L’intervention surprise du gouvernement chinois qui a dévalué sa monnaie, le renminbi (aussi connu sous le nom de yuan), de 2 pour cent, mardi 11 juillet, a secoué les marchés financiers mondiaux. Ceci était moins dû à l’impact immédiat de la décision qu’à ce qu’elle disait sur l’état de l’économie chinoise et sur la stabilité du capitalisme mondial en général.
Cette intervention a été le plus grand changement apporté en un jour à la valeur de sa monnaie par la Chine depuis qu’elle a abandonné le couplage étroit du renminbi au dollar américain, datant de 2005, et lancé un flottement dirigé. Le plus grand changement jusque-là cette année avait été un ajustement de 0,16 pour cent.
La dévaluation suivait la publication de chiffres reflétant les problèmes croissants de l’économie chinoise. Les exportations, en baisse toute l’année, ont de nouveau chuté en juillet (- 8,3 pour cent). Les importations aussi ont diminué, se contractant de 8,1 pour cent en juillet par rapport à l’année dernière, après une baisse de 6,1 pour cent en juin, indiquant un ralentissement de la demande des industries chinoises en matières premières.
Si le taux de croissance officiel fut de 7 pour cent au deuxième trimestre, proche de l’objectif du gouvernement, la plupart des analystes indépendants affirment que la croissance réelle est probablement proche de 4 pour cent. Le taux officiel de 7 pour cent est le plus bas depuis six ans.
L’importance de la décision de mardi est soulignée par le fait que les autorités chinoises n’avaient dévalué la monnaie ni en réponse à la crise financière asiatique de 1997-1998 ni en réaction à la crise mondiale qui a suivi l’effondrement de Lehman Brothers en septembre 2008.
Il y a sept ans, leur réponse avait été un plan de relance massif accompagné d’une expansion du crédit dont la valeur estimée équivalait à l’ensemble du système financier américain – en vue de stimuler l’économie chinoise. Ce fut fait dans l’idée qu’après une forte baisse, les économies des grands pays capitalistes, les principaux marchés d’exportation de la Chine, retrouveraient une forte croissance.
Cependant, la crise de 2008 ne fut pas seulement une récession conjoncturelle, mais bien plutôt le début d’un effondrement systémique, faussant ainsi la perspective du gouvernement chinois. La production en Europe n’a toujours pas retrouvé ses niveaux de 2007, tandis que les taux de croissance du Japon et des États-Unis restent à des niveaux historiquement bas. En avril dernier, le Fonds monétaire international a indiqué qu’il n’y aurait pas de retour aux taux de croissance d’avant 2008.
La Chine a été durement touchée, ses exportations vers l’Europe ont baissé de 12 pour cent par rapport à l’an dernier, de 10 pour cent vers le Japon.
Dans sa déclaration officielle, la Banque populaire de Chine a tenu à indiquer qu’elle ne cherchait pas à contribuer à une guerre monétaire mondiale où un certain nombre de pays ont délibérément dévalué leurs monnaies afin de stimuler leurs exportations. Elle a dit que sa démarche était une décision « ponctuelle », pour que son taux de change « se base » plus « sur le marché » en réponse à une hausse de plus de 10 pour cent de sa monnaie sur la dernière année.
Des craintes sur ce que l’intervention chinoise peut signifier quant à l’état de l’économie mondiale semblent avoir motivé la relative discrétion de la réponse officielle américaine.
Si le sénateur démocrate Charles Schumer de New York a pesté contre la décision chinoise, disant que cela montrait pourquoi toute décision d’autoriser le renminbi à devenir monnaie de réserve mondiale reviendrait à « donner au loup la clé de la bergerie », le Trésor américain lui, fut bien plus prudent.
