L’ancien ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, s'efforce de prendre ses distances avec le memorandum d’austérité imposé par le premier ministre Alexis Tsipras. Ce faisant, il ne fait que confirmer la faillite du projet de Syriza auquel a adhéré la pseudo-gauche à travers le monde.
Varoufakis était devenu ministre après l’élection de Syriza en janvier. Il fut congédié par Tsipras le 6 juillet, peu après le vote écrasant du « non » à l’austérité lors du référendum organisé par le gouvernement Tsipras.
Dans une interview accordée la semaine passée à New Review, Varoufakis a dit que Tsipras avait décidé de « capituler » devant l’Union européenne et les autres créanciers de la Grèce et cherchait à devenir un « nouveau de Gaulle ». Varoufakis a également donné une interview à l’Observer.
Il y raconte dans le menu détail la manière dont Tsipras a décidé, le soir même du vote écrasant de l’électorat grec contre le diktat d’austérité de l’UE, de conclure un accord qui accepterait toutes les mesures exigées par l’UE
Tsipras s'est justifié en disant qu’il valait « mieux qu’un gouvernement progressiste applique les termes de capitulation qu’il méprise que d’en laisser le soin aux laquais locaux de la troïka [Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international] qui appliqueraient avec enthousiasme les mêmes termes de la capitulation. »
En fait, les principaux « laquais » de la troïka sont Syriza et Varoufakis, qui a lui-même joué un rôle de premier plan.
L’ancien ministre des Finances décrit comment lors des négociations avec la troïka, il a proposé une politique économique « de style Thatcher ou Reagan », avec des réductions d’impôt et des privatisations. Celle-ci ne fut pas acceptée, a-t-il déploré, car la troïka voulait une capitulation totale et un « changement de régime. »
Syriza était arrivé au pouvoir avec l’idée de chercher à obtenir des alliances en Europe, y compris avec l’Italie, la France et d’autres pays lourdement endettés, et proposait de négocier un accord sur les 300 milliards d’euros de la dette grecque.
Cependant, ils étaient en premier lieu préoccupés d’obtenir le soutien de Berlin. A cette fin, Varoufakis se rendit à Berlin pour saluer l’architecte de l’austérité en Europe, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, comme étant l’un des plus grands dirigeants politiques de son temps.
Lorsqu’il fut évident que Schäuble ne ferait aucune concession à la Grèce et qu’il complotait une sortie forcée de la Grèce de la zone euro, Syriza et Varoufakis ont ensuite basculé pour convaincre la chancelière allemande Angela Merkel de contenir Schäuble.
Varoufakis a dit à l’Observer, « Nous ne nous pas attendions pas à ce que la troïka reconnaisse ses erreurs … Nous nous attendions à ce que les partenaires européens interviennent, notamment la chancelière Merkel. »
La semaine dernière, Varoufakis a publié les documents qu’il avait soumis à la troïka lors des négociations en mai et en juin. Ils étaient co-écrits par un « Board of International Advisors » (Commission de conseillers internationaux), qui comprend Lord Norman Lamont, que Varoufakis qualifie d’« ami proche. »
Lamont a été ministre des Finances du gouvernement conservateur de John Major en Grande-Bretagne. Il avait occupé plusieurs hautes fonctions sous Margaret Thatcher. Il a écrit dernièrement que son amitié avec Varoufakis reposait sur des opinions partagées :
« Yanis et moi avons participé à un débat sur l’euro à Melbourne en Australie et nous nous trouvions dans des camps opposés, mais petit à petit on s'est aperçu que fondamentalement nous étions d’accord et qu’il n’y avait pas de grandes différences dans nos points de vue… »
Thomas Mayer, ancien économiste en chef de Deutsche Bank, et Lawrence Summers, professeur à Harvard et ancien secrétaire du trésor américain, ont aussi conseillé Varoufakis.
James K. Gailbraith de l’université du Texas est un associé de longue date de Varoufakis. Avant d’entrer au gouvernement, en juin 2013, Varoufakis a rédigé un article d’opinion avec Galbraith, intitulé « Seul Syriza peut sauver la Grèce ». Dans cet article, ils insistent pour dire qu’un gouvernement Syriza « n’était pas une mauvaise chose pour l’Europe et les Etats-Unis. » Si Syriza était élu, ont-ils écrit, « rien de crucial ne changerait pour les Etats-Unis… Syriza n’a pas l’intention de quitter l’OTAN ou de fermer des bases militaires américaines. »
Les documents soumis par Varoufakis à Schäuble et Cie étaient intitulés « Un cadre politique pour la consolidation fiscale, la reprise et la croissance de la Grèce » et « Résoudre la crise grecque : réformes structurelles, croissance et gestion de la dette fondées sur l’investissement ».
Ils proposaient des privatisations et la création d’une « banque poubelle », la politique qui en Irlande a permis au gouvernement pro-austérité d’arroser en deniers publics les mêmes banques qui avaient conduit l’économie au bord de l’effondrement. Le document de juin promettait aussi à la troïka que les propositions de Syriza « ne coûteront pas un euro de plus aux partenaires européens et internationaux de la Grèce. »
Varoufakis conclut son interview à l’Observer en insistant une fois de plus pour dire qu’il n’y avait aucune perspective pour le socialisme. « Je ne crois pas qu’une période de dépression soit une époque révolutionnaire, » a-t-il déclaré. « Les seuls gens qui en profitent sont les nazis, les racistes, les bigots et les misanthropes ».
Tsipras, qui a choisi Varoufakis comme ministre des Finances alors que ce dernier n’avait jamais été membre de Syriza, ne serait en désaccord sur rien de tout cela.
La documentation par Varoufakis de la perspective réactionnaire et antisocialiste de Syriza expose les mensonges de la Plateforme de gauche de Syriza comme ceux des partis de la pseudo gauche à travers le monde qui, après avoir acclamé des mois durant Syriza, rendent à présent le même service à cette dernière.
Plusieurs dirigeants de la Plateforme de gauche, dont leur chef Panayiotis Lafazanis, ont occupé de hautes fonctions au sein du gouvernement Syriza. La Plateforme de gauche a affirmé à certains moments disposer d’une majorité au comité central, ainsi que de quatre des onze sièges du secrétariat politique du parti. C'étaient les partisans les plus enthousiastes de la coalition de Syriza et des Grecs indépendants, un parti droitier et xénophobe.
Tant qu'il était ministre, Varoufakis a gardé des liens étroits avec Lafazanis. En février, peu de temps après que Syriza ait accepté de proroger le programme d’austérité approuvé par le gouvernement précédent, Varoufakis avait été photographié en discussion avec Lafazanis tard le soir dans la cafétéria du parlement grec.
Lafazanis et Cie étaient au courant de tout ce que Varoufakis et Tsipras discutaient avec la troïka. C'est grâce à leur vote que Syriza a pu rester au pouvoir à chaque étape critique.
Une section de la Plateforme de gauche vient de faire scission d’avec Syriza après avoir été expulsée par Tsipras, qui ne tolère même plus sa molle opposition, pour former l’Unité populaire (Laiki Enótita). C’est ainsi qu’ils continueront de consacrer leurs efforts à s’opposer au développement d’un mouvement révolutionnaire de la classe ouvrière en Grèce.
(Article original paru le 24 août 2015)