Par Robert Stevens
31 janvier 2015
Il n’a pas fallu longtemps après l’accession au pouvoir de Syriza pour que soient démasquées ses prétentions radicales.
Pendant des années, les supporters de Syriza l’ont célébré comme un fanal dans la lutte contre l’austérité, un brillant exemple pour les travailleurs internationalement. Cependant, comme l’avait observé John Adams, le second président des Etats-Unis, dans une phrase restée fameuse: « Les faits sont têtus; quels que soient nos souhaits, nos inclinations ou les voeux de nos passions, ils ne peuvent changer l'état de fait ni la preuve ».
Le caractère profondément bourgeois et officiel de Syriza se montre clairement dans son alliance politique avec le parti ANEL (Grecs Indépendants), une scission droitière et xénophobe du parti conservateur ND (Nouvelle Démocratie). La décision d’Alexis Tsipras, le dirigeant de Syriza, de former une coalition avec ANEL était sous tous les aspects, un choix. S’il l’avait voulu, Syriza aurait tout aussi bien pu former un gouvernement minoritaire et s’appuyer sur les voix du Parti communiste grec (KKE) et d’autres partis pour le soutenir dans ses principales initiatives politiques.
En s’alliant avec ANEL, Syriza cherchait à créer les meilleures conditions pour effectuer un virage politique à droite et voulait signaler à la bourgeoisie grecque et internationale que le nouveau gouvernement ne menaçait en rien ses intérêts fondamentaux.
On a confié le ministère de la Défense au dirigeant d’ANEL, Panos Kammenos, un homme très proche des militaires. Dans sa première déclaration en tant que ministre, Kammenos s’est engagé à trouver des fonds pour de nouveaux programmes d’armements, à maintenir les programmes actuels et à faire une revue des nouvelles menaces sécuritaires.
Syriza et Tsipras sont pleinement conscients des implications d’une telle nomination. Entre 1967 et 1974, la Grèce fut dirigée d’une main de fer par une junte militaire. Dans l’espace d’une semaine après avoir saisi le pouvoir, l’armée arrêta plus de 8.000 personnes à partir de listes méticuleusement préparées à l’avance. Des milliers de personnes ont subi d’horribles tortures aux mains du régime dans des camps spécialement conçus.
Kammenos qui a été député de ND pendant 20 ans a des relations étroites avec Panayiotis Baltakos, l’ancien secrétaire du conseil des ministres de l’ex premier ministre Antonis Samaras. L’année dernière Baltakos avait entamé le lancement d’un parti d’extrême droite, Rizes (Racines), basé sur « l’Eglise orthodoxe, les services de sécurité et les forces armées ».
Syriza fait ses propres ouvertures à ces forces. Dès la fermeture des bureaux de vote, le futur ministre de l’Intérieur, Nikos Voutsis, avait téléphoné aux chefs de la police et de l’armée. Le journaliste Paul Mason de Channel 4 News a rapporté que Voutsis leur avait dit, « Nous vous faisons confiance ». Mason a remarqué que cela était dit bien que « l’armée grecque et la police aient été organisées depuis la Guerre Froide pour réprimer l’extrême gauche, allant jusqu’à donner une formation politique à leurs officiers sur les périls du marxisme ».
Avant l’élection, Syriza avait annoncé son intention de dissoudre la police anti-émeute et de l’incorporer au reste de la police. Après son arrivée au gouvernement, cette promesse n’a pas duré une journée: un secrétaire d’Etat à l’Intérieur a annoncé que « la police aur[ait] des armes au cours des manifestations. »
Il est bien connu que le personnel de la police grecque se compose en bonne partie de partisans du fascisme. Dans l’élection de la semaine dernière, comme dans celle de 2012, entre 40 et 50 pourcent des policiers ont voté pour le parti fasciste Aube dorée.
La déclaration de Voutsis n’est pas de la naïveté politique. Il informe la police et l’armée que dans les circonstances d’une crise économique et sociale qui s’aggrave et confronté à l’inévitable apparition d’une contestation de masse dès qu’il commencera à imposer son propre programme d’austérité, Syriza aura recours à la force armée de l’Etat pour écraser l’opposition.
Dans la politique internationale, Syriza a signalé son alliance d’ensemble avec l’impérialisme européen en soutenant les sanctions contre la Russie à la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE, le 29 janvier. « Nous sommes d’accord avec l’opinion majoritaire, Nous ne sommes pas le mauvais garçon », a déclaré Nikos Kotzias, ministre des Affaires étrangères de Tsipras. Cet ancien membre du KKE avait soutenu l’écrasement du mouvement Solidarnosc par le régime stalinien polonais dans les années 1980.
En politique intérieure, les ministres de Syriza ont bien, lors de leur premier jour au pouvoir, essayé de faire des appels populaires en faisant un large usage du discours anti-austérité. Mais cela était présenté en termes nationalistes; Tsipras a affirmé que son gouvernement serait un gouvernement de « salut national » et ce dernier a réservé ses invectives à une seule puissance impérialiste, l’Allemagne.
Syriza ne se préoccupe pas de mettre fin aux attaques contre la classe ouvrière grecque. Il se plaint des mesures d’austérité avancées par le gouvernement d’Angela Merkel parce que selon lui, elles nuisent tant au capitalisme grec qu’européen.
Le gouvernement Syriza en appelle aux pays européens, à l’Italie et à la France et surtout aux Etats-Unis, pour qu’ils encouragent le genre de stratégie de relance (l’assouplissement quantitatif) déjà annoncé par la Banque centrale européenne (BCE) – pour empêcher que se produise une nouvelle descente vers une récession mondiale. Son programme déclaré se fonde sur un appel aux créanciers internationaux pour qu’ils acceptent un gel temporaire de la dette grecque de €300 milliards en échange d’une promesse de maintenir un budget équilibré et de créer les conditions d’un remboursement ultérieur.
Signalant l’intention de Syriza de développer une politique économique ayant pour but de créer les meilleures conditions pour l’exploitation capitaliste, le vice Premier ministre, Giorgos Dragasakis, a dit jeudi, « L’économie grecque a beaucoup d’opportunités, notre gouvernement s’intéresse à attirer de nouveaux investissements….Nous préparons une longue liste de projets et d’opportunités d’investissement. »
Le même jour, le président Barack Obama félicitait Tsipras de son élection et disait que les Etats-Unis « en tant qu’amis et alliés de longue date, attendent avec impatience de travailler étroitement avec le nouveau gouvernement grec afin d’aider la Grèce à retrouver le chemin d’une prospérité à long terme ».
Syriza entrera nécessairement, dans un avenir proche, en conflit direct avec la classe ouvrière, dû à sa politique pro-capitaliste et pro-impérialiste. Soutenu par la cohorte des imposteurs politiques et des charlatans de la pseudo-gauche qui ont fait sa promotion au niveau international, son rôle est d’empêcher l’émergence d’un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière, de rendre confus et de désorienter les travailleurs et les jeunes, pendant que les couches les plus réactionnaires de l’Etat se préparent à un tel conflit.
En opposition au gouvernement dirigé par Syriza et à ses apologistes politiques, la classe ouvrière en Grèce doit se tourner vers la construction de son propre parti révolutionnaire, une section du Comité international de la Quatrième internationale.