A un peu plus d’une semaine du congrès du Parti socialiste (PS) qui doit se tenir du 5 au 7 juin à Poitiers, le secrétaire général nouvellement élu, Jean Christophe Cambadélis, a donné une interview étendue au journal Le Monde dans laquelle il indique quel cours devra selon lui prendre son parti dans la période menant à l’élection présidentielle.
Cambadélis a été élu jeudi 28 mai au poste de secrétaire général avec 70 pour cent des voix au cours d’une élection interne qui n’a mobilisé que 60.000 membres du PS, c'est-à-dire la moitié seulement des membres à jour de cotisation et à peine deux fois le nombre représenté par sa bureaucratie.
Lors du vote le 21 mai sur diverses motions en compétition pour l’orientation politique du parti au congrès de juin, la motion présentée par Cambadélis avait obtenu le plus grand nombre de voix (60 pourcent). Cette motion, approuvée par le président François Hollande et officiellement entérinée par le premier ministre Manuel Valls et la majorité de ses ministres, soutenait la politique gouvernementale.
Le but de l'interview de Cambadélis était de présenter à l'aristocratie financière les raisons pour lesquelles elle devrait faire réélire Hollande à un deuxième mandat en 2017.
Il dit: « François Hollande est plus en capacité de rassembler que Nicolas Sarkozy, ce sera sa force s'il est candidat en 2017. Il est un meilleur président pour gouverner en temps troublé que M. Sarkozy. (...) Il a toujours tenté de trouver une voie qui ne mène ni à des mouvements sociaux, ni à la sanction des marchés financiers. C'est une voie de crête, protectrice et progressiste, qui est en train de porter ses fruits ».
Pour Cambadélis, le grand mérite de Hollande est qu’il a permis d'étouffer toute contestation des travailleurs contre les mesures d'austérité voulues par les marchés financiers. Le PS a travaillé étroitement avec les bureaucraties syndicales et les partis de la pseudo gauche pour mettre rapidement fin aux grèves et étouffer dans l'œuf toute contestation populaire de la politique de Hollande.
C'est pour cela que, malgré le fait que Hollande est le président le plus impopulaire de la Cinquième République, il a pu éviter jusque là une opposition de masse et une crise ouverte comme lors des grèves générales de 1936 ou 1968.
Cambadélis comprend mieux que quiconque que la capacité du PS à défendre le régime bourgeois « en temps troublé » dépend de la pseudo gauche et des syndicats. Il a lui-même quitté le mouvement de Pierre Lambert, (ex-Organisation Communiste Internationaliste) en 1986 pour rejoindre le PS de François Mitterrand, qui présentait de meilleures perspectives de carrière.
Dans l’interview, Cambadélis préconise un rassemblement qu’il appelle « alliance populaire » incluant les écologistes, le PC stalinien, les chevènementistes et éventuellement des centristes. Ce rassemblement d’appareils serait une simple réédition de la « gauche plurielle » de Lionel Jospin (1997-2002), dont il avait été un des instigateurs, et qui fut la réponse politique de la bourgeoisie au mouvement de grève massif de 1995 contre le gouvernement Chirac-Juppé.
Là aussi des organisations comme le NPA ont joué un rôle essentiel pour développer le mécanisme ayant permis au PS de prendre la relève du premier ministre conservateur Juppé avec une coalition rassemblant les écologistes et le PCF.
Pour légitimer son projet de « rassemblement progressiste » et justifier un vote pour le PS, Cambadélis et le PS en général, utilisent cyniquement le FN et lui font jouer le rôle d’épouvantail. L'argument est qu'un vote pour le PS est le seul moyen d'écarter le danger d'une dictature fasciste en France.
Evoquant la dirigeante du FN, Marine Le Pen, Cambadélis écrit : « Des Français veulent bien protester avec elle, mais pas gouverner avec elle. Mais attention, ses idées seront au centre de la présidentielle. C'est pour cela qu'il faut construire un grand mouvement progressiste, pour répondre aux questions que se posent beaucoup de Français ».
Cet appel à voter pour les « républicains progressistes » du PS est faux et réactionnaire. D’une part le PS a repris tous les thèmes sécuritaires réactionnaires du FN et le nettoyage ethnique des Roms. Le PS ne se différencie pas de lui et d’autre part, sa politique d’austérité et de guerre pousse les gens dans les bras des néo-fascistes, qui en profitent électoralement.
Dans l’interview au Monde Cambadélis accuse l’UMP (renommée ces derniers jours ‘Républicains de France’), d’utiliser le « républicanisme » comme un « faux nez » pour faire la même politique que le FN. Il dit: « La défense de la République est le faux nez utile pour reprendre le discours du Front National. »
Mais c’est tout à fait ce que lui et le PS font. Le républicanisme du PS est le « faux nez » qu’il utilise pour faire passer le discours sécuritaire et la montée des mesures policières et d'espionnage hertzien de la population en France et dans le monde.
En mettant en avant la « défense de la République » contre les Roms ou la défense de la « laïcité républicaine » contre le foulard islamique ou contre la burqa, le PS et ses alliés de la pseudo gauche voulaient consciemment pourrir l'atmosphère politique en France. Le but était de faire passer une politique d'austérité et de guerre sans provoquer une explosion dans la classe ouvrière. Tout cela était un « faux nez utile » pour reprendre des thèses populistes et racistes.
Il est impossible de barrer le chemin à l'émergence de plus en plus évidente des structures d'un Etat policier en France et à travers le monde en votant PS contre le FN. Le PS est en fait une partie intégrante du dispositif politique par lequel la bourgeoisie construit ses infrastructures de surveillance et les unités d'intervention militaires et policières qui mènent vers une dictature. Le seul moyen d'aller de l'avant est de mobiliser la classe ouvrière politiquement contre le PS et l'ensemble de la classe dirigeante.
Il faut rejeter le schéma simpliste et réactionnaire avancé par le PS et la pseudo-gauche comme quoi il n’y aurait pas d’autre danger qu’une « montée du FN » et qui présente donc le PS et sa politique comme un « moindre mal » et la seule alternative. C’est bien toute la classe dirigeante française qui fait la même politique. C’est elle qui pose de plus en plus directement les dangers d'une guerre mondiale, d'une vaste paupérisation de la population, et de l'émergence d'une dictature raciste et autoritaire.