général Endang, a qualifié leur voyage de « mission suicide. »
Il n'y a aucune raison de croire que cet incident est un cas isolé. Combien de réfugiés ont été contraints par les autorités australiennes d'embarquer sur des bateaux sans provisions suffisantes, avec des équipages payés pour les « refouler » et les abandonner ensuite en haute mer? Combien n'ont pas survécu? La politique déclarée du gouvernement est de tout taire sur le coût, en argent ou en vies, des opérations militaires secrètes qu'il mène pour persécuter les réfugiés.
L'ensemble de l'establishment politique est impliqué dans ces crimes. Les paiements aux supposés « passeurs » d’organisations criminelles en Indonésie ont été une caractéristique du régime de « protection des frontières » des gouvernements libéraux et travaillistes depuis 2001. Tout en dénonçant les soi-disant « passeurs » comme de la « racaille criminelle » et des « déchets humains », les autorités australiennes n’ont aucun scrupule à les payer pour aider le gouvernement à priver les réfugiés de leurs droits démocratiques fondamentaux.
L'hypocrisie de l’establishment australien est sans bornes. Le gouvernement et les médias dénoncent faussement la Chine comme une menace pour la « liberté de navigation » en Mer de Chine méridionale et menacent de rejoindre un conflit militaire mené par les USA à ce sujet. Quand il s’agit des eaux situées au nord du continent australien cependant, le gouvernement pratique ce qui revient à de la piraterie et saisissant les bateaux de réfugiés.
La politique australienne de « protection des frontières » est devenue un modèle pour des mesures similaires prises par les pouvoirs européens en Méditerranée, par les États-Unis et par les pays d'Asie du sud-est en réponse à la récente crise qui a vu des milliers de réfugiés bangladeshis et rohingyas piégés en mer.
Un rapport d'Amnesty International publié cette semaine a conclu que le monde vivait la crise de réfugiés la plus grave depuis le déplacement massif de millions de personnes dans la Seconde Guerre mondiale. Bien au-delà de 50 millions de personnes ont été déracinées par les guerres, les guerres civiles, l'effondrement économique et le chaos politique des quinze dernières années – dus en grande partie aux interventions de l’impérialisme américain et de ses alliés, dont l'Australie. Ceux qui risquent tout pour chercher refuge en Australie viennent pour la plupart d'Afghanistan, d'Irak et de la région tamoule ravagée par la guerre au Sri Lanka.
La nature réactionnaire du capitalisme et du système d'États-nation n’est nulle part mieux démontrée que dans l’horrible misère des réfugiés. Dans une situation de crise économique mondiale insurmontable et d’antagonismes sociaux croissants, l’incitation à la xénophobie anti-immigrée est devenue le fonds de commerce des politiciens du monde entier pour justifier des attaques toujours plus sévères contre les droits démocratiques et sociaux de toute la classe ouvrière.
Des millions de personnes en Amérique vivent dans la crainte constante d'être trouvées « illégales », tandis que Washington justifie ses opérations néocoloniales en Amérique centrale et du Sud par la volonté d’arrêter l’arrivée de plus de migrants aux États-Unis ou, ailleurs, sous prétexte de « protéger » les réfugiés. Les pouvoirs européens se préparent à l'occupation militaire de leurs anciennes colonies d'Afrique du Nord et d’Afrique Centrale sous prétexte de vouloir empêcher des gens désespérés de risquer leur vie en traversant la Méditerranée.
En Australie, il existe un rapport direct entre la persécution des réfugiés et la participation du pays aux opérations néocoloniales américaines en Irak et en Afghanistan, menées depuis 2001 sous la bannière frauduleuse de la « guerre contre le terrorisme ». On diabolise les réfugiés, en faisant même des « terroristes », pour justifier le rejet des lois et conventions internationales, et pour détourner la frustration et la colère populaires croissantes face à l'escalade de la crise économique et sociale.
A mesure que les États-Unis et l'Australie renforcent leur position militaire contre la Chine en Asie, « la protection des frontières » devient le prétexte commode pour surveiller et militariser des eaux proches des voies maritimes critiques de l'Indonésie comme les détroits de la Sonde et de Lombok. En cas de guerre avec Pékin, on verrait la stratégie des États-Unis et de l’Australie évoluer facilement des opérations actuelles contre les réfugiés vers un blocus naval visant à étrangler l'économie chinoise.
La classe ouvrière au plan international doit considérer comme un avertissement sévère les violations quotidiennes du droit international infligées aux réfugiés. Celles-ci démontrent que les classes dirigeantes du monde entier sont prêtes à piétiner les droits démocratiques des plus vulnérables et des plus désespérés et n’hésiteront pas à utiliser des méthodes de plus en plus impitoyables pour réprimer l'opposition politique interne à l'inégalité sociale, l'austérité et la guerre.
La lutte pour défendre le droit démocratique fondamental de chaque personne à vivre et à travailler dans le pays de son choix, avec les pleins droits de citoyenneté, est inséparable de la lutte pour l'indépendance politique et l'unité internationale de la classe ouvrière sur la base d'un programme socialiste et internationaliste dirigé contre le système capitaliste de profit.