Dans sa déclaration officielle, il note que « la Chine a indiqué que les changements annoncés aujourd’hui sont une autre étape de son passage à un taux de change plus déterminé par le marché, » en ligne avec la politique américaine. Il ajoute qu’il « continuera de surveiller la façon dont ces changements sont mis en œuvre, » et avertit que « tout renversement des réformes représenterait une évolution troublante. »
Le mouvement des marchés boursiers et des prix des matières premières reflètent des craintes que la décision de la Chine n’annonce une spirale à la baisse dans la deuxième plus grande économie du monde ont été reflétées. Aux États-Unis, le Dow Jones a chuté de 212 points après de fortes chutes en Europe et une baisse généralisée en Asie, tandis que les matières primaires industrielles subissaient de nouvelles baisses de prix.
Le cuivre, considéré comme un indicateur de l’activité économique mondiale, a chuté de 4 pour cent à son prix le plus bas depuis six ans, tandis que le prix du « brut de Brent », la référence du pétrole, est retombé sous les $50 le baril. L’action de BHP Billiton (minerai de fer) a chuté de 5 pour cent et celle de Glencore, un conglomérat de matières primaires, a plongé de 7,3 pour cent à son niveau le plus bas jamais atteint.
La réaction des marchés reflète la crainte que l’intervention sur la monnaie chinoise n’indique une aggravation des tendances récessionnaires au sein de l’économie mondiale en général.
Dans la foulée de la crise financière mondiale de 2008, l’idée a été avancée que la Chine pouvait servir de moteur de croissance à l’économie mondiale. Cette illusion a été anéantie il y a quelque temps. Depuis, elle a été remplacée par la crainte croissante que l’effritement de l’investissement et du boom immobilier chinois aura des conséquences importantes au niveau mondial, en particulier pour les marchés dits émergents qui dépendent de l’économie chinoise.
Pour leur part, le gouvernement et les autorités financières chinoises ont travaillé furieusement pour fournir une nouvelle base à la croissance économique en ouvrant, en collaboration avec la Banque mondiale, le système financier aux forces du marché.
C’est ce qui a motivé la décision l’an dernier d’encourager une partie des classes moyennes à investir massivement dans le marché boursier. Mais cette initiative s’est terminée par un quasi désastre. Lorsque les autorités financières sont intervenues en juin pour tenter de contrôler la bulle boursière créée par le gouvernement, elles ont provoqué un effondrement du marché qui nécessita une intervention majeure: l’allocation de centaines de milliards de dollars et la suspension des échanges pour les actions de centaines de sociétés.
Le régime chinois, une oligarchie des super-riches représentée par le Parti communiste, vit dans la peur mortelle qu’une crise économique n’entraîne des luttes sociales et de classe massives qui mènerait à une crise de légitimité et menacerait sa mainmise sur le pouvoir.
Au-delà du régime chinois, cette dévaluation montre les profondes contradictions qui rendent impossible aux élites économiques et financières au pouvoir de concevoir un ensemble de mesures qui restaurent la stabilité économique, sans même parler de croissance continue. Commentant l’intervention sur le renminbi, le Financial Times note qu’il est peu probable que la Chine ait eu « l’intention d’attiser des escarmouches parmi ses partenaires commerciaux jusqu’à une guerre à grande échelle. » Toutefois, a-t-il continué, « les intentions sont une chose, les conséquences en sont une autre. »
L’économie internationale est plus profondément intégrée que jamais, exigeant une direction et un contrôle mondiaux conscients. Mais les classes dirigeantes capitalistes sont enracinées dans le système de l’État-nation. Elles cherchent à défendre et à promouvoir leurs propres intérêts, entrant en conflit l’une avec l’autre, plus fortement encore dans des conditions de stagnation et de récession.
Les crises et les contradictions de l’économie mondiale exprimées dans la dévaluation chinoise ne peuvent être résolues que par une force sociale qui, par sa nature même, est internationale et transcende le système dépassé des États-nations. Cette force est la classe ouvrière mondiale, mobilisée pour le renversement du capitalisme et l’établissement du socialisme.
(Article paru d'abord en anglais le 12 août 2015)