Après des pourparlers avec le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker à Bruxelles le 3 juin, le premier ministre grec Alexis Tsipras a annoncé qu'Athènes était proche d'un accord sur les mesures d'austérité exigées par l'Union européenne (UE) et les banques. Syriza travaille à ce qui serait une capitulation complète devant l'aristocratie financière.
Dans une conférence de presse après minuit, Tsipras a annoncé que son gouvernement était « très proche » d'un accord avec ses créanciers dont la « troïka » (UE, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international).
Les créanciers réclament des milliards d'euros en nouvelles coupes alors que la Grèce a déjà été saignée à blanc par six années d'une austérité draconienne. Ils ont proposé que la Grèce maintienne un excédent budgétaire primaire (recettes gouvernementales moins dépenses, sans inclure les paiements d'intérêts sur la dette nationale) de 1 pour cent du produit intérieur brut (PIB) cette année, qui devra atteindre 3,5 pour cent en 2018. Syriza a proposé un excédent budgétaire primaire de 0,8 pour cent en 2015.
Selon le Financial Times de Londres, « Le FMI reste sceptique que la Grèce puisse atteindre ces objectifs ambitieux et fait pression sur les responsables européens pour qu'ils acceptent la restructuration de la dette grecque, si ces objectif ne sont pas atteints. Mais les négociateurs de l'UE n'ont pas accepté les exigences du FMI et aucun allègement de la dette n'est inclu dans le document ».
Tsipras a écarté les déclarations de responsables de Syriza à Athènes qu’ils pourraient menacer de refuser un prochain paiement de €305 millions au FMI pour augmenter la force de Syriza dans les pourparlers. Citant la décision de son gouvernement de piller les milliards de fonds publics des hôpitaux, universités et collectivités territoriales pour rembourser les banques, il a dit, « Ne vous inquiétez pas à ce sujet. Nous avons déjà payé 7,5 milliards » et, « nous allons continuer ».
Syriza et l'UE négocient toujours sur l’ampleur des coupes dans les retraites et l'augmentation de la taxe régressive sur la valeur ajoutée (TVA) à imposer aux travailleurs grecs. Le document de l'UE exige des attaques encore plus dévastatrices du niveau de vie de millions de gens et insisterait pour que la Grèce atteigne un « déficit zéro » de son régime public de retraite. Cela forcerait Athènes à réduire les pensions.
Tsipras a fait quelques objections aux propositions d’augmenter la TVA sur l'électricité et aux réductions des prestations pour les pauvres et a déclaré que les pourparlers devraient aboutir à un « point de vue réaliste ».
Les responsables de l'UE ont applaudi les pourparlers. La Commission européenne a qualifié la réunion de « constructive » et a déclaré qu'« un travail intense se poursuivra ». Le président de l'Eurogroupe, le ministre néerlandais des Finances Jeroen Dijsselbloem, qui a assisté aux pourparlers, a dit aux journalistes : « Une très bonne réunion, nous poursuivrons les négociations dans quelques jours ».
Lors d'une conférence de presse à Berlin avec le sanguinaire dictateur égyptien Abdel Fattah al-Sisi, la chancelière allemande Angela Merkel a déclaré: « L'Allemagne travaille avec la Grèce et les institutions à compléter la transaction dans le calendrier qui a été défini. Nous travaillons de manière intensive afin d'atteindre cet objectif. »
Syriza, qui a remporté l'élection de janvier en promettant de mettre fin à l'austérité, s’est révélé être un piège réactionnaire pour la classe ouvrière. Le parti a rejeté tous les appels à mobiliser le sentiment anti-austérité de la classe ouvrière en Europe et ailleurs, et a promis au lieu de cela qu'il négocierait un meilleur accord avec l'UE.
Syriza a seulement gagné du temps pour permettre à la classe capitaliste grecque de peaufiner ses arrangements avec l’UE et a fonctionné comme une agence de recouvrement pour le capital financier. Maintenant que se tarit le flux de trésorerie obtenu en pillant les réserves de liquidités des institutions publiques grecques, la pression s’accroit sur Syriza et l'UE de parvenir à un accord pour garantir que la Grèce respecte coûte que coûte les échéances de remboursements imminents. Cet accord se fait presque entièrement aux termes de l'UE.
