Dans son discours aux Américain, mercredi soir le président Obama a présenté la perspective d'un conflit militaire ouvert et illimité de par le Moyen-Orient et au-delà.
La menace constituée par un groupe terroriste que peu d'Américains pouvaient identifier il y a seulement six mois, l'Etat islamique (EI, aussi appelé Etat islamique d'Irak et du Levant, EIIL), serait si sérieuse qu'elle requiert une mobilisation majeure de l'armée américaine et des services de renseignement du pays.
« Cette campagne de contre-terrorisme sera menée par un effort constant et implacable pour extirper l'EI où qu'il se trouve, » a dit Obama, déclarant ainsi qu'il n'existe aucune limite géographique à la nouvelle intervention militaire des Etats-Unis. Outre l'Irak et la Syrie, la Jordanie, le Liban, l'Arabie saoudite et la Turquie sont également des arènes potentielles de combats.
De plus, étant donné les racines de l'EI dans le pont aérien de combattants islamistes et d'armements depuis la Libye vers la Syrie, organisé par la CIA, après la guerre des Etats-Unis et de l'OTAN en 2011 qui avait renversé Mouammar Kadhafi, les actions militaires des Etats-Unis de par l'Afrique du nord et le Sahara sont le prolongement probable de la nouvelle étape d'Obama dans ce que le gouvernement Bush-Cheney appelait jadis la « guerre mondiale contre le terrorisme. »
Le battage médiatique sur les exécutions macabres de l'EI a très certainement eu un effet, au moins provisoire, sur l'opinion publique américaine. Mais les Etats-Unis ne partent pas en guerre pour venger Foley et Sotloff, ni pour exprimer leur indignation face à la décapitation d'innocents. Si c'était le cas, la cible des Etats-Unis serait la monarchie barbare d'Arabie saoudite, allié le plus important des Etats-Unis au Moyen-Orient, après Israël, qui selon un reportage aurait décapité le nombre stupéfiant de 113 prisonniers durant la période où Foley était détenu par l'EI.
Les véritables raisons de cette nouvelle intervention au Moyen-Orient sont les même que celles qui avaient poussé le gouvernement Bush-Cheney dans la précédente série de bains de sang: la volonté de l'impérialisme américain à contrôler les ressources de pétrole et à maintenir une position stratégique dominante au Moyen-Orient et plus largement sur tout le continent eurasien.
Cette intervention contre l'EI représente tout particulièrement un effort de la Maison-Blanche pour inverser la débâcle de politique étrangère qu'elle a subie l'année dernière en Syrie. Il y a tout juste un an, Obama réclamait des frappes aériennes contre le gouvernement de Bashar al-Assad, avec l'intention de le remplacer par un régime fantoche pro-américain. Il avait été contraint de reculer, de façon humiliante, du fait de l'opposition de la Russie, de divisions au sein de l'élite dirigeante américaine, du fait que des alliés clé des Etats-Unis, telle la Grande-Bretagne, ne s'étaient pas joints à la poussée vers la guerre et enfin du fait de l'opposition populaire.
La classe dirigeante américaine avait réagi en préparant le terrain pour une escalade massive au Moyen-Orient, tout en organisant un coup d'Etat en Ukraine qui ciblait la Russie, menaçant de déchaîner une guerre totale avec la deuxième plus importante puissance nucléaire du monde.
La déclaration explicite d'Obama que les Etats-Unis se préparent à bombarder des cibles en Syrie, « Je n'hésiterai pas à passer à l'action contre l'EI en Syrie ainsi qu'en Irak, » souligne la détermination de la classe dirigeante à se servir de l'offensive lancée par l'EI en juin comme d'un prétexte bien pratique pour achever ce qu'elle avait commencé.
Immédiatement après le discours, des plans ont été annoncés d'un afflux d'aide militaire et de formation pour les forces d'opposition soutenues par les Etats-Unis et qui sont engagées dans une longue guerre civile dans le pays. Cette aide sera coordonnée par l'Arabie saoudite, l'un des principaux soutiens des forces islamiques fondamentalistes qui se battent contre Assad, et un ennemi régional de la Syrie et de l'Iran.
Dans la poursuite de ses objectifs au Moyen-Orient, la promesse d'Obama de ne pas avoir recours à « des soldats sur le terrain » n'a absolument aucune crédibilité. Déjà des centaines de soldats et de conseillers américains ont été envoyés dans la région. Avant même qu'Obama n'apparaisse à la télévision, son secrétaire d'Etat John Kerry disait, lors d'une conférence de presse à Bagdad, que des troupes de combat américaines ne retourneraient pas en Irak à moins « évidemment que ne se produise un changement très spectaculaire. » Comme l'a fait observer l'ancien député démocrate Lee Hamilton, figure incontournable de l'establishment de politique étrangère, « C'est une échappatoire grosse comme une montagne. »
Comme toujours, les décisions qui ont une incidence sur la vie de centaines de millions de personnes sont prises à huis-clos par une petite clique, suivant des plans arrêtés à l'avance, et sont présentées comme un fait accompli pour approbation au Congrès et vendues par les médias sur la base de mensonges.
Dans la poursuite de ses objectifs, qu'Obama a appelés les « intérêts fondamentaux » des Etats-Unis, la classe dirigeante opère hors de toute contrainte légale. Il est significatif qu'Obama ait reconnu qu'il n'y avait aucune preuve donnant à penser que les forces de l'EI, qui contrôlent la plus grande partie de l'Est de la Syrie et ont envahi certaines régions de l'Ouest et du Nord de l'Irak cet été, constituent une quelconque menace pour les Etats-Unis. Il a au contraire soutenu que « Si on ne les contrôlait pas, ces terroristes pourraient constituer une menace grandissante au-delà de cette région, y compris jusqu'aux Etats-Unis. »
Ceci revient à adopter pleinement la doctrine de guerre préventive, adoptée par Bush et Cheney comme base pour l'invasion et la conquête de l'Irak. Cette doctrine est en violation directe du droit international qui interdit à tout pays de justifier une guerre d'agression en déclarant réagir à une menace potentielle future, au lieu d'une situation de légitime défense. Le lancement de telles guerres est le crime principal pour lequel les dirigeants nazis avaient été inculpés et reconnus coupables durant les procès de Nuremberg.
De plus, les représentants de la Maison-Blanche ont soutenu qu'Obama a « toute l'autorité dont il a besoin » pour intensifier la guerre contre l'EI, citant l'Autorisation 2001 pour l'utilisation de la force militaire (AUMF) adoptée par le Congrès après les attentats du 11 septembre 2001. En cela aussi Obama suit l'exemple de Bush et Cheney qui avaient eu recours à l'AUFM comme justification passe-partout non seulement pour des actions militaires à l'étranger mais aussi pour la surveillance de masse et la détention pour une durée indéterminée aux Etats-Unis mêmes.
La mise en oeuvre d'une nouvelle guerre au Moyen-Orient souligne le danger mortel confrontant la classe ouvrière, dans cette région du monde, au Etats-Unis et de par le monde. La classe dirigeante américaine s'est embarquée dans une guerre permanente et qui ne cesse de s'étendre. Dans le contexte d'une crise économique et sociale qui s'intensifie, elle cherche à résoudre ses problèmes dans le pays et à l'étranger en affirmant sa domination sur chaque région du globe.
La logique qui en découle est la guerre mondiale. Le seul moyen de mettre fin à cette logique est l'intervention politique indépendante de la classe ouvrière internationale et l'abolition du système capitaliste.
(Article original paru le 12 septembre 2014)
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