Le syndicat des métallos a publiquement annoncé qu’il appuyait «sans réserve» la députée péquiste Martine Ouellet dans la course à la direction du Parti québécois, ce qui représente une nouvelle étape dans les efforts de longue date des syndicats pour subordonner la classe ouvrière à ce parti souverainiste bourgeois.
Les syndicats tentent de «sauver» le PQ alors que le soutien populaire envers celui-ci est à son niveau historique le plus bas. Depuis la fin des années 90, le PQ et le mouvement souverainiste subissent une débâcle après l’autre en raison de leur politique de droite. L’impopularité du PQ n’a fait qu’accroître au cours des 18 mois où le gouvernement de Pauline Marois a été au pouvoir entre 2012 et 2014.
Dans une lettre publiée au quotidien la Presse, le directeur des métallos, Daniel Roy, a affirmé que dans un contexte où «le lien entre ce parti et les travailleurs est maintenant plus ténu», il est primordial de «rebâtir les ponts» avec le PQ. Roy a écrit que «malgré ses défauts et les glissements récents», ce parti «demeure le meilleur véhicule politique susceptible de prendre le pouvoir et de faire valoir les intérêts de la classe moyenne».
Le PQ avait remporté les élections déclenchées par l’élite dirigeante à l’été 2012 dans le but de mettre un terme à la grève étudiante qui s’opposait à la hausse des frais de scolarité du gouvernement libéral de Jean Charest depuis près de six mois et qui menaçait de s’étendre à la classe ouvrière. Le PQ a pu s’emparer du pouvoir uniquement grâce à la collaboration des syndicats et des associations étudiantes, qui ont présenté ce parti comme un «moindre mal» face aux «néolibéraux» de Charest – une position partagée par Québec solidaire qui a cherché une fois de plus à bâtir une alliance électorale avec ce parti de la grande entreprise.
Mais une fois au pouvoir, le PQ a rapidement imposé des compressions budgétaires massives, y compris une hausse permanente des frais de scolarité en les indexant à l’inflation, en plus de défendre le règlement municipal P6 (une réplique de la loi 78 anti-démocratique) qui est encore régulièrement invoqué par la police pour disperser des manifestations en les déclarant illégales.
Tout en renouvelant les baisses d’impôts pour les riches et la grande entreprise, le PQ a sabré dans l’aide sociale et imposé une loi spéciale criminalisant la grève des 175 000 travailleurs de la construction. Avec sa «Charte des valeurs», le PQ a aussi alimenté un climat anti-immigrant dans le but de diviser les travailleurs sur des lignes culturelles et ethniques.
Lorsque de nouvelles élections ont été déclenchées au printemps 2014, le richissime magnat de presse et très à droite Pierre-Karl Péladeau annonçait sa candidature sous les couleurs du PQ, exposant plus clairement que jamais la nature de classe du parti. Le Parti libéral a finalement remporté les élections alors que le PQ, avec seulement 25,4 pour cent du vote populaire, enregistrait son pire résultat depuis 1970, la première élection à laquelle il avait participé.
Dans sa lettre, le chef des métallos – qui dirige un des plus importants syndicats industriels de la province avec 60 000 membres – appelle la bureaucratie syndicale et la soi-disant «gauche» à resserrer les rangs derrière le PQ. Il exhorte «les militants progressistes, syndicalistes, environnementalistes, péquistes ou non, solidaires [Québec solidaire] ou distants» à «prendre leur carte de membre du PQ».
Ses propos s’inscrivent dans la campagne des grandes centrales syndicales et du SPQ-Libre (un groupe politique à l’intérieur du PQ parlant au nom de la bureaucratie syndicale) qui appellent les travailleurs à joindre les rangs du PQ en masse pour «contrer une éventuelle victoire Pierre-Karl Péladeau».
Quel que soit le parti au pouvoir, les syndicats pro-capitalistes collaborent depuis des décennies avec le patronat et le gouvernement pour imposer des concessions à la classe ouvrière. Cependant, la bureaucratie syndicale a toujours présenté le PQ comme fondamentalement «progressiste» contrairement aux Libéraux, alors qu’il est en réalité l’autre parti de gouvernement de la classe dirigeante.
Issu d'une scission au sein du Parti Libéral du Québec en 1968, le Parti québécois a toujours été un parti capitaliste qui défendait les intérêts d’une section de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie du Québec. Avec l'aide de la bureaucratie syndicale, le PQ a été en mesure d’exploiter l’offensive de la classe ouvrière pour renforcer la position de l'élite économique francophone montante. Le nationalisme québécois servait, et sert encore, à isoler la classe ouvrière québécoise de ses frères et soeurs de classe du Canada et du monde.
Au pouvoir, le PQ a rapidement abandonné sa façade de parti ayant un «préjugé favorable aux travailleurs» pour imposer les plus importantes coupures sociales de l’histoire de la province, y compris la réduction de 20 pour cent des salaires de la fonction publique au tournant des années 1980 par le gouvernement de René Lévesque et les coupures de milliers d’emplois par Lucien Bouchard au nom du «déficit zéro» à la fin des années 1990.
Si le directeur des métallos donne un appui «sans réserve» à Martine Ouellet (qui a été membre du conseil d’administration de SPQ-Libre entre 2004 et 2007) c’est précisément parce que celle-ci souhaite, plus que les autres candidats, maintenir une étroite collaboration avec les syndicats pour étouffer la lutte de classe. Les syndicats voient aussi Ouellet, qu’ils caractérisent de «résolument progressiste», comme celle qui pourra le mieux fournir une couverture «de gauche» au projet réactionnaire de l’indépendance défendu par le PQ.
Martine Ouellet a développé sa carrière politique au cours des années 1990 alors que le PQ opérait un virage marqué à droite. Comme Ministre des Ressources naturelles dans le gouvernement Marois, Ouellet a mis en place des politiques favorables aux grandes compagnies minières, y compris le maintien des faibles taux d’imposition.
Perçue comme une candidate de la «gauche» de par ses liens avec les syndicats et les organismes publics, Ouellet a elle-même déclaré que ce n’est pas une «étiquette» qui la représente et qu’elle est «très pragmatique» en matière d’économie. Elle s’est aussi présentée comme la candidate la plus déterminée à faire du Québec un pays.
Peu importe qui remporte la direction du PQ, ce parti bourgeois sera tout aussi déterminé que le Parti libéral à imposer les diktats de la grande entreprise et de la finance internationale
Alors que la colère sociale contre l’actuel gouvernement libéral gronde parmi les travailleurs, y compris les employés du secteur public, la tentative des syndicats de subordonner les travailleurs québécois au PQ pro-austérité représente un sérieux avertissement pour toute la classe ouvrière canadienne. Comme ils l’ont fait dans les années 1970-80, et plus récemment lors de la grève étudiante de 2012, les syndicats cherchent à étouffer l’opposition à l’austérité capitaliste en la canalisant vers la voie réactionnaire du nationalisme québécois.