Le traitement horrible ces dernières semaines des réfugiés cherchant asile en Europe centrale en passant par les Balkans et l'Italie montre le visage brutal et inhumain du capitalisme européen. Des gens désespérés, craignant pour leur vie, qui fuient les régions du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord ravagées par la guerre, affrontent de terribles épreuves.
Chaque jour apporte de nouvelles horreurs: cadavres à la dérive en Méditerranée; réfugiés sans nourriture ni eau suffisantes, entassés dans des conditions sanitaires intolérables; familles avec jeunes enfants forcées de faire des centaines de kilomètres à pied; police se servant de matraques et de gaz lacrymogène contre des migrants sans défense; et partout, les frontières et les barrières, renforcées de fil barbelé et des forces de sécurité qui repoussent les réfugiés par la force.
Jeudi, deux bateaux chargés d’un demi millier de migrants ont chaviré au large des côtes de la Libye et l’on craint des centaines de morts. Parmi les personnes à bord des bateaux se trouvaient des migrants en provenance de la Syrie, du Bangladesh et de plusieurs pays africains, selon les médias.
Cela suit la découverte des cadavres de cinquante réfugiés syriens dans un camion sur une autoroute autrichienne. On présume qu’ils ont étouffé en cours de route. Le véhicule en stationnement a été découvert par un travailleur de la route qui a remarqué du liquide coulant et venant de chair en décomposition.
À quelques kilomètres de là, dans la paisible Vienne, les chefs de gouvernement et ministres des Affaires étrangères de l'Autriche, de l'Allemagne, de l'Italie et de six pays de l’ouest des Balkans ont réagi à la découverte macabre en renforçant les mesures contre ceux qui fuient vers l'Europe. La frontière extérieure de l'Union européenne doit être renforcée et les itinéraires des réfugiés dans l’ouest des Balkans mieux surveillés. Ils ont blâmé pour la masse des morts les “criminels trafiquants d'hommes" dont l'activité prospère du à la politique isolationniste des pouvoirs européens.
La crise des réfugiés montre l’absurdité du mythe selon lequel l'Union européenne est un havre de paix, de prospérité et d'entente internationale. Les gouvernements collaborent pour transformer l'Europe en forteresse et des milliers de personnes meurent à ses frontières, mais ils se livrent à une concurrence féroce pour savoir quel Etat dissuadera le plus efficacement les réfugiés ou les renverra le plus rapidement possible ailleurs. Des commentateurs politiques inquiets avertissent que l'érection de nouvelles frontières et le différend sur les quotas de réfugiés pourraient faire exploser l'UE.
La Grande-Bretagne, qui n'a accepté qu’un pour cent des réfugiés syriens arrivant en Europe, dépense des millions de livres pour barricader l'entrée de l'Eurotunnel à Calais où des milliers de réfugiés vivent dans la misère et où douze personnes sont déjà mortes cette année. Les immigrés qui travaillent sans autorisation risquent des sanctions draconiennes
La Hongrie, pays de transit sur la route de l’ouest des Balkans, a construit une clôture haute de 3,5 mètres à la frontière extérieure de l'UE avec la Serbie et envisage de punir le franchissement illégal des frontières par des années de prison.
L'Allemagne et l'Autriche où veulent aller de nombreux réfugiés, cherchent à les repousser par des conditions intolérables dans des centres de détention, des procédures d'expulsion accélérées et en sabrant le soutien social. L'Allemagne en particulier, avec la France, fait pression sur les autres pays de l'UE pour qu'ils acceptent une distribution des réfugiés selon un système de quotas.
Cette proposition a rencontré une vive résistance, surtout en Europe orientale. Le président polonais Andrzej Duda a catégoriquement refusé d'accepter plus de réfugiés. Il se justifie en faisant valoir, entre autre, que son pays s'attend à une nouvelle vague de réfugiés en provenance d'Ukraine où la guerre civile entre le régime Porochenko, soutenu par l’Occident, et les rebelles pro-russes s'est intensifiée.
Le vice-premier ministre tchèque Andrej Babis, un entrepreneur milliardaire, a demandé l'intervention de l'OTAN pour “fermer l'espace Schengen à l'extérieur". Il a qualifié l'afflux de réfugiés de "plus grand danger pour l'Europe".
La réponse de larges couches de la population à la situation des réfugiés contraste fortement avec la réaction des élites dirigeantes. En particulier en Allemagne, les réfugiés ont été accueillis avec une aide généreuse qui a surpris et choqué les milieux politiques traditionnels.
A Hambourg, plusieurs tonnes de dons ont été livrées à une halle d'exposition ayant donné abri à 1.100 réfugiés de Syrie et d'Érythrée ces deux dernières semaines. Des milliers d’habitants ont donné vêtements, jouets et couvertures ou ont acheté des articles hygiéniques d’urgence. Alors que les autorités harcèlent les réfugiés et le justifient en disant qu'elles sont "surchargées", des centaines de volontaires ont construit une chaîne d'approvisionnement qui distribue des dons dans toute l'Allemagne et organise des cours de langue et de soins médicaux.
Les médias ne rapportent de telles actions que sporadiquement, préférant faire leurs titres des manifestations xénophobes des groupes néonazis, infiltrés par les services secrets et les actes lâches d’incendiaires nocturnes. En réponse à ces provocations, la vague d'aide et de soutien n'a fait que s'intensifier.
Le soutien apporté aux réfugiés n’est pas qu’une expression de simple humanité. Beaucoup comprennent instinctivement que les réfugiés sont victimes d'un système social qui les menace aussi.
Il n'y a eu aucun soutien populaire pour les guerres impérialistes en Irak, en Afghanistan, en Libye et en Syrie qui ont détruit des sociétés entières et sont la cause de la vague de réfugiés et les travailleurs de toute l'Europe connaissent depuis des années la baisse de leur niveau de vie alors qu'une petite minorité au sommet de la société s'est enrichie énormément.
La crise des réfugiés est l'expression la plus spectaculaire de la crise d'un système social qui n'est plus compatible avec les besoins les plus élémentaires de la grande majorité de l'humanité.
En 1940, au début de la Seconde Guerre mondiale, la Quatrième Internationale a déclaré: «Le monde du capitalisme décadent est surpeuplé. La question de l'admission d'une centaine de réfugiés supplémentaires devient un problème majeur pour une puissance mondiale comme les Etats-Unis. A l'ère de l'aviation, du télégraphe, du téléphone, de la radio et de la télévision, les voyages d'un pays à un autre sont paralysés par les passeports et les visas. La période de la disparition du commerce mondial et du déclin du commerce national est en même temps celle d'une intensification monstrueuse du chauvinisme et particulièrement de l'antisémitisme ».
Ces mots sont d'une actualité brûlante aujourd'hui. Le capitalisme, basé sur la propriété privée des moyens de production et la subordination de tous les aspects de la vie économique au profit de l'oligarchie financière, est incompatible avec les besoins d'une société mondiale composée de 7 milliards de personnes qui sont économiquement interdépendantes. L'État-nation, dans lequel le capitalisme est enraciné, est en opposition irréconciliable à l'économie mondiale fondée sur la division internationale du travail.
Le traitement inhumain des réfugiés, l'érection de nouvelles barrières toujours plus infranchissables, le renforcement de l'appareil d'Etat et le militarisme sont la réponse des élites dirigeantes aux contradictions insolubles du capitalisme. Le traitement méprisable des réfugiés est le produit d'un système social profondément inhumain.
(Article paru en anglais le 28 août 2015)