Le Sommet COP21 s’est ouvert lundi à Paris dans une atmosphère de siège dû à l’état d’urgence décrété par le gouvernement français après les attaques terroristes du 13 novembre dans la capitale. Des milliers de soldats, de policiers et la police paramilitaire anti-émeute parcouraient les rues; de nombreuses grandes routes étaient fermées et des points de contrôle mis en place à de nombreux endroits.
Plus de 120 000 soldats et policiers ont été déployés sur le territoire français, dont 6 300 uniquement à Paris, après que la police a utilisé ses pouvoirs d’urgence pour réprimer brutalement une manifestation anti-COP21 dimanche. Au total, il y eut 341 arrestations et 317 personnes furent détenues pendant la nuit.
C’est dans ces conditions draconiennes que le gouvernement français a reçu les 195 délégations dont 145 chefs d’État, arrivées aux deux principaux aéroports de Paris, Charles de Gaulle et Orly. Plusieurs autoroutes desservant ces aéroports et de grandes sections du périphérique furent bloquées à toute circulation autre que les véhicules officiels amenant les délégués aux grands hôtels parisiens.
Les autorités avaient d’abord annoncé que les transports publics dans la région parisienne seraient libres dimanche et lundi. Mais par la suite médias et sources officielles avertissaient que l’usage des transports en commun serait dangereux et que les salariés devaient plutôt prendre un jour de congé lundi.
Les quelques propositions écologiques avancées au sommet ont été largement éclipsées par le verrouillage sécuritaire de Paris et le risque accéléré de guerre entre les grandes puissances présentes à la conférence. Etant donné qu’elles se trouvent au bord du conflit militaire direct en Syrie et au-delà, leur incapacité à s’unir pour résoudre les problèmes écologiques complexes dont la conférence était censée traiter ne fut pas une surprise.
Le sommet du COP21 ne produit que très peu de propositions concrètes. Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, a déclaré: « La transition énergétique dessine un monde nouveau, pauvre en carbone et riche en créativité. Une nouvelle dynamique mondiale est là, toutefois le compte n’y est pas encore pour limiter le réchauffement climatique à 2 ° C. Les belles promesses ne suffisent plus, il nous faut trouver un accord contraignant, solide et durable. »
En fait, aucun accord contraignant sur la limitation du réchauffement climatique ne sortira de cette conférence et la dynamique principale y est celle de la montée des conflits entre États membres. Même si elle arrivait à produire une proposition concrète, il n’y aurait pas de mécanisme pour en assurer le respect de la part des grandes puissances. Le mois dernier, le secrétaire d’État John Kerry a carrément déclaré dans une interview au Financial Times que le sommet de Paris ne produirait pas d’accord exécutoire entre les principales puissances.
Il a dit: « il n’y aura définitivement pas de traité » venant de la conférence COP21; il ajouta qu’il n’y aurait pas non plus d’« objectifs de réduction [de gaz à effet de serre] juridiquement contraignants comme à Kyoto », en référence au protocole de Kyoto de 1997.
Dès le début, donc, tout accord officiel sur des mesures écologiques à la conférence de Paris n’aurait guère de véritable signification.
La première journée du sommet fut dominée non par des discours sur la réduction de la pollution et le changement climatique, mais des discussions privées en coulisse entre les grandes puissances pour tenter de gérer les énormes tensions internationales en train d’éclater à propos de la Syrie. La destruction en vol d’un bombardier russe par la Turquie – geste irresponsable défendu ensuite par Washington – a porté le danger de guerre entre l’alliance impérialiste de l’OTAN et la Russie à son paroxysme.
Le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a de nouveau refusé lundi de présenter les excuses de la Turquie. Davutoglu a également demandé au président russe Vladimir Poutine de reconsidérer les sanctions économiques que Moscou vient d'adopter contre son pays, disant « qu'elles [allaient] à l'encontre des intérêts de nos deux pays».
Le Président américain Barack Obama et le président russe Vladimir Poutine ont eu pendant la conférence des entretiens bilatéraux. L’attaché de presse du Kremlin Dmitri Peskov a affirmé qu’« Obama avait exprimé ses regrets concernant l’incident du jet russe abattu par l’armée de l’air turque en Syrie. »
Poutine avait averti que l’attaque aurait des « conséquences graves » pour les relations russo-turques et a déjà fait expulser 37 hommes d’affaires turcs de Russie.
Il a qualifié l’attaque de « coup de poignard dans le dos de la Russie » délivré par des complices des terroristes. Il a montré des photos satellites de convois de camions amenant du pétrole brut de l’EI en Turquie pour y être vendu sur le marché international. Un décret signé lundi soir, avec effet immédiat, par Poutine, dit que les vols charters vers la Turquie depuis la Russie sont interdits, qu’on dirait aux agences touristiques de ne plus vendre de vacances dans le pays, que des importations turques non précisées seraient interdites et qu’entreprises et ressortissants turcs verront leurs activités économiques interrompues ou réduites.
« Les circonstances sont sans précédent. Le défi lancé à la Russie est sans précédent. Alors, naturellement, la réaction est en rapport avec cette menace », a dit Peskov quelques heures avant la publication du décret.
Poutine a suggéré que les responsables américains à qui les Russes fournissent leurs données de vol afin d’éviter les incidents durant leurs missions avaient transmis ces informations à la Turquie comme allié de l’OTAN, ce qui leur avait permis d’abattre l’avion russe. « Le côté américain, qui conduit la Coalition dont la Turquie fait partie, savait où et quand nos avions de combat opéraient [au moment de l’incident]. Et c’est exactement là que l’attaque a eu lieu », a souligné Poutine.
Cela conduit à une escalade de la Russie dans la guerre en Syrie. Moscou a annoncé que les bombardiers russes SU-34 porteraient dans leurs missions des missiles air-air en plus de leurs bombes et qu’on déploierait en Syrie le système de défense aérienne S-400, le plus avancé de la Russie.
Les projets de pipelines et de gazoducs russes à travers la Turquie représentant des contrats de plusieurs milliards de dollars seront probablement réexaminés.
La Russie a aussi soulevé à nouveau la dette de gaz de $3 milliards qui leur est due par le régime ukrainien, proaméricain.
Peskov a dit, « La Syrie, aussi, a été discutée en détail et les deux présidents se sont prononcés en faveur d’une transition vers un début de règlement politique ». Et encore, « Ils ont également parlé de l'Ukraine et ont souligné l'importance d'une mise en œuvre, le plus tôt possible, des accords de Minsk. »
En réalité Obama a, selon l’agence Reuters, déclaré de nouveau à Poutine que le président syrien Bachar el-Assad devait quitter le pouvoir dans le cadre d’une transition politique en Syrie. La position américaine est opposée à celle du gouvernement russe qui insiste pour dire que l’éviction d’Assad ne peut pas être une condition préalable au début de négociations sur une fin de la guerre en Syrie.
(Article paru d’abord en anglais le 1er décembre 2015)