Syriza capitule face à l’UE

Le gouvernement grec a répudié ses promesses électorales. Il a accepté vendredi 20 février une prolongation de quatre mois des prêts en cours et du programme d’austérité dicté par la « troïka » (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire International).

Après presque un mois de négociation avec les représentants politiques des banques en Europe, Syriza a accepté les conditions exigées par la troïka. La déclaration de l’Eurogroupe précise que l’accord reste tributaire de la fourniture d’ici lundi par la Grèce d’une « première liste de mesures de réforme sur la base de l’actuel arrangement. »

Les propositions de Syriza doivent encore être approuvées le lendemain par l’Eurogroupe et la troïka qui « donneront une première opinion quant à savoir si elles sont suffisamment complètes pour servir de point de départ valable pour une conclusion satisfaisante de l’examen du programme. » Le mois d’avril fut donné comme date butoir pour que la Grèce fournisse une liste finale de mesures d’austérité « plus détaillée, puis approuvée » par la troïka.

La déclaration de l’Eurogroupe affirme que « les autorités grecques s’engagent à s’abstenir de toute annulation de mesures et de toute modification unilatérale de la politique et des réformes structurelles qui aurait un impact négatif sur les objectifs fiscaux, la reprise économique, la stabilité financière telles qu’ils sont compris par les institutions [la troika]. »

Sans acceptation de ces ordres par la Grèce, elle ne recevra pas les milliards d’euros en prêts supplémentaires dont elle a besoin pour éviter un défaut sur sa dette de 320 milliards d’euros.

Ouvrant la conférence de presse après cinq heures de pourparlers, le président de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem a dit que la Grèce s’était « engagée sans équivoque à honorer ses obligations financières » envers ses créanciers. Il a insisté pour dire que « la reprise économique ne [pouvait] pas être mise en danger, la stabilité fiscale ne [pouvait] pas être mise en danger, la stabilité du secteur financier ne [pouvait] pas être mis en danger. »

La chancelière allemande Angela Merkel avait tenu une conférence de presse avec le président François Hollande avant l’ouverture de la réunion de l’Eurogroupe. Elle a insisté pour dire que le gouvernement grec n’avait pas encore suffisamment bougé dans son acceptation des coupes brutales approuvées par le précédent gouvernement mené par Nouvelle démocratie (ND).

Merkel a averti qu’il fallait encore « une amélioration significative dans la substance de ce qui est en train d’être discuté, de façon à pouvoir le voter au parlement allemand, la semaine prochaine par exemple. »

Durant ces négociations un milliard d’euros au moins étaient retirés des banques grecques par crainte qu’aucun accord ne voie le jour. Un journaliste de la télévision grecque SKAI a remarqué, « Ils sont venus ici, déterminés à avoir une solution politique, faute de quoi il aurait fallu imposer mardi un contrôle des capitaux [aux banques grecques]. »

Le fait que Syriza a été d’accord pour continuer l’imposition des mesures d’austérité sous le diktat des banques européennes est le résultat inévitable de sa position de classe et de ses intérêts sociaux.

En commentant le contrecoup social et politique auquel Syriza sera confronté, Pavlos Tzimas, un commentateur politique grec a dit, « Des concessions très lourdes ont été faites, des concessions politiquement toxiques pour le gouvernement. Ce sera pour lui un test crucial sur le plan domestique. »

Immédiatement après la conférence de presse de l’Eurogroupe, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, s’est exprimé en termes identiques: « Les Grecs passeront un moment difficile pour expliquer l’accord à leurs électeurs. Tant que le programme ne sera pas mené à bien, il n’y aura pas de paiement. »

Le ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, avait signalé avant la réunion de vendredi que Syriza était prêt à accepter pratiquement n’importe quoi. Athènes a « parcouru non pas un mille de plus [mais] dix milles de plus » dans ses propositions pour une extension, a-t-il dit. Les autres pays de la zone euro devraient rencontrer la Grèce « non pas à mi-chemin mais à un cinquième du chemin » pour parvenir à un accord.

L’annonce de vendredi avait eu lieu un jour seulement après le rejet catégorique par le gouvernement allemand d’une proposition d’allongement du précédent accord de crédit scellé avec l’UE et faite par le gouvernement grec.

Dans cette proposition, soumise par Varoufakis, la Grèce insistait pour dire que le « nouveau gouvernement s’était engagé à l’égard d’un processus de réformes plus vaste et plus profond visant à améliorer durablement la croissance et les perspectives d’emploi, à acquérir une viabilité budgétaire et une stabilité du secteur financier. » Elle réclamait, dans les termes les plus vagues, « un renforcement de l’équité sociale et une réduction des importants coûts sociaux de la crise en cours ».

Sitôt rendu public le texte de la proposition de Varoufakis, il fut rejeté par le ministre allemand des Finances. Le journaliste Peter Spiegel a remarqué dans le Financial Times que l’Allemagne avait vivement critiqué la sémantique du texte qui « semble laisser en suspens des points importants à négocier » en disant que « l’objet de la demande d’allongement de six mois de la durée de l’accord » était « de mettre au point les termes financiers et administratifs mutuellement acceptables… »

Pour l’élite dirigeante européenne, il n’y a pas de « termes financiers et administratifs mutuellement acceptables, » mais seulement une capitulation inconditionnelle.

Reuters a publié un document qui « décrit la position de l’Allemagne » suite à la lettre de Varoufakis. Le document déclare que la requête de la Grèce « laisse une place énorme à l’interprétation » et ne contient « aucun engagement clair pour aboutir à une conclusion positive de l’actuel programme et n’est pas loin d’un gel des mesures grecques. »

Ce document donne la formulation précise qui serait acceptable. Il dit: « Il nous faut un engagement clair et convainquant de la Grèce qui contiendrait tout juste trois phrases courtes et parfaitement compréhensibles : ‘Nous faisons la demande d’une extension de l’actuel programme en utilisant la flexibilité qu’il contient. Nous serons d’accord avec les institutions sur toutes les modifications des mesures du protocole d’accord existant (« MoU » memorandum of understanding). Et notre objectif est de conclure le programme avec succès.’ »

Finalement, c’est ce que Syriza a accepté. Le parti s’est seulement montré réticent à rentrer avec un accord lui demandant explicitement d’imposer le « Memorandum of Understanding » détesté – la liste des mesures d’austérité initialement approuvées comme partie intégrante de l’accord de prêt. Il fut permis à Syriza de rebaptiser la « troïka » en « institutions » et de transformer « Memorandum of Understanding – MoU » en « Accord cadre d’assistance financière » (MFAFA en anglais, Master Financial Assistance Facility Agreement).

Le MFAFA, le nom official de l’accord de prêt, contient toutefois des termes exigeant que la Grèce « respecte les mesures établies par le MoU, » c’est-à-dire les mesures d’austérité dictées par les banques européennes.

L’abjecte capitulation du gouvernement Syriza révèle au grand jour la faillite politique totale de la multitude d’organisations de la pseudo-gauche petite bourgeoise partout dans le monde qui, il y a à peine quelques semaines, saluait la victoire électorale de Tsipras comme étant une sorte de tremblement de terre politique. Loin de dénoncer la trahison de Syriza, ces groupes feront des pieds et des mains pour lui trouver excuses et justifications. Mais de vastes secteurs de la classe ouvrière grecque prendront cet accord pour ce qu’il est: un acte de trahison cynique et lâche.

(Article original paru le 21 février 2015)

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