Les négociations entre le gouvernement grec du parti Syriza et ses créanciers internationaux ont atteint un stade critique jeudi, quand le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque centrale européenne (BCE) ont retiré leur délégation.
Le FMI et la BCE participaient aux négociations à Bruxelles, avec l’autre créancier principal, l’Union européenne (EU).
Les négociations se concentrent sur de nouvelles mesures d’austérité que Syriza devra appliquer, dans le cadre de l’accord conclu en février. Celui-ci a prolongé le programme d’austérité grec jusqu'en juin ; ainsi Syriza a pu recevoir 7,2 milliards d'euros de prêts, à condition d'accepter d'imposer de nouvelles coupes budgétaires.
Le retrait du FMI fait suite à l’échec du Premier ministre grec et dirigeant de Syriza, Alexis Tsipras, à parvenir à un accord avec la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande.
Cette décision du FMI était sa réponse à la décision du gouvernement Tsipras au début de ce mois de retenir un paiement dû au FMI de 300 millions d'euros. Syriza a jusqu’ici remboursé des milliards de dettes. Sa décision, pour la première fois, de ne pas respecter une échéance de remboursement de la dette souligne l’extrême fragilité de la situation.
Selon le quotidien grec Kathemerini, « Ce ne sont pas seulement les fonctionnaires du FMI qui ont quitté Bruxelles. Des représentants de la Banque centrale européenne ont également quitté Bruxelles jeudi. Les responsables du FMI et de la BCE ne retourneront à Bruxelles que s’ils ont des assurances convaincantes de progrès dans la position grecque … »
La bourse d'Athènes a chuté sur ces nouvelles, en baisse de 5,4 pour cent à la fermeture vendredi. Cette chute s'est répercutée sur d'autres bourses : le FTSE 100 britannique a perdu 0,85 pour cent, le DAX allemand 1,4 pour cent et le CAC 40 en France 1,67 pour cent.
Syriza a déjà fait des concessions, même sur des dossiers, dont celui des retraites, où elle prétendait avoir prévu des « lignes rouges ». Ceci risque de provoquer un retour de bâton qui ferait tomber le gouvernement, élu en janvier sur la promesse de « mettre fin à l’austérité ».
A Washington, le porte-parole du FMI Gerry Rice a déclaré, « De grands différends nous séparent dans la plupart des secteurs clés. Il n'y a eu aucun progrès dans la réduction de ces différends, et nous sommes donc bien loin d'un accord (...) la balle est très nettement dans le camp de la Grèce en ce moment, et je crois savoir que les autorités grecques préparent de nouvelles propositions ».
Les milieux dirigeants discutent en général à huis clos des coupes qu'ils comptent imposer au peuple grec, déjà saigné à blanc par les mesures d'austérité.Avec une certaine candeur, Rice a évoqué de coupes encore plus brutales que celles réalisées jusqu'ici : « Les retraites et les salaires représentent 80 pour cent des dépenses primaires totales de la Grèce. Il est donc impossible pour la Grèce d'atteindre ses objectifs budgétaires à moyen terme sans réformes et surtout celle des retraites ». Il était « convenu par tous les intéressés, que le régime, le système, de retraites grecque, n’est pas viable ».
Le FMI a longtemps insisté pour que tout accord temporaire avec la Grèce comprenne des réductions des retraites équivalant à 1 pour cent du produit intérieur brut. Il est évident, cependant, que ce ne serait que l'assaut initial.
Les chiffres de Rice démontrent qu'ils envisagent le quasi-anéantissement des retraites. « Les Caisses de retraites grecques reçoivent des transferts du budget d'environ 10 pour cent du PIB par an, à comparer à la moyenne du reste de la zone euro de 2,5 pour cent du PIB. La retraite de base en Grèce est presque au même niveau que celle de l'Allemagne, et les gens, toujours en moyenne, prennent leur retraite six ans plus tôt en Grèce qu’en Allemagne. Et la croissance du PIB par habitant, bien sûr, est inférieure de moitié à celle de l'Allemagne ».
Cette campagne pour détruire les retraites est particulièrement importante au vu de la décision rendue mercredi par la plus haute juridiction administrative grecque, le Conseil d'État. Ce tribunal a jugé que les coupes des retraites du secteur privé effectuées en 2012, sur l'insistance de la « troïka » (l'UE, de la BCE et du FMI), étaient inconstitutionnelles et violaient le droit grec et la Convention européenne des droits de l'homme, puisqu’elles privaient les retraités du droit à une vie décente. Les coupes effectuées dans les retraites du secteur privé en 2010 et 2011 n'ont en revanche pas été jugées inconstitutionnelles, car justifiées par des « circonstances exceptionnelles ».
Ce jugement ne portait pas sur les retraites du secteur public.
Après la rupture des négociations, de nombreux dirigeants européens ont dénoncé Syriza. Donald Tusk, président du Conseil européen, a dit, « Maintenant, nous avons besoin de décisions et non de négociations. (...) Le jour viendra, je le crains, où quelqu'un va dire que la partie est terminée ».
Jeroen Dijsselbloem, président de l'Eurogroupe, a déclaré au journal finlandais Helsingin Sanomat jeudi que « Si le gouvernement grec ne peut pas accepter le fait qu'il n'y a pas de solutions faciles et qu'il faut prendre des décisions difficiles, il est seul. Nous ne pouvons aider la Grèce si la Grèce ne veut pas s'aider elle-même ».
D'après un reportage de Reuters publié vendredi, l'UE a, pour la première fois, officiellement discuté d'une cessation des paiements par la Grèce. Ses dettes s'élèvent à plus de 300 milliards d'euros.
Selon Reuters, les gouvernements qui préparent la prochaine réunion de l'Eurogroupe « ont conclu lors des négociations à Bratislava jeudi soir qu'il y avait trois scénarios possibles concernant la Grèce à la fin de juin. Le moins probable serait celui où l'UE accorderait des fonds en échange de réformes grecques, à temps pour respecter les délais légaux de fin juin ».
Le deuxième scénario aurait été une nouvelle extension de l'actuel programme d'austérité, qui prend fin le 30 juin. Le troisième, « discuté formellement pour la première fois dans une instance si importante de l'UE, était d'accepter que la Grèce ne paye pas ».
Selon Reuters, bien que la « réunion n'ait pris aucune décision ou conclusion concrète, » la plupart des personnes présentes ont exclu la possibilité d'un accord avec la Grèce d’ici le 30 juin. Reuters a cité les propos d'un responsable de l'UE impliqué dans les discussions : « Il faudrait des progrès en quelques jours qu'on n'a pu faire en quelques semaines. La réaction de la BCE, du FMI et de plusieurs États membres était extrêmement sceptique ».
La conséquence en serait de priver Athènes des 7,2 milliards d'euros restants dont elle a besoin pour rembourser des dettes dont l'échéance tombe au cours de l'été, dont 1,6 milliard dû au FMI. Ceci pousserait Athènes encore plus loin vers la cessation des paiements.
Selon le FT, l'échec des négociations avait « changé le sentiment dans plusieurs capitales de la zone euro, en particulier Berlin, où la pression politique monte pour présenter le plan comme une offre 'à prendre ou à laisser' ». Le journal a cité Brenda Kelly, analyste en chef au London Capital Group : « Il semble qu’une fois de plus un défaut de paiement de la Grèce soit pratiquement inévitable. Les prochaines 24 à 72 heures seront cruciales alors que nous entrons dans un territoire potentiellement inexploré pour la zone euro ».