La Grèce, a écrit le Wall Street Journal, « a probablement besoin d'une certaine aide d’ici mi-juin pour rembourser une série de prêts du Fonds monétaire international qui tombent à échéance ... les fonctionnaires européens disent qu’Athènes ne peut probablement pas répondre à d'autres remboursements au FMI en juin totalisant environ € 1,25 milliards, à moins qu'elle n'obtienne un nouveau financement quelconque. Sans une grande injection de liquidités par des prêteurs, la Grèce fait face à un défaut sur sa dette à la fin de juillet, ce qui pourrait finalement pousser le pays à sortir de l'euro ».
Syriza et l'UE recherchent donc un accord grâce auquel Syriza pourrait sauver la face tout en imposant le diktat de l'UE à la classe ouvrière. Après que Tsipras a parlé avec Mme Merkel et le président français François Hollande par téléphone avant de rencontrer Juncker à Bruxelles, un haut responsable grec resté anonyme a dit au Wall Street Journal: « Les dirigeants ont convenu de la nécessité d'avoir des excédents primaires plus bas et de trouver une solution immédiate ».
Avant les pourparlers de Bruxelles, la porte-parole de M. Juncker, Margaritis Schinas a dit, « Nous ne prévoyons pas de résultat final ce soir, ceci est une première discussion, pas la conclusion. Le moment est venu pour que les négociations se concentrent sur l'essentiel. L'essentiel c'est les quelques questions en suspens où il y a encore des différends ».
Syriza s’aligne sur des politiques économiques de l'UE qui se sont avérées être une faillite complète. La Grèce est confrontée à la nécessité de rembourser des milliards d'euros dans les prochaines semaines d'une dette globale de plus de €300 milliards. Si la proposition de l'UE est acceptée, les prêts qui seraient accordés à la Grèce devraient être immédiatement rendus par Athènes pour que le gouvernement puisse faire les prochains paiements sur sa dette.
Aucun de ces prêts n’irait à l'investissement productif qui créerait des emplois ou améliorerait les conditions sociales.
Il y a peu de chances que la Grèce respecte les objectifs de ses créanciers son économie étant encore officiellement en récession et le chômage à plus de 25 pour cent. De nouvelles prévisions publiées mercredi par l'Organisation de coopération et de développement économique ne prévoient pas de croissance de l'économie grecque cette année, mais un chômage plus élevé et un niveau croissant de la dette atteignant un impressionnant 180 pour cent du PIB.
L'unique voie en avant en Grèce et dans toute l'Europe est une mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière dans la lutte contre le capitalisme et les partis de la pseudo-gauche tels Syriza.
Les dirigeants de Syriza sont terrifiés par la montée de la colère dans la classe ouvrière et l’effondrement de la popularité de leur parti. Peu de temps avant la conférence de presse à Bruxelles où Tsipras a annoncé les concessions de Syriza, la porte parole de Syriza, Marina Prentoulis, avait suggéré que le gouvernement de Tsipras pourrait s’effondrer et appeler à de nouvelles élections.
« Nous avons besoin d'un accord qui soit bénéfique pour le peuple. Si on n’y parvient pas, alors nous avons un problème. Et en tant que gouvernement démocratique, ce sera au peuple de décider », a-t-elle dit.
Cette proposition semble être une manœuvre par laquelle la classe dirigeante chercherait à inclure dans le gouvernement des forces plus explicitement de droite pour continuer à imposer l'austérité. Hier, Stavros Theodorakis du parti To Potami (rivière) s’est proposé au Frankfurter Allgemeine Zeitung comme remplacement possible du gouvernement de coalition actuel de Syriza et du parti nationaliste des Grecs indépendants, d'extrême-droite.
« Le gouvernement ne parvient pas à mettre en œuvre la réforme dont le pays a besoin ... si Tsipras échoue, nous sommes prêts. Nous avons un groupe de négociation composé de personnes influentes en Grèce et à l'étranger. Nous ferons en sorte que cela fonctionne », a déclaré Theodorakis au FAZ.
(Article original paru le 4 juin 2015)