La perspective d’un accord entre l’Union européenne (UE) et la Grèce pour éviter un défaut du gouvernement grec sur sa dette s’est effacée un peu plus mardi alors que les responsables européens menaçaient de faire basculer la Grèce dans la faillite et que le premier ministre grec, Alexis Tsipras attaquait publiquement l’UE.
Prenant la parole devant le parlement grec, Tsipras a dénoncé les créanciers de la Grèce qui coupent le crédit à l’État grec et menacent de le forcer à la faillite d’ici la fin du mois. Cette faillite ruinerait les banques grecques et pourrait forcer la Grèce à réintroduire une monnaie nationale pour empêcher un effondrement de son système financier. Cela signifierait une sortie de la Grèce (« Grexit ») de l’euro.
Tsipras a dit que le Fonds monétaire international (FMI) portait la « responsabilité pénale » de la crise économique en Grèce et a critiqué des mesures de la part des créanciers officiels, FMI, UE et Banque centrale européenne (BCE) destinées à « étrangler » la Grèce.
« L’insistance des institutions sur la poursuite d’un programme qui a clairement échoué ne peut pas venir d’une erreur ou d’un excès de zèle; il sert très probablement un but politique », a-t-il dit. Il a conclu que les autorités de l’UE « font sans aucun doute une démonstration de force destinée à étouffer toute tentative de mettre un terme à l’austérité. »
Tsipras a cependant aussi signalé qu’il recherchait toujours un accord avec l’UE sur la base de plus d’austérité pour la population grecque au moment même où il lançait un appel pour une large opposition populaire en Grèce à l’UE – dont les mesures d’austérité brutales ont durant six ans rétrécit l’économie du pays de 25 pour cent, augmenté le fardeau de sa dette et appauvri la population.
Tsipras a rencontré Stavros Theodorakis du parti To Potami (« Fleuve »), Fofi Gennimata du parti social-démocrate PASOK et des responsables de Nouvelle Démocratie (ND), parti de droite. Tous ces partis soutiennent un accord d’austérité avec l’UE. Après une rencontre avec Tsipras, Theodorakis a annoncé que celui-ci s’était dit prêt à faire « deux ou trois pas » vers les positions de l’UE. Le gouvernement n’a pas nié l’annonce de Theodorakis.
Selon To Vima, Tsipras a également déclaré qu’il n’hésiterait pas à entrer en conflit avec des éléments de son gouvernement, comme le parti des Grecs indépendants d’extrême droite (Anel) ou la « Plate-forme de gauche, » de Syriza qui a critiqué les tentatives de trouver un accord avec l’UE. « Personne n’est plus à gauche que moi, » a-t-il affirmé.
Cependant, l’exercice cynique d’équilibriste de Tsipras entre opposition populaire à l’austérité et exigences de l’UE devient de plus en plus difficile. Quelques semaines seulement après sa prise de pouvoir en janvier, il avait répudié sa promesse électorale de mettre fin à l’austérité et accepté de prolonger les renflouements austéritaires de l’UE jusqu’à la fin juin. Craignant que Syriza n’ait été discrédité par cette décision, Tsipras tente à présent d’obtenir quelques concessions limitées de l’UE avant d’accepter de poursuivre le programme de celle-ci après la fin de juin.
Mais les autorités grecques et celles de l’UE se préparent en même temps activement à la possibilité qu’une rupture des négociations puisse conduire à un effondrement financier et à un « Grexit ».
Les responsables grecs seraient en train de se préparer à des pénuries potentiellement graves de carburant et de médicaments, que la Grèce importe. Dans l’attente que la valeur d’une future monnaie grecque (la drachme) chute vis-à-vis de l’euro et du dollar, le quotidien Kathimerini écrit, « la crainte est que les prix des importations en drachme vont tout simplement bondir hors de portée. »
Quant aux responsables européens, ils intensifient les menaces de piller la Grèce si elle n’impose pas une nouvelle série de coupes sociales féroces à la population.
« Dans le cas où un paquet de réformes solide ne serait pas présenté, un “Grexit” devrait alors être accepté si nécessaire. Je ne suis plus sûr que le gouvernement grec souhaite vraiment éviter des dommages pour les gens en Grèce », a déclaré Michael Grosse-Broemer, un député de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) en Allemagne.
Les responsables de la BCE précisent qu’un défaut du gouvernement grec pourrait conduire à une coupure des crédits à l’ensemble du système financier grec. Klaas Knot, le directeur de la banque centrale néerlandaise et membre du directoire de la BCE, a déclaré au parlement néerlandais hier que si l’État grec faisait défaut, la BCE n’accepterait plus les garanties des banques grecques pour sécuriser les prêts de la BCE. Après un défaut, a-t-il dit, « un tas de choses se passeraient. »
Lundi, Süddeutsche Zeitung a rapporté que les responsables de l’UE faisaient des plans pour le contrôle des capitaux afin d’empêcher que les déposants grecs ne retirent les euros de leurs comptes bancaires et qu’ils ne perdent leurs fonds dans le krach financier résultant. Des plans sont également en cours pour le cas où Athènes refuserait d’adopter de telles mesures. Ceux-ci comportent des préparatifs pour « isoler » la Grèce du système financier mondial, un peu comme les sanctions financières imposées par Washington à l’Iran.
Athènes a nié l’information de ce journal et les responsables à Berlin ne l’ont ni confirmé ni infirmé.
Alors que les principaux responsables en Europe et aux États-Unis continuent de faire pression pour un règlement négocié entre l’UE et la Grèce, le doute augmente quant à la possibilité de conclure un tel accord.
La chancelière allemande, Angela Merkel, a dit qu’elle ne savait pas si un accord serait conclu lors de la réunion ce jeudi des ministres des Finances de la zone euro à Luxembourg. Elle a dit à une conférence de presse, « Malheureusement, il y a pas grand-chose de neuf à signaler » et ajouté, « J’ai toujours dit que je voulais faire mon possible pour maintenir la Grèce dans la zone euro. J’y reste attachée. »
À Washington, le porte-parole de la Maison-Blanche Josh Earnest a appelé les responsables grecs et de l’UE à continuer de négocier pour établir un « programme de réforme fiable. »
Jens Weidmann de la Bundesbank (banque centrale allemande) a déclaré lors d’une conférence à Francfort que la Grèce n’avait plus beaucoup de temps et qu’il était impossible de suivre les « différents tours et détours » des pourparlers.
La crise grecque a déjà un impact négatif sur la confiance des marchés financiers dans d’autres gouvernements européens, dû à la crainte que la panique financière provoquée par un défaut grec puisse rapidement conduire à une crise plus étendue dans toute l’Europe. Les investisseurs ont fait monter les taux d’intérêt des obligations à 10 ans du Portugal, de l’Espagne et de l’Italie à des sommets, non atteints depuis des mois, de 3,33, 2,53 et 2,45 pour cent, respectivement.
(Article paru d’abord en anglais le 17 juin 2